750 grammes
Tous nos blogs cuisine Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Rechercher Un Mot

Archives

Articles RÉCents

Liens

31 octobre 2015 6 31 /10 /octobre /2015 17:42

Les Suisses à la Bérésina.

L’armée de Gouvion Saint-Cyr n’avait pas encore quitté ce théâtre de tant de luttes, qu’elle dut reprendre les armes. Non plus contre Wittgenstein, qui n’éprouvait aucune envie de forcer le passage de la Duna sous le feu d’une nombreuse artillerie ; mais bien contre Steinheil. Un nouveau et sanglant combat eut lieu le 20 octobre sur la gauche française. Les Russes y furent chassés de leurs positions et laissèrent deux ou trois mille hommes tués, blessés ou prisonniers.

Blessé lui-même d’une balle au pied, depuis la bataille du 18, le maréchal Saint-Cyr remit le commandement de l’armée au général Merle. Les Bavarois, sous le général de Wrede, tirèrent de leur côté, avec la brigade de cavalerie Corbineau. Le 2e corps prit la direction du sud-est, poursuivi par la cavalerie russe, mais faisant la meilleure contenance.

D’une part il se rapprochait ainsi de la route suivie par Napoléon, d’autre part du 9e corps (maréchal Victor). La jonction eut lieu le 30 octobre.

Resté jusqu’alors en réserve sur la gauche de la Grande Armée, ce corps était à peu près intact et comptait vingt à vingt-cinq mille hommes. Victor aurait pu, semble-t-il, s’opposer victorieusement, avec toutes ses forces, au général Wiitgenstein, qui lui offrit la bataille le lendemain, vers Tchasniki. Il préféra ne pas s’engager à fond et profita de la nuit pour reculer dans la direction d’Orsza.

Quelques jours plus tard, le maréchal Oudinot, à peu près guéri de sa blessure et informé de la retraite de Saint-Cyr, vint reprendre le commandement de son corps. Par malheur, comme il arrivait souvent parmi les maréchaux de Napoléon, Victor et Oudinot ne purent tomber d’accord sur les opérations à entreprendre. Ils se séparèrent pour agir dès lors chacun à sa guise. Ce qu’il en résulta de plus clair, ce furent des marches et contremarches aussi harassantes qu’inutiles, coupées de quelques engagements. Dans l’un d’eux, une bombe tomba sur le front d’un bataillon suisse, tout près, dit-on, du général Merle. Un grenadier vaudois se jeta sur la bombe et en arracha la mèche fumante.

Depuis un mois le corps d’Oudinot battait ainsi en retraite. À un bel automne, l’hiver, comme il arrive en ces climats, avait succédé brusquement. Dès le 6 novembre il était dans toute sa rigueur presque sibérienne. La neige et le froid s’ajoutant aux fatigues et aux privations, le 2e corps se trouvait dans un triste état. Mal vêtu, mal chaussé, plus mal nourri encore, il était réduit à un peu plus de la moitié de l’effectif qu’il avait en quittant Polotzk, soit à sept ou huit mille hommes. Cependant le moral était bon, excellent même suivant certains témoignages, et ces soldats ont montré là un exemple du plus difficile des courages, qui n’est pas celui de se jeter impétueusement dans la mêlée.

Depuis un mois aussi se déroulait le drame gigantesque de la grande retraite de Moscou. Ouvrant parfois sa route en combattant, harcelée par l’ennemi, désorganisée presque entièrement, la Grande Armée périssait de faim, de froid, de la plus effrayante misère. Ce n’était déjà plus qu’une foule pitoyable que son instinct poussait vers l’Occident, vers le refuge si lointain encore. Et sur cette cohue, les triples tenailles des armées russes allaient se resserrant.

Devant ce spectacle navrant, ils n’en croyaient pas leurs yeux, les soldats d’Oudinot et de Victor, quand ils entrèrent en contact, autour d’Orsza, avec les premiers débris de la Grande Armée. Ils pensaient voir venir du renfort, car on leur avait naturellement caché la situation ; et sous leurs regards étonnés passaient, dit J. de Schaller, « un bissac sur l’épaule, un long bâton à la main, couvert de guenilles, fourmillant de vermine et livrés à toutes les horreurs de la faim. Ces malheureux, minés par la fièvre, noircis par la fumée des bivouacs, les yeux caves et éteints, les cheveux en désordre, la barbe longue et inculte, nous inspiraient la plus profonde pitié. Alors seulement nous comprîmes que nos deux corps d’armée devaient à eux seuls contenir les trois armées russes et sauver la fortune de l’Empereur. Loin de nous effrayer, cette pensée nous remplit d’un courage inébranlable et fit de tous nos hommes des héros. »

Un autre témoin, le sergent Bourgogne, nous montre, dans un saisissant croquis, la Grande Armée peu avant le passage de la Bérésina. La longue colonne passe dans un silence impressionnant. En tête, les princes et les généraux, la plupart à pied, font escorte à l’Empereur vêtu de fourrures, qui s’avance un bâton à la main.

En ce moment, la situation de l’armée était la suivante. Koutouzoff la poursuivait à une ou deux étapes en arrière, mais précédé d’une nuée de Cosaques. À droite, entre Witebsk et Borissov, Wittgenstein accourt à la curée, et Victor le contient au prix des plus rudes efforts. Sur le front s’allonge la Bérésina. Par-delà cette rivière, l’amiral Tchitchagov, venu du sud avec l’armée de Moldavie, a pris Minsk aux Polonais de Bronikovski et va occuper le pont de Borissov.

L’amiral est presque sûr de mettre la main sur Napoléon en personne. Il adresse à ses troupes une proclamation grandiloquente, dans laquelle il donne un signalement complet de l’Empereur, et enjoint l’ordre de lui amener tous les prisonniers « qui sont petits de stature. » C’était compter sans son hôte, et cette proclamation a ridiculisé ce général.

Oudinot avait reçu l’ordre de s’assurer à tout prix du passage de Borissov. Il se hâte vers ce point ; mais une forte avant-garde de l’amiral enlève le pont et la ville, malgré la belle défense de Dombrowski. Les troupes de ce dernier rallient le corps d’Oudinot, suivies par les Russes victorieux. Une vive rencontre se produit à quelques lieues de la Bérésina entre les deux avant-gardes. Les Russes sont brillamment refoulés par Legrand. Ils lâchent pied et sont poussés tambour battant jusqu’à Borissov. Sans essayer de défendre la ville, et sacrifiant des canons, des prisonniers et des équipages, ils repassent en hâte la Bérésina et détruisent aussitôt par l’incendie le pont où la Grande Armée voyait son meilleur espoir de salut. C’était au soir du 23 novembre.

A suivre...

Partager cet article
Repost0

commentaires