À Sion, Goethe descendit à l’auberge du Lion d’Or, la seule à l’époque. Il n’en est pas enchanté, ni de la ville, qu’il trouve laide et noire. Le sentiment des voyages qui ont visité Sion à cette époque n’est pas unanime. Quelques années avant Goethe, l’Anglais Coxe chante pouilles de l’aubergiste du Lion d’Or. Cette première « hostellerie » sédunoise datait du XVIIe siècle et avait été construite par la Bourgeoisie. Deux ou trois ans après Goethe, un autre voyageur juge Sion proprette et trouve l’auberge fort à son goût.
La ville avait été rebâtie après l’incendie de 1722, et mieux bâtie qu’auparavant. La rue du Grand-Pont offrait en tout cas à Goethe, à la file sur la rive gauche de la Sionne, l’Auberge du Lion d’Or, l’Hôtel-de-Ville, d’un style vaguement florentin qui ne pouvait lui déplaire, et l’ancienne résidence des ambassadeurs français. Ces trois édifices ont un certain caractère, et n’auraient pas déparé une petite ville de province des hautes Allemagnes.
Au désenchantement d’un bon repas rêvé dès le pont de Riddes, joignez la vue de quelques personnes affligées d’une infirmité bien connue. En voilà assez pour gâter « les impressions agréables que le paysage éveille ». fort heureusement, le grand poète n’insiste pas, et nous pouvons d’ailleurs faire la constatation que les écrivains illustres qui ont visité le Valais autrefois – Rousseau, Chateaubriand, Senancour, Jules Michelet, et. – ne parlent jamais des goitres et du crétinisme, auxquels d’ailleurs toutes les races humaines sont sujettes, et que l’on a observés sur tous les points du globe.
Bref, peu contents de Sion, Goethe, le duc de Weimar et le ministre de Wedel décident de poursuivre le soir même, à pied, sur Sierre. Les chevaux, qui sont fourbus, et le reste des équipages, resterons dans la capitale, et rejoindront les voyageurs le lendemain. Les écuries du Lion d’Or se trouvaient à l’emplacement actuel du Casino.
« Nous ne sommes partis de Sion, écrit Goethe, qu’à l’approche du soir et nous sommes arrivés ici (Sierre) de nuit par un beau ciel étoilé. Nous avons perdu, j’en suis sûr, quelques beaux points de vue. Nous avons surtout désiré de monter au château de Tourbillon, qui touche à la ville, et d’où la vue doit être très belle. Un guide que nous avons pris nous a conduits heureusement à travers quelques mauvaises places (entre Sion et St-Léonard), où l’eau avait débordé. Nous avons atteint promptement la hauteur, ayant toujours le Rhône à droite, au-dessous de nous. »
À ce détail précis, nous reconnaissons la montée qui existait alors un peu en amont de St-Léonard. Par suite des érosions du Rhône, qui battait le pied du coteau, on avait dû détourner la route charrière ; elle montait vers la colline calcaire de Plâtrières, où l’on exploitait déjà du gypse, et redescendait un quart de lieue environ plus loin vers la plaine.
« Nous avons abrégé le chemin, poursuit Goethe en parlant astronomie, et nous sommes descendus (au bourg de Sierre) chez de bonnes gens qui feront de leur mieux pour nous héberger. Quand on revient sur ce qui s’est passé, une journée comme celle-là semble, par la variété des objets, comme une semaine entière. Je commence d’être vivement peiné de n’avoir ni le temps ni le talent nécessaires pour esquisser, même par simple trait, les sites les plus remarquables : cela vaut toujours mieux pour les absents que toutes les descriptions. »
L’auberge du Soleil, à Sierre, n’apparaît pas sous cette enseigne avant l’ouverture de la route du Simplon. Elle devint dans la suite l’auberge du Soleil d’Or. À l’époque de ce voyage, l’hospitalité, comme il arrivait fréquemment, était exercée par quelques bourgeois notables, dans maintes localités. Goethe passa donc à Sierre la nuit du 8 au 9 novembre, et il dut prendre conseil des bonnes gens qui l’hébergeaient car il modifia son itinéraire. Il résolut de faire un crochet par Loèche-les-Bains, ce qui n’était pas prévu. Mais les équipages restés à Sion ? C’est bien simple. De Wedel restera à Sierre pour les attendre, et conduire le reste de la caravane à la Souste de Loèche, par le bois de Finges, avec indication de s’y trouver le 10 novembre.
GTell, Chateaubriand et Goethe en Valais.