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4 octobre 2017 3 04 /10 /octobre /2017 16:41

Paris 1811

Roustan m’a emmené dîner chez lui. Il avait épousé en 1806 une bien jolie demoiselle qui avait à peu près mon âge et que j’avais déjà remarqué parce que la petite Douville était la fille d’un huissier de l’Empereur et c’était lui qui avait réglé tous les frais de la noce. Un an plus tard, Roustan avait présenté au palais un gros bébé, et l’Empereur s’écria : « ça sera un futur mameluk, mais attention, il risque de devenir aussi gros que toi ! »

J’étais flatté parce que le personnage qui m’avait le plus impressionné quand je suis arrivé à Paris, ce n’était pas l’Empereur, c’est Roustam.

Garde du corps de l’Empereur, Roustam

Garde du corps de l’Empereur, Roustam

Mystérieux et fanatique, tel était le garde du corps de l’empereur.

A le côtoyer, j’ai appris à le connaître et, pour moi, il a quitté son masque :

Je suis né à Tiflis, en Géorgie. Très jeune, j’ai été capturé par les Turcs et emmené en esclavage. Je me suis échappé ; des brigands m’ont découvert au bord du Bosphore, j’ai quitté un esclavage pour un autre et c’est au Caire que j’ai eu ma chance : l’Empereur… Pardon, il n’était que général à l’époque, le général Bonaparte se méfiait des Egyptiens. Il m’a demandé :

  • Où es-tu né ?
  • A Tiflis.
  • C’est une ville de Géorgie, tu n’es donc pas égyptien ? Est-ce que tu les aimes ?
  • C’est eux qui m’ont fait ça (je lui ai montré ma cicatrice à la main).
  • Ça m’a tout l’air d’un bon coup de sabre, tu as de la chance de n’être pas manchot.
  • J’ai deux bras pour vous servir !
  • Comment t’appelle-t-on ?
  • Ici, on m’appelle Jahia.
  • Mais ce n’est pas ton vrai nom ?
  • Mon vrai nom, c’est Roustam.
  • Roustam… ! C’est un nom de brave homme, et j’espère d’un homme brave !

Là-dessus, le général m’a fait cadeau de ce sabre qui ne me quitte jamais, et de deux pistolets qui sont toujours chargés, puis il m’a dit :

  • Va te faire habiller, ce soir tu me serviras à dîner. Fischer, celui qui t’a précédé comme valet de chambre, m’a choisi un pantalon blanc, une veste rouge brodée d’or et un turban ; il m’a donné quelques conseils. Tu as vu mon sabre, Noverraz… ?
  • Il est garni de véritables diamants, quant à mes pistolets, ils sont garnis en or !
  • Tu as combattu en Egypte ?
  • J’ai veillé sur le général, je le suivais pas à pas, et depuis lors, chaque nuit, je dors en travers de sa porte. Quelques jours plus tard, le général m’a dit : « Veux-tu venir avec moi en France ? Tu n’y seras pas seul, j’ai engagé des Maltais, des Syriens et des nègres. »
  • Écoutez, Général, j’aurais assez voulu venir avec vous, mais les Arabes m’ont raconté que l’usage des Français était de couper leur tête…
  • On en a beaucoup trop coupé, mais, je te le garantis, la tienne restera sur tes épaules.
  • Dans ce cas, mon Général, promesse de Mameluk, je ne vous quitterai pas.

Tu sais, Noverraz, au Caire, il y avait aussi de bons moments. Les filles du « Tivoli » étaient plus belles que les Parisiennes, mais j’ai dû souvent faire tournoyer mon sabre et couper bien des têtes arabes, mais c’est pas parce qu’on est rentré à Paris qu’on n’a plus d’ennemis : il y a les Jacobins et les royalistes qui en veulent à notre Empereur, des malfaisants, des assassins, et il faut même se méfier des empoisonneurs.

Tiens, par exemple, Madame l’Impératrice m’a dit l’autre jour : « Toi qui es né près de la Mecque, dis-moi ce que tu penses de ça ». Ça, c’était une petite bouteille où c’était écrit « Véritable baume de la Mecque ». Tu le connaissais, toi, ce baume ? Moi non plus, mais un véritable médecin m’a dit que c’était le plus précieux de tous et qu’il était très rare. Alors moi, j’ai voulu m’assurer que ce baume était véritable.

J’ai fait rougir un sou au feu et j’ai fait tomber dessus une goutte du baume. Un des adjoints de M. Corvisart m’avait expliqué que le Baume de la Mecque pur et fidèle perce le sou, y faisant un trou à passer un gros pois et il consommera le cuivre sans que l’on puisse démêler ce qu’il sera devenu. Le liard n’a pas fondu, rien, et j’ai dit à Sa Majesté de se méfier, et elle a jeté le flacon. Le médecin m’a dit qu’il n’y avait guère que les Vénitiens qui, par leur commerce avec les Turcs, pouvaient recevoir le vrai Baume de la Mecque… Ils en savent des choses ! Ces gens venus de l’Orient !...

A suivre...

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