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21 octobre 2017 6 21 /10 /octobre /2017 16:39

Elbe, 18 juillet 1814

Je suis monté en grade mais je le vois moins. Aujourd’hui, je m’embarque pour Livourne où j’ai des rendez-vous. J’ai entendu l’Empereur dire, en débarquant à Portoferraio : « Ce sera l’île du repos ! »

Portoferraio

Portoferraio

Mais, une semaine plus tard, il avait déjà créé une police, une douane, l’enregistrement et l’octroi qui levait des droits d’entrée sur les blés. Il avait commencé la construction d’un théâtre, d’un lazaret et d’un hôpital militaire. Pour payer ces dépenses, il avait affermé salines et madragues.

Sur son bureau, il traçait les plans des nouvelles fortifications, puis il montait à cheval et parcourait pendant des heures les 8000 hectares de son petit royaume, s’arrêtant pour faire réparer les casernes, planter la vigne et acclimater les vers à soie. Partout, on défrichait, on assainissait les marais, on embellissait la ville.

A l’Empereur, il fallait une Cour : un Grand Maréchal, deux fourriers du Palais, quatre chambellans et six officiers d’ordonnance. Il y avait des spectacles et des bals et une couturière de Porto-Ferraio eut l’honneur de danser avec l’Empereur qui, à 4 heures du matin, se faisait servir la piverunat(a), un ragoût de cabri avec des poivrons, de l’ail mouillé du vin de l’île.

Cet homme est trop puissant, et cette île trop petite.

Elbe

Elbe

A suivre

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20 octobre 2017 5 20 /10 /octobre /2017 16:34

Elbe, juin 1814

Le bateau de Livourne est arrivé apportant le courrier et la triste nouvelle de la mort de l’Impératrice.

L’Empereur a seulement dit : « Pauvre Joséphine, elle doit être bienheureuse maintenant. » Puis il s’est retiré dans sa chambre et n’a pas reparu de la journée. Autour de moi, tous ceux qui l’avaient connue rappelaient des souvenirs de ce soir d’hiver aux Tuileries où toute la famille impériale assemblée entendit la décision de l’Empereur :

« Je dois avoir un fils, et un fils qui me succède… »

Je n’ai pas entendu moi-même cette phrase qui m’a été répétée :

« …Ayant perdu l’espérance d’avoir des enfants avec l’Impératrice, je me dois de sacrifier les affections de mon cœur pour n’écouter que le bien de l’Etat… »

La chambre à coucher. Mort de l'Impératrice.

La chambre à coucher. Mort de l'Impératrice.

Juste avant Noël, je me souviens que l’Impératrice était venue dîner à Trianon et qu’elle paraissait avoir surmonté sa peine : elle gardait son titre d’impératrice, un palais, des châteaux et trois millions de pension !

Le courrier de Livourne nous a tout appris sur la fin de l’Impératrice : le mois dernier, elle donnait encore un grand dîner en l’honneur du roi de Prusse à la Malmaison. Après le café, le roi lui offrit son bras, et ils partirent se promener dans le parc ; elle avait négligé de prendre un manteau ou ne fut-ce qu’une écharpe. Le lendemain, elle avait de la fièvre et dut garder le lit. Le médecin personnel du tsar vint la soigner et rapporta à son souverain qu’il s’agissait d’une grave pneumonie. Elle mourut le 29 mai, jour de la Pentecôte.

Durant les jours qui suivirent, l’Empereur en parla souvent. « Je m’étais élevé avec elle… C’est la femme que j’avais choisie et celle que j’ai le plus aimée… au moins, l’a-t-on bien soignée… ?

La chambre pour de vrai, une photo actuelle.

La chambre pour de vrai, une photo actuelle.

A suivre

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19 octobre 2017 4 19 /10 /octobre /2017 17:04

Orgon, fin avril 1814

Partout, l’Empereur n’entend que des cris de haine. Devant l’auberge où nous nous sommes arrêtés, les vitres de la Dormeuse sont brisées à coups de pierres et de bâtons, et ce sont les commissaires étrangers qui tentent de le protéger : un affreux mannequin ensanglanté est pendu sous un arbre, avec une pancarte : « Voici le sort du tyran Bonaparte ». Maintenant, l’Empereur est terré dans un coin de la voiture, un bras devant les yeux. Il a refusé de manger et de boire, et à Pont Royal, il troque sa fameuse redingote grise et sa veste à plastron blanc contre ma vieille livrée bleue, avec la poussière de la route. Il se coiffe d’un chapeau rond, ainsi, il est méconnaissable, et c’est sur un cheval de poste qu’il franchit sans encombre les dernières lieues. Le mistral souffle très fort, et dans un village appelé La Calade, il est si épuisé qu’il veut s’arrêter dans une auberge. L’hôtelière demande « Qui est ce voyageur ? » et je réponds qu’il s’appelle Sir Campbell. L’Empereur refuse de manger, il s’étend dans une chambre en attendant l’arrivée d’un peloton de gendarmerie qui arrive au milieu de la nuit. On me rend ma livrée, et l’Empereur se déguise de nouveau avec un uniforme du général Koller et c’est, revêtu du manteau du général Schouwaloff qu’il monte dans la voiture du commissaire russe. Moi, je reprends la route sur le siège de la Dormeuse où s’est assis le grand maréchal. Au Luc, l’Empereur a la joie de retrouver sa sœur chérie, la princesse Pauline Borghèse qui réside au château de Bouillidoux (Bouillidou, Château Colbert Cannet) que monsieur Charles, le député au Corps législatif, a mis à sa disposition. Elle supplie son frère de l’emmener dans son île. Avant l’aube, nous quittons Le Luc pour Fréjus, protégés par des escadrons de hussards autrichiens, et vers 10 heures du matin, nous sommes au bord de la mer. J’aide à embarquer les bagages sur la frégate anglaise « Undaunted », et nous voyons arriver deux navires français : « La Dryade » et le brick « L’Inconstant ». La frégate anglaise salue l’Empereur de 21 coups de canon quand le commandant Usher reçoit l’Empereur à son bord. Un officier français me dit qu’on attend un vent favorable pour gagner l’Ile d’Elbe.

L’Empereur est sorti de sa cabine et il regarde à tribord pour essayer de voir la Corse. Il respirait longuement et il a dit qu’il aimerait sentir l’odeur du maquis. La mer est assez calme. Je n’ai pas le mal de mer. L’Empereur, depuis les menaces en Provence, me considère davantage. Il m’a dit que je remplirai les fonctions de chasseur et que j’aurai le droit de porter bicorne à plumes de coq et couteau à la ceinture quand nous serons à Elbe.

Gravure fantaisie allemande

Gravure fantaisie allemande

On se moque de Napoléon

On se moque de Napoléon

A suivre

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18 octobre 2017 3 18 /10 /octobre /2017 17:09

L’Exil

Briare, 21 avril

Nous avons roulé toute la journée dans la « Dormeuse », la berline où l’Empereur a son lit, tirée par six chevaux, accompagnés de cinquante cavaliers. Devant nous, il y avait une première voiture avec les généraux Cambronne et Drouot, et, derrière nous, un général autrichien, un russe, un prussien et un colonel anglais qu’on appelait Sir Campbell. (Le lien vous conduira sur Wikipédia en anglais, compréhensible !)

Lyon, 23 avril

Ce sont des cosaques et des hussards autrichiens qui, à Villeneuve, ont remplacé l’escorte française, mais l’Empereur refuse de traverser la France sous la protection de troupes étrangères, et à Roanne, casaques et hussards ont fait demi-tour. Il y eut des acclamations sur la route et même à Roanne, on entendait encore crier « Vive l’Empereur ! ». A Lyon, ce sont les troupes autrichiennes qui ont rendu les honneurs. Nous avons dormi dans cette ville que nous avons quittée avant l’aube. Il paraît que Madame Mère et le cardinal Faesch étaient au bord de la route.

Famille Bâloise, le Cardinal est né en Corse et est l'oncle de Napoléon.

Famille Bâloise, le Cardinal est né en Corse et est l'oncle de Napoléon.

C’est à Montélimar que j’ai entendu pour la première fois les cris de « Vive le roi ! » se mêler aux cris de « Vive l’Empereur ! ». Mon maître déjeune avec MM. Bertrand et Drouot et arrose d’un verre de chambertin un fricandeau et des asperges. C’est depuis là que les choses se gâtent : à Donzère, les individus se jettent devant nous en criant « A mort le tyran ! »

Aix, le 27 avril

Le voyage à travers la Provence a été terrible. Du haut de mon siège, j’ai dû entendre les clameurs d’une foule en colère dans chaque village que nous traversions ; on disait : « Livrez-nous le Corse ! » ou encore : « Napoléon à la potence ! ». Entre Avignon et Aix, nous étions partout en danger.

Nous avons réussi à repousser des groupes d’assassins et d’aventuriers qui, dirigés par un certain Mollot, ont tenté à plusieurs reprises de renverser la Dormeuse et de s’emparer de l’Empereur, les armes à la main.

J’ai eu la chance de braquer le pistolet que m’a donné l’Empereur sur Mollot, le chef de bande, et nous avons pu, aidés par le maréchal Bertrand et le général Drouot, protéger notre maître jusqu’à l’arrivée de la garde urbaine.

A suivre

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17 octobre 2017 2 17 /10 /octobre /2017 16:33

Fontainebleau, avril 1814

L’Empereur s’est longuement promené dans le parc en compagnie du Maréchal et du duc de Bassano, et un petit enfant lui tendit un bouquet de violettes. L’Empereur me dit de le mettre dans un vase avec de l’eau, et le lendemain, il le plaça à sa boutonnière. Le grenadier de la garde qui était en sentinelle dans le parc et qui s’appelait Choudieu lui dit qu’il reviendrait en cueillir de plus belles l’an prochain.

L’Empereur lui répondit que c’était bien de penser comme ça, mais qu’il fallait mieux se taire ; et il dit encore au maréchal Bertrand de remettre 20 napoléons à ce brave grenadier. Quand celui-ci fut rentré au corps de garde, il raconta l’histoire des violettes, et dès le lendemain, beaucoup donnèrent à l’Empereur ce surnom, et ils arboraient à la boutonnière ou à la bouche, des violettes pour braver les partisans de Louis XVIII.

Paris, avril 1814

L’Empereur m’a donné l’ordre de préparer son frac vert des chasseurs à cheval de la garde, à col et parements rouges, un gilet et une culotte de casimir blanc, il m’a précisé « Et n’oublie pas ma redingote grise » ! A 11 heures du matin, les tambours se mirent à battre quand il descendit lentement l’escalier du Fer à Cheval où 1200 grenadiers formés en carré l’attendaient. Je savais, moi, que l’Empereur n’avait pas dormit de la nuit.

L’Empereur a dit adieu à ses soldats de la vieille garde que, depuis vingt ans, il a toujours conduit sur le chemin de l’honneur et de la gloire. Il embrasse le général Petit avec le drapeau sur sa poitrine et il baise la soie de l’étendard. Il dit encore « Ne m’oubliez pas ». Je vois des larmes dans les yeux des soldats quand je monte sur le siège de la voiture, « La Dormeuse », qui va l’emmener avec le maréchal Bertrand.

Jean-Abraham Noverraz nous dit dans son journal…

A suivre

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16 octobre 2017 1 16 /10 /octobre /2017 16:47

Fontainebleau, 17 mars 1814

Personne n’a dormi. Dans la nuit du 13, nous l’avons cru perdu. Les docteurs qui entrent et qui sortent prononçaient des mots, « datura stramonium »… « Herbe du Diable ». …On parle d’empoisonnement, on pensa à un attentat, on enquêta aux cuisines, mais c’est le général Caulaincourt qui révéla la vérité : l’Empereur lui avait dit que, dans peu, il n’existerait plus et il lui avait demandé de porter une lettre d’Adieu à l’Impératrice. Quant au docteur Yvan, il savait que l’Empereur portait le poison dans un cachet, mais qu’il l’avait perdu en Russie, et Constant s’est rappelé que le bijoutier de la Couronne avait fabriqué une minuscule cassolette d’or qu’il logeait dans la poche de son gilet pour avoir en permanence une nouvelle dose de poison.

Le 16, l’Empereur allait mieux. Il me chargea de trouver des bourgeons de sapins de Russie qui agissent, disait-il, contre les douleurs d’estomac, le cours du ventre, aussi bien que contre les ulcères et les étourdissements. Un apothicaire connaissait ces bourgeons remplis d’une résine balsamique, mais il m’a dit qu’on n’en trouverait pas en France. MM. Plat et Cadet, apothicaires associés en avaient eu quelquefois à la rue Du Four, et un autre apothicaire de la rue St-Jacques me livra des bourgeons de sapins d’Allemagne, cueillis la nuit de la St-Jean, à faire simplement infuser dans de l’eau et à prendre à jeun le matin.

Jean-Abraham Noverraz nous dit dans son journal…

Cette tentative de suicide est historiquement admise, mais le bruit avait couru, quelques semaines auparavant, que l’Empereur avait déjà tenté de se suicider en Russie.

Noverraz a certainement dû s’interroger sur cette mystérieuse cassolette d’or, prétexte à de subites colères : « On a touché à ma cassette… Je suis sûr de l’avoir cachée dans ma poche gauche… J’ai formellement interdit d’y toucher… » H. M de Stadelhofen

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15 octobre 2017 7 15 /10 /octobre /2017 16:22

Paris, Les Tuileries, 1814

Des bruits arrivent jusqu’aux Tuileries ; je ne révélerai pas de noms, mais je crois qu’ils disent vrai, ceux qui racontent qu’il y a plus de 100.000 déserteurs. Le tirage au sort, qui datait du 29 fructidor de l’an XI, fournissait des recrues à la République, mais déjà, sous le Consulat, on m’a dit qu’il y avait plus de 200.000 irréductibles, en France d’abord, mais surtout en Flandres et dans le Luxembourg.

On ne m’a pas parlé des déserteurs suisses, mais je pense qu’il y a dû en avoir beaucoup. On m’a raconté comment, dans les villes et les villages, les conscrits devaient monter tout nus sur le marchepied d’une toise, et s’ils avaient plus d’un mètre 54, ils étaient enrôlés. On écartait seulement ceux qui étaient trop difformes ou malades. Certains se faisaient des blessures qu’ils imprégnaient d’eau arseniquée. On les déclarait incurables.

Déserteurs français prisonniers des paysans russes.

Déserteurs français prisonniers des paysans russes.

Des jeunes gens se faisaient arracher toutes les dents, et il y avait des charlatans qui proposaient pour 200 francs de carier toute la mâchoire à l’acide. Mon ami breton m’a même raconté qu’on avait enterré à Ploemeur des cercueils vides suivis par tout le village endeuillé, et pendant ce temps, le faux défunt se réfugiait dans les forêts. J’ai vu trop de blessés et trop de cadavres dans les combats de Dresde, de Lutzen et de Leipzig où je servais mon maître pour ne pas comprendre combien les mères de France devaient Le maudire.

A suivre

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14 octobre 2017 6 14 /10 /octobre /2017 17:25

1813

Nous n’avons malheureusement retrouvé aucun journal de Noverraz datant de l’année 1813. Nous savons qu’il a accompagné l’Empereur dans ses campagnes : il était auprès de lui à Lutzen, à Bautzen, à Dresde, à Leipzig, bien trop occupé sur les champs de bataille puisqu’il cumulait les fonctions de courrier et de valet de chambre. La seule note de Noverraz que nous avons retrouvée et qui date de cette période, est une… recette ! Henri Meyer de Stadelhofen

 « Depuis des jours, nous mangions froid, des soupes, des potées, mais grâce à un capitaine de cavalerie polonais, l’Empereur s’est régalé d’une volaille cuite sans broche, ni feu ! J’ai écrit la recette : apprêter et larder la volaille, puis farcissez-la de préférence avec du beurre et de bonnes herbes. Passez à travers un poignard rougi au feu (un sabre serait trop long). Après cela, mettez tout de suite la volaille dans une boîte de fer blanc bien fermée : elle sera cuite et délicieuse au bout de deux heures. Je l’ai dit, l’Empereur s’est régalé, et moi aussi, d’un aileron prussien. »

Encore une fois, des propos bien étranges, si l’on n’a pas de broche, ni feu… comment fait-on pour rougir la lame ? Si l’on a donc un feu pour cela, pourquoi ne pas cuire le poulet normalement ? GTell

Jean-Abraham Noverraz nous dit dans son journal…

A suivre

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13 octobre 2017 5 13 /10 /octobre /2017 16:39

Paris, Les Tuileries, fin décembre 1812

L’Empereur est revenu de Russie avec les débris de ce qui fut la Grande Armée. J’étais resté à Paris parce que j’étais malade du foie, mais beaucoup de gens me témoignent de la froideur ou même du mépris. Quand je croise des estropiés, des officiers à qui il manque un bras ou une jambe, j’ai un sentiment de honte. Dieu m’est témoin que si je n’avais pas été malade, j’aurais suivi l’Empereur.

Autour de moi et aux Tuileries, on vante la conduite des vieilles troupes normandes, ardéchoises ou bourguignonnes qui, de Viazma à Smolensk, avaient lutté farouchement, tandis que s’affaissaient Piémontais, Bavarois et les Espagnols de l’armée de Joseph, quand les généraux russes Tchitchagoff et Wittenstein menaçaient la construction du pont sur la Berezina.

Pas une fois, je n’entendis parler des soldats suisses : courage et opiniâtreté étaient toujours du côté français ! On répétait à la Cour les hauts faits de Ney et des « Grenadiers Blancs » qui avaient protégé jusqu’à la mort les sapeurs de la première division qui construisaient le pont. Ces grenadiers avaient tenu, debout sous la neige. Ils étaient morts gelés, et les cavaliers russes qui arrivaient en éclaireurs furent pris de panique en voyant ces hommes debout et raides, si bien que les casaques s’enfuirent.

 Le tambour-major Jean-Pierre Maillard, de Vevey, avec 80 tambours et fifres, manœuvrait sous les balles comme à l’exercice ; le capitaine Rosselet, percé de balles, n’avait plus de compagnie, mais les charges des Suisses sauvèrent l’armée. Le maréchal Saint-Cyr criait « Bravo les Suisses », pourtant le général Marbot qui nous déteste osa dire que les deux régiments suisses s’enfuirent devant les Russes !

La vérité, c’est que le régiment d’Affry parvint à tenir les ponts jusqu’à la dernière minute et que la compagnie Landolt passa la dernière, après dix heures de combat, et coupa le pont de la Duna derrière elle.

Tambour-major, tambour et fifre.

Tambour-major, tambour et fifre.

Quant à la bataille de la Berezina, ce fut pour les Suisses une agonie héroïque. Sept fois de suite, les régiments rouges, pour protéger la retraite, chargèrent sous un orage de fer et de plomb. Enfin, le 29 novembre, ce qui restait de la Grande Armée avait franchi les ponts de la Berezina.

Tous les officiers suisses étaient morts ou blessés, les rares rescapés revinrent dans nos montagnes, mutilés, estropiés ou amputés. Voilà ce que j’appris de la bouche de témoins et aussi des récits authentiques qui me parvinrent de chez nous.

A suivre

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11 octobre 2017 3 11 /10 /octobre /2017 17:13

Paris, 1812

J’ai croisé au palais, un être très impressionnant : tout courbé, très âgé et avec un air de grande bienveillance. J’ai questionné Constant. C’est certainement Pierre Le Clerc, me dit-il, l’Empereur le tient en grande estime, et voici pourquoi.

Vers la fin du XVIIIe siècle, habitait rue du Puits de l’Ermite, au faubourg Saint Marceau, un vieillard que les uns disaient sorcier, les autres fous. La maison au front de laquelle grimaçait le numéro 13, était haute et froide. Dans la chambre du cinquième étage, une table boiteuse supportait de vieux manuscrits et des hiéroglyphes. Courbé sous le poids des années, l’étrange locataire avait le visage creusé par les jeûnes, des yeux bleus très doux. Il s’appelait Pierre Le Clerc ; on l’appelait le père Pierre. C’était un ancien bénédictin qui, chassé de son couvent en 1790 par la suppression des ordres religieux, s’était réfugié dans ce taudis.

Un jeune homme entre. A peine a-t-il 25 ou 26 ans, il est frêle et pâle, et sa figure maigre aux longs cheveux plats a le profil sévère d’une médaille césarienne.

« Je viens, dit-il brusquement, consulter vos diableries. »

Le vieillard sourit, allume une petite lampe de cuivre et pose des questions :

  • En quelle année êtes-vous né ?
  • En 1769.
  • Dans quel moi et quel jour ?
  • Le quinzième d’août.
  • Écrivez sur ce carton vos nom et prénom dans leur ordre exact.

Le vieillard examine, réfléchit et dit : « Sept jours avant votre naissance, dans la nuit du 8 au 9 août 1769, une grande comète est apparue dans les cieux vers la fin de la constellation du Bélier, le jour de votre naissance, elle entrait dans le Taureau qui, dans votre horoscope, se trouve en Maison X, le lieu de l’Honneur, de la Fortune et de la Puissance… Les arcanes d’Hermès me révèlent que vous êtes appelé à la plus haute ascension à laquelle un homme puisse espérer… » Le vieillard se leva péniblement, s’inclina et dit : « Sire, vous régnerez ! »

« Vous êtes fou ! Je ne suis qu’un officier sans fortune et sans avenir ; Aubry, le chef du comité de la guerre, vient de me rayer des cadres : Napoléon Bonaparte n’est même plus soldat !... »

Quand il devint maître de la France, Napoléon se souvint et invita Pierre Le Clerc à habiter dans son Palais.

Vois-tu, Noverraz, si un jour tu entres dans l’intimité de l’Empereur, tu comprendras combien il est superstitieux. Il y a des gens qu’il se refuse à recevoir parce qu’il croit qu’ils ont la jettatura. Il parle parfois aussi du « Petit Homme en Rouge », une sorte d’esprit familier qu’il est seul à connaître. Il croit aussi à son Etoile, et personne, même pas moi ! n’a pu jeter un regard sur son manuscrit, je crois que c’est une sorte de Livre du Destin ! Peut-être, ajouta Constant, et c’est une des rares fois où je l’ai entendu plaisanter, peut-être Bonaparte aurait-il choisi le Simplon si un chat noir avait traversé la route du Grand-Saint-Bernard !

Jean-Abraham Noverraz nous dit dans son journal…
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