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3 novembre 2007 6 03 /11 /novembre /2007 17:30
Le domaine temporel de l’évêque de Bâle, groupé autour de la donation de l’abbaye de Moutier-Grandval, au lieu d’être confiné, comme celui des évêques de Lausanne, de Sion et de Genève, dans les limites du comté, soit du diocèse, s’étendit très tôt dans les diocèse de Lausanne (vallon de St-Imier et La Neuveville) et dans celui de Besançon (l’Ajoie). En dehors du diocèse de Bâle, l’évêque n’était que prince, mais comme prince, il pouvait avoir, après la Réforme, la collation des pasteurs. A la fin de l’ancien régime, en 1779, une rectification des frontières ecclésiastiques rétablit la concordance entre la principauté et le diocèse. « En janvier 1782, le curé de Porrentruy chante, pour la première fois, la messe « à la bâloise ».
La principauté épiscopale de Bâle avait un caractère essentiellement patrimonial. Elle n’avait ni unité géographique, ni, après la Réforme, unité religieuse. Les liens de combourgeoisie de plusieurs communes du sud avec Berne (Bienne, 1352 ; La Neuveville, 1388 ; la Prévôté de Moutier-Grandval, 1486) avaient placé cette région sous le protectorat de LL.EE., surtout après l’introduction de la Réforme, car les paroisses réformées du Jura dépendaient étroitement de l’Eglise bernoise. L’évêque partageait avec Berne la souveraineté de la Montagne de Diesse. La maire, rendant la justice, portait un manteau rouge et noir, à l’extérieur, couleurs de Berne, et rouge et blanc, à l’intérieur, couleurs du prince-évêque. Selon qu’il jugeait au nom de son Altesse ou de LL.EE., il tournait son manteau de manière à arborer les bonnes couleurs !
Alors que la Confédération des XIII cantons, qui s’était déjà dégagée de tout lien de juridiction avec l’Empire, avait fait reconnaître sa pleine souveraineté à la paix de Westphalie, en 1648, (de même que le prince de Neuchâtel), l’évêque de Bâle demeura prince du Saint-Empire romain de nation germanique pour les territoires du Nord du Jura et Moutier. Cette allégeance se marquait par l’investiture lors de son entrée en charge, avec le paiement d’un émolument fort coquet à la chancellerie impériale de Wetzlar, « tombeau des procès ». Lors des troubles de 1726 à 1740, l’évêque demanda l’arbitrage de l’Empereur, d’ailleurs sans succès.
Le sud de la principauté échappait à l’Empire germanique. Il était censé faire partie de la Suisse. Il refusait de payer l’impôt du Turc prélevé dans tout l’empire pour soutenir la résistance de l’Autriche. Moutier, d’allégeance impériale, était cependant couvert par la neutralité helvétique.
La complexité juridique du régime applicable aux diverses parties de la principauté épiscopale était extrême.
Et cependant les princes-évêques réussirent à maintenir leur autorité dans le Sud comme dans le Nord jusqu’à la Révolution. On constate même un affermissement du pouvoir du prince-évêque sous les derniers règnes, après les troubles qui agitèrent d’abord l’Erguel* puis l’Ajoie pendant une quinzaine d’années de 1726 à 1740 (31 octobre 1740, exécution de Pierre Péquignat).
La principauté épiscopale de Bâle – Porrentruy fut, elle aussi, un Ständestaat. Institués assez tard, au XVe siècle, les Etats du pays comprenaient vingt-cinq députés, un député de la noblesse, huit des abbayes et chapitres et seize pour les villes et communautés. La réforme porta un premier coup à l’institution car les villes et communautés réformées cessèrent d’y paraître, sauf, rarement, la Prévôté et l’Erguel.
Contrairement aux Etats généraux en France, aux Audiences générales à Neuchâtel et aux Etats de Vaud, qui cessèrent d’être convoqués dès la première partie du XVIIe siècle, les Etats de la principauté subsistèrent encore au XVIIIe siècle. On les voit convoqués à Porrentruy en 1730 et en 1739, au cours des troubles de l’Ajoie. Mais l’esprit de la libre conversation entre le Prince et les Etats, caractéristique du Ständestaat, avait disparu. L’évêque convoquait les Etats pour leur faire connaître sa volonté.
Le Jura épiscopal connut, seul en Suisse, l’évolution de la monarchie féodale à la monarchie de droit divin et au despotisme éclairé, à l’instar de la Prusse, de l’Autriche et de l’Espagne. Ce sont précisément des réformes instituées d’autorité par le prince Jean-Conrad de Reinach en 1726, - création d’une chambre des comptes, d’une cour des fiefs, d’une commission des eaux et forêts, d’une chambre des notaires, des commissions pour l’entretien des pauvres, des veuves et des orphelins, l’industrie du fer, les forges, le sel, le commerce des grains – qui suscitèrent la révoltes d’un peuple conservateur de ses usages. Ni la tentative d’arbitrage de la Cour de Vienne, ni l’intervention auprès des cantons n’apaisèrent les troubles, qui furent finalement réprimés à l’aide de troupes françaises.
L’autoritarisme maladroit des deux Reinach ne doit pas faire oublier des règnes bienfaisants avant et après les troubles : celui du grand Christophe Blarer de Wartensee (1575-1608), qui liquida le contentieux avec la Ville de Bâle par le traité de Baden, le 11 avril 1585, après avoir obtenu l’alliance des cantons catholiques en 1580. L’indemnité qu’il reçut, en contrepartie de l’abandon de ses droits sur la ville rhénane, lui permit de rétablir les finances de la principauté et de fonder le collège Saint-Charles (Borromée) à Porrentruy. Le chapitre, en revanche, refusa la transaction pour ce qui le concernait.
Il est digne de remarque que le problème que posait la présence de la ville de Bienne dans la principauté épiscopale est apparu au prince-évêque Blarer de Wartensee comme il devait se poser trois siècle et demi plus tard aux pères du canton du Jura : l’évêque, convaincu que les franchises de la ville, en partie usurpées au cours des siècles, en étaient au point que son autorité y était illusoire, conçut le projet de la céder à la ville de Berne pour obtenir en contrepartie le rétablissement de l’autorité princière sur l’Erguel, que Bienne s’était attribuée au point de vue judiciaire et militaire. Le traité fut conclu en 1599 sans la participation des Biennois. Quand ceux-ci apprirent les tractations, ils craignirent que leur combourgeoisie avec Berne ne se transformât en sujétion et se mirent à apprécier l’autorité discrète et limitée de l’évêque. Des difficultés soulevées maladroitement par Berne dans l’exécution du traité engagèrent Blarer de Wartensee à y renoncer. Bienne resta dans la principauté et fit sa paix avec l’évêque en 1606 : les droits qu’elle prétendait exercer dans l’Erguel en matière judiciaire furent recouvrés par l’évêque, Bienne conservant cependant dans cette région le droit de bannière. Berne renonça, difficilement, à son acquisition en 1607.
Jean-François de Schönau (1651-1656) réussit à se faire recevoir dans le Défensional** des cantons protestants. Mais il risqua du même coup de perdre l’alliance des sept cantons catholiques. En 1691, l’évêque JeanConrad de Roggenbach (1656-1693) « le bon prince », fut sur le point de faire entrer sa principauté dans la Confédération mais les cantons catholiques s’y opposèrent parce que la contrepartie était l’admission de Genève. Les cantons catholiques reconnaissaient déjà, cette année-là, l’incorporation du Pays de Vaud à la neutralité helvétique. C’était suffisant ! Il est curieux de rapporter ce marché manqué de la suggestion genevoise au Congrès de Vienne d’échanger avec la France le Jura épiscopal contre le pays de Gex. L’évêché de Bâle demeura lié seulement aux sept cantons catholiques.
Après les troubles sous les règnes des deux Reinach, le trône épiscopal fut encore occupé par des hommes de valeur, dont le plus remarquable, Guillaume Rinck de Baldenstein (1744-1762), natif du pays, se distingua comme bâtisseur de routes, restaurateur des forêts, créateur du cadastre.
Le prince-évêque était élu par les chanoines du chapitre de Bâle, installé depuis la Réforme à Fribourg en Brisgau, puis à Arlesheim, et composé en majeure partie de cadets de familles nobles d’Allemagne ou d’Alsace. Si l’élection tardait, le pape pouvait se substituer au chapitre.
Pour un homme du XXe siècle, le régime du Jura épiscopal paraît bien étrange. Ce régime n’en a pas moins formé un pays voisins, sauf Neuchâtel. L’accueil, tacite, par l’évêque des anabaptistes fugitifs des terres bernoises est assez exceptionnel.
Le fait d’avoir dépendu durant huit siècles du même prince n’a pas manqué de marquer la population du Jura, malgré sa diversité ; sans le prince, l’unité du pays n’aurait pas résisté aux forces centrifuges. Le canton de Berne, depuis 1815, n’a pas su reprendre le rôle fédérateur de l’évêque. Mais il n’a pas non plus fédéré contre lui tous les Jurassiens. Le désir de retour à l’unité, général dans le Nord, et l’opposition à ce même Nord, dominante dans le Sud, s’expliquent par l’histoire. Même Moutier conserve la position ambiguë qu’il avait dans la principauté, mi-germanique, mi-helvétique. Cependant c’est dans la partie anciennement « germanique » du pays que l’affirmation de la francophonie s’est développée le plus, au point d’y devenir le motif principal de l’autonomie.
 
*L’Erguël, terre du prince-évêque de Bâle
Du Moyen Age à 1797, l’Erguël fut une seigneurie, ou bailliage, de la principauté épiscopale de Bâle. Les sires d’Arguel, ou d’Erguël, de Franche-Comté, en détinrent l’avouerie (charge détenue par un laïc, consistant à défendre les intérêts temporels d’une institution religieuse). Ils occupaient le château, aujourd’hui en ruine, au sud-est de Sonvilier.
 
**Lorsque des troupes étrangères protestantes pénètrent sur le territoire suisse et violent sa neutralité en 1633 puis en 1638, la Diète réagit en créant un « Conseil de guerre » composé d’officiers catholiques et protestants capable de réunir 36 000 hommes en armes pour défendre les frontières de la Confédération. L’acte fondateur de cette institution est le « Défensional de Wil » signé en 1647.
 
La formation de l’Etat dans les six cantons romands. Cahiers de la Renaissance vaudoise 1982
 
blarer.jpgJacques-Christophe Blarer de Wartensee
Prince-évêque de Bâle 1575-1608

saint-germain302.jpgCrosse de Saint Germain
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