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20 juillet 2017 4 20 /07 /juillet /2017 17:32

Premiers aventuriers du Valais et des Grisons

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Ces deux régions des Alpes suisses étaient dans une misère noire. Elles partageaient avec le Tessin et la Savoie cette malédiction qui plane sur la petite agriculture de montagne : « quand la famille s’agrandit, la terre diminue ».

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Dans les Grisons, en 1815, les villageois adoptent le remède traditionnel contre la disette : on tire au sort, toutes les dix familles, celle qui devra quitter la commune pour chercher son pain ailleurs. On se dirige vers l’Italie, exercer le plus souvent le métier de pâtissier-confiseur.

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Les Tessinois partent comme maçons, et deviennent souvent architectes.

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Les Valaisans suivent le Rhône et tentent l’aventure en France ; une aventure qui n’est pas toujours celle du commerce et de l’hôtellerie, mais de pur hasard.

MICHEL ZUFFREY

Michel Zuffrey et sa femme

Michel Zuffrey et sa femme

A Saint-Luc, dans le val d’Anniviers, nait en 1850 l’un des vingt-quatre enfants du vice-préfet Zuffrey : Michel, un garçon que ses parents souhaitent voir devenir prêtre. La discipline du collège de Saint-Maurice ne plaît qu’à moitié au gamin. Il fait le mur un beau matin et part à pied pour Lausanne. (On notera ce début très classique : combien d’hommes ont réussi leur existence en commençant par s’échapper du collège.) Arrivé en gare de Lausanne, il regarde fasciné la manœuvre des locomotives. Un étranger l’aborde. Le jeune Michel est dépourvu de timidité, au contraire. Il s’exprime avec clarté et vivacité. L’étranger, ambassadeur de France à Saint-Pétersbourg, l’engage dans sa suite, et lui confie la charge de courrier diplomatique. Dans la même nuit, équipé de neuf, muni d’une avance de traitement et sans aucune formation politique, ni aucun mot de russe dans son bagage linguistique, composé d’un peu de latin et de beaucoup d’accent de Saint-Luc, le jeune homme roule vers la Sainte Russie, dans un de ces merveilleux wagons qu’il voyait pour la première fois il y a quelques heures.

Après deux ans de représentation diplomatique à Saint-Pétersbourg, Zuffrey est recommandé à Napoléon III. Il devient courrier secret de l’impératrice Eugénie. Il suivra de près les vicissitudes de la famille impériale : siège de Paris, Commune, exil en Angleterre. Dans la bonne tradition du mercenaire suisse, n’ayant plus rien à faire dans la diplomatie française, il prend du service où il se trouve, en Angleterre, et part explorer les sources du Nil pour l’amiral Seymour. Cet insolite Valaisan devient un spécialiste du monde arabe. Au nom de Sa Gracieuse Majesté, il intervient dans tout le Proche-Orient, et de l’Egypte au Maroc.

Après quoi, il épouse une Anglaise et ouvre à Londres une boutique d’antiquaire et d’objets d’art.

 

Vers 1880 (30 ans), fortuné, père de cinq enfants, il retourne au pays, s’achète des vignes dans la Noble Contrée, et acquiert l’ancien château de la Cour à Sierre. Il décide alors de ne plus bouger, et de recevoir des voyageurs dans son château transformé en un hôtel idéal. Le ravitaillement est autarcique, grâce aux domaines qu’il achète autour : il produit son vin, ses fruits, sa viande. La demeure est une sorte de musée rempli d’objets qu’un grand voyageur et un antiquaire comme lui a su collectionner. Ses écuries offrent aux connaisseurs d’admirables chevaux de selle.

Les origines du château, la Maison de la Cour

Les origines du château, la Maison de la Cour

L'Hôtel Bellevue Sierre

L'Hôtel Bellevue Sierre

L'Hôtel Bellevue Sierre de l'arrière

L'Hôtel Bellevue Sierre de l'arrière

Aujourd'hui devenu L'Hôtel de Ville de Sierre

Aujourd'hui devenu L'Hôtel de Ville de Sierre

Grâce à ses nombreuses relations, son château, maintenant transformé et baptisé d’un nom bourgeois assez ridicule : Le Château Bellevue, devient le rendez-vous de l’élite britannique : lord Roberts, vainqueur de la guerre des Boers, lord Beaverbrook, magnat de la presse, Whymper, le conquérant du Cervin qui offre, en hommage à Zuffrey, le piolet qui servit à la fameuse première du vendredi 13 juillet 1865, sont ses hôtes.

Ingénieux, Michel Zuffrey crée, à l’orée d’un petit bois, une glacière qu’il fait remplir chaque hiver par des blocs de glace en provenance du lac de Finges, ceci pour servir frais, champagnes et whiskies que les clients de l’hôtel appréciaient à leur juste valeur comme les crus du pays.

 

Dernier volet de cette existence, la découverte par Zuffrey de l’importance touristique du Valais, qu’il prospecte et parcourt dans tous les sens, en imaginant des moyens d’accès et créant des sites, ceux de Montana et Vermala, où il fait construire deux hôtels avec son beau-frère. C’est lui qui fait bâtir la première usine électrique, sur la Navisence, pour apporter à Sierre son courant électrique. Premier funiculaire Sierre-Montana, premier chemin de fer Loèche-les-Bains, projet (non réalisé) d’un « Thermaloduc » destiné à amener par conduite les eaux de Loèche à Sierre. Michel Zuffrey se mêle de tout.

Le collégien échappé de Saint-Maurice finira président de la ville de Sierre. Pionnier par fantaisie, par besoin de dépenser son imagination, il occupe dans l’histoire de l’hôtellerie une place à part : celle de l’improvisateur à qui tout réussit, qui sait changer de profession tous les dix ans, et dont la vocation consiste à n’en avoir aucune.

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