750 grammes
Tous nos blogs cuisine Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Rechercher Un Mot

Archives

Articles RÉCents

Liens

27 février 2008 3 27 /02 /février /2008 20:36
Quelques jours plus tard, il y eut grande rumeur dans nos paroisses. Davel avait fait lire dans toutes les chaires de sa juridiction une convocation à une revue qui devait avoir lieu à Cully, le 31 mars, dès le matin. Ceux de Corsier et de St-Saphorin devaient y être aussi. Cette convocation insolite étonna tout le monde, car les inspections ordinaires avaient déjà eu lieu sur les places habituelles de rassemblement et le moment paraissait mal choisi à cause des travaux de la campagne qui pressaient. J’en fis l’observation à Davel : « Je suis étonné, me répondit-il, de tout le bruit que l’on fait à propos de cette convocation. Le capitaine de Crousaz, de Chexbres, ne m’a-t-il pas écrit pour me demander si j’agissais par ordre de Leurs Excellences. Il trouve que cela cause de bien gros frais. On ne se rend pas compte qu’en cas de danger, nos troupes de Lavaux marcheraient en première ligne. Mon devoir est donc de m’assurer par moi-même de leur préparation et de l’état de leur équipement. Pour ces choses-là, un chef ne s’en remet qu’à son propre jugement. Comme je dois me rendre prochainement à Berne, je veux pouvoir faire un rapport exact. » Je lui demandai s’il y avait pour lors des menaces de guerre. « Non, me dit-il, mais il y a eu des mouvements de troupes sur la frontière et il vaut mieux être prêt. »
Comme il avait réponse à tout et que nul ne se fût avisé d’une tromperie venant d’un homme comme lui, chacun se conforma à ses ordres et le 31 mars au matin, notre petite ville de Cully était pleine de soldats. Nous nous réunîmes sur la place d’armes où avaient lieu habituellement les revues. Nous étions là, 600 hommes de belle troupe, parfaitement armés et équipés. Davel nous passa consciencieusement en revue. Il licencia sur le champ quelques hommes dont les armes étaient en mauvais état, en obligea un autre à décharger son fusil et fit vider toutes les gibernes des munitions qu’elles pouvaient contenir.
La revue terminée, Davel fit entrer chez lui les capitaines Clavel et de Crousaz qui vinrent attacher leurs chevaux à une barrière tout près de moi. Au bout d’un quart d’heure, ils ressortirent, paraissant très animés et discutant avec une grande vivacité. Comme j’étais près d’eux et qu’ils parlaient fort, j’entendis ces mots. « C’est une chose inconcevable, il faut qu’il nous montre les ordres qu’il dit avoir reçus de Berne, sinon je refuse de marcher. » Et comme Davel sortait à son tour et s’approchait, ils allèrent à lui. J’étais trop loin cette fois pour entendre leurs paroles, mais la discussion paraissait fort vive. Soudain, Davel y coupa court en disant d’une voix forte et avec un accent de commandement : « Messieurs, je suis major de votre département, je puis vous passer en revue où il me convient. Allez, Messieurs, ayez confiance en moi ; montez à cheval et allez vous placer en tête de vos compagnies. » Et sans plus attendre, il monta lui-même à cheval, tira son épée, les tambours battirent, toute la troupe s’ébranla et prit la route de Lutry qui longe le bord du lac. Où allions-nous ? Lorsque Clavel et de Crousaz passèrent à côté de moi, rejoignant leurs compagnies je leur demandai : « Où allons-nous ? – A Lausanne, me dit Clavel, mais du diable si je sais ce que nous y allons faire. Enfin, cela ne nous regarde pas. Il faut obéir. » Je ne sais pourquoi, mais l’inquiétude s’empara de mon esprit. Tout cela me paraissait bien étrange. Que signifiait ce départ pour Lausanne auquel personne ne s’attendait et pour des raisons qui n’avaient pas satisfait les deux capitaines. Mon Dieu ! Est-ce que Davel ?... Comme nous arrivions près de Lutry nous croisâmes une voiture qui descendait de Lausanne, elle s’arrêta à la hauteur de Davel. Un monsieur, que je sus après être le bourgmestre de Lausanne, M. de Crousaz, passa la tête à la portière : « Bonjour, Major, cria-t-il, où menez-vous cette armée ? – A Lausanne, où nous devons passer une revue. – Tiens, tiens, mais je l’ignorais ! » Et la voiture se remit en marche.
A suivre...
Partager cet article
Repost0

commentaires