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3 janvier 2008 4 03 /01 /janvier /2008 11:20
Nous passâmes un hiver assez tranquille. Je dis assez, car ma vie à la maison n’était point agréable. Ma belle-mère devenait de plus en plus tyrannique, je me révoltais avec toute la fougue de la jeunesse. Bien souvent, je vins me réfugier près de mon ami Davel. Là je pouvais soulager mon cœur et pester à mon aise. Il s’efforçait de me calmer et de me réconcilier avec mon sort. Evidemment, il avait raison. J’aurais dû me montrer plus patient, mais quand on a le sang un peu vif, la patience est difficile à pratiquer. De son côté, Daniel me paraissait souvent préoccupé. Son métier de notaire paraissait l’ennuyer de plus en plus. « Que faisons-nous ici à végéter, me disait-il un jour, quel avenir avons-nous ? Toutes les bonnes places sont pour les Bernois, tant au civil qu’au militaire. Nous sommes traités en mineurs, l’on nous méprise, notre pays n’est pas fait pour nous !
- Tu as raison, cher ami, je secouerais volontiers la poussière de mes souliers et voudrais voir du pays.
- Tiens, j’y avais aussi pensé, et si tu y vas, je pars avec toi ? »
Dès lors, toutes nos conversations n’eurent plus d’autre sujet. Mme Davel, femme de tête, était parfaitement capable de gérer le petit domaine de la famille. Mon père, par amour de la paix, ne ferait aucune objection à mon départ. De quel côté allions-nous nous diriger et à qui offririons-nous nos services ? Nous n’avions que l’embarras du choix. Toute l’Europe était en guerre ; la France s’était mis sur le dos toute une coalition d’ennemis : l’Angleterre, l’Empereur, l’Espagne et la Savoie. Pas plus que moi, Davel ne se souciait d’aller se battre pour le compte du roi de France qui pour lors, persécutait cruellement nos coreligionnaires. Finalement, nous nous décidâmes pour l’Angleterre, qui entretenait quelques régiments suisses dans le Piémont. Ayant réglé nos affaires – pour moi, ce fut vite fait – nous fîmes nos adieux à nos familles et nous partîmes.
 
Davel militaire.
 
Notre voyage se fit le plus facilement du monde et nous fûmes bien accueillis. Les régiments suisses du Piémont étaient commandés par le colonel zurichois d’Obercan. Dès notre arrivée, je commençais à comprendre que l’instruction peut être utile, quel que soit le métier que l’on embrasse. Tandis que Davel état immédiatement pris par le colonel comme secrétaire, moi je fus trouvé bon à faire un simple soldat, sans grand espoir d’avancement. Pendant que je manoeuvrais sous la pluie, virant à droite, virant à gauche, marchant, courant, écrasé sous le poids de mon lourd mousquet et de mon sac, Davel avait une vie bien plus douce. Il avait à s’occuper de l’intendance et de l’administration. Tout de suite, il se fit remarquer et apprécier par son chef, pour son honnêteté scrupuleuse. Malgré sa situation privilégiée, il demeura mon ami et je trouvai chez lui le même accueille amicale qu’à Cully.
Quelques mois après notre arrivée, le colonel d’Obercan mourut. Son successeur fut un Vaudois, le lieutenant-colonel de Sacconay, officier très estimé. Davel lui fut chaudement recommandé et il le prit pour aide-major, officier chargé du dressage des recrues. Dans ces nouvelles fonctions, j’eus l’occasion d’admirer les qualités vraiment militaires de mon ami. Il était à la fois ferme et patient et il sut rapidement imposer son autorité à une troupe pourtant difficile à conduire. Une stricte discipline fut établie car de Sacconay, comme son subordonné, attachait un grand prix à la bonne tenue des soldats et à l’ordre. Toute infraction était sévèrement punie, mais avec justice. Un soir que, m’étant libéré du service j’étais venu passer la soirée avec Davel, il me dit : « Eh bien ! Tu vois, Louis, ce qu’elle m’avait prédit s’est réalisé ». Moi, qui ne pensais plus à la Belle Inconnue, je lui dis : « Qui donc t’a prédit quelque chose. – Mais la jeune servante de ma mère. Elle m’a annoncé que j’irais à la guerre, que je serais secrétaire d’un chef qui mourrait bientôt ». J’avoue que je fus un peu interloqué, je trouvai cependant une réponse : « Elle t’a prédit, c’est vite dit, tu as obéi à ses ordres, voilà tout. – Est-ce pour obéir à ses ordres que notre défunt colonel m’a pris comme secrétaire et qu’il est mort ? » Je jugeai prudent de garder le silence. « Tu le vois, Louis, continua-t-il, ma voie est tracée par Dieu lui-même, je n’ai qu’à me laisser conduire ». Nous ne reparlâmes plus de cela pour le moment, car nous eûmes d’autres préoccupations. Notre armée alla assiéger Casal puis, la ville emportée d’assaut, la troupe prit ses quartiers d’hiver dans le val d’Aoste. Je me conduisis fort vaillamment dans les divers engagements auxquels je pris part ; nous autres Vaudois, qui avons l’air plutôt paisibles, nous aimons la vie de soldat et savons nous battre avec autant de vaillance que les vieux reîtres venus d’outre-Sarine.
A suivre...
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