Elbe, février 1815
Ce n’est pas à moi de juger de l’affaire des écus enterrés par Constant. L’Empereur m’a paru peiné. Il refuse qu’on en parle. L’important pour moi est qu’il m’ait choisi pour l’accompagner à Elbe où il me traite plus en courrier qu’en valet. Il m’honore de plus en plus de sa confiance. Je suis assez libre de mes mouvements, bien que je doive me méfier des espions, et quand j’embarque sur le navire qui relie Porto Ferraio à Livourne, j’ai vite fait de repérer des personnages suspects. Je flâne donc sur les quais italiens, marchande de fruits, bois des verres de chianti dans les auberges jusqu’à ce que mes suiveurs lassés soient rassurés. J’accomplis la mission dont on m’a chargé, remets et reçois des messages et reviens dans l’île avec un panier d’osier rempli de prosciutto, de parmesan sans oublier les amaretti dont raffole la belle princesse Borghèse.
Ici, à Elbe, toute l’île est en ébullition : on légifère, on ouvre des routes, on construit un théâtre, on jette des ponts. Chauvin, le palefrenier en chef, s’affaire à une écurie de cent chevaux. La princesse Borghèse, plus belle que jamais, organise spectacles et bals, et moi, dans ce remue-ménage, je flâne sur le quai de Porto Ferraio où je m’embarque de temps à autre pour des messages qui préparent de grandes choses.
L’Empereur s’est réjoui des nouvelles d’Amérique où les Anglais ont subi une grande défaite à la Nouvelle Orléans. « Eux aussi auront eu leur Trafalgar ! » a-t-il dit.
A suivre