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23 décembre 2015 3 23 /12 /décembre /2015 17:19

Gurs, dans le pays basque français, abritait le camp d’internement le plus sinistre de la France de Vichy. Baraques en bois, infestées de vermine, sur un sol en terre que l’hiver transformait en champ de boue. Erigé à la hâte en avril 1939 pour des républicains espagnols, il s’était quasiment vidé en automne 1940, avant de devenir un camp pour juifs. Y furent d’abord parqués 6500 Juifs expulsés du jour au lendemain du pays de Bade, du Palatinat et de Sarre. Quelque 4000 internés juifs transférés d’autres camps français les rejoignirent. Les conditions d’hygiène étaient effroyables et la nourriture manquait : une épidémie de typhus et la dysenterie emportèrent 800 Juifs le premier hiver. Gurs devint un des principaux points de départ des convois de déportation de la zone sud. Six convois partirent pour Drancy, puis Auschwitz-Birkenau, emportant près de 3900 Juifs.

À Gurs comme dans les autres camps d’internement, des œuvres d’entraide s’efforcèrent de procurer de la nourriture et d’autres types de secours aux internés. Soucieuses de renforcer leurs actions, ces œuvres se regroupèrent dans le Comité de Nîmes.

Deux Suisses délégués par des œuvres d’entraide passèrent plusieurs mois en 1942-1943 à Gurs et y sauvèrent des Juifs de la déportation : le théologien protestant Hans Schaffert, envoyé par la CIMADE pour un stage de six mois, et l’abbé Albert Gross, envoyé par l’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg.

Témoin direct des déportations de 1942, Hans Schaffert écrivit à Marc Boegner, président de la Fédération protestante de France, pour le presser d’intervenir. Il organisa également la fuite de prisonniers vers l’Espagne ou la Suisse et leur procura de l’argent. Les autorités françaises n’apprécièrent guère ses activités et demandèrent son rappel. De retour en Suisse, Hans Schaffert devint le principal collaborateur de Paul Vogt, le « pasteur des réfugiés ».

Arrivé en mai 1942, l’abbé Gross fut témoin du départ des six convois de déportation de Gurs. Il cacha une quarantaine de Juifs dans une réserve pour qu’ils échappent aux déportations. Il sauva également Georges Vadnaï (lire ci-dessous).

L’action de l’abbé Gross ne s’est pas limitée au camp de Gurs. Il a également organisé la traversée du Léman pour deux ou trois réfugiés et a vraisemblablement participé à la fabrication de faux papiers. Enfin, c’est lui qui a transmis à Berne la première liste de non-refoulables, comportant 22 noms. Cette liste, régulièrement actualisée, allait compter 1460 noms dans sa dernière version, en août 1944. Son origine était la suivante : le pasteur Marc Boegner avait convenu avec les autorités helvétiques que certains protégés des œuvres d’entraide, pour lesquels elles se portaient garantes, seraient accueillis sans risque de refoulement. Sur la liste qu’il allait finalement transmettre, Albert Gross avait placé une collaboratrice de l’œuvre de secours aux enfants, elle aussi détachée à Gurs. Il passa avec elle clandestinement la frontière suisse en juin 1943.

Si les deux hommes d’Eglise ont été honorés par Yad Vashem, d’autres Suisses ont porté secours dans le camp de Gurs. Première étrangère admise, en décembre 1940, l’infirmière Elsbeth Kasser y resta trois ans, créant un dispensaire, ouvrant une école avec sept classes. Les internés, juifs dans leur grande majorité, lui ont confié des dizaines de dessins et d’aquarelles ; elle en a également achetés. Composée d’une centaine de dessins et d’aquarelles, sa collection constitue un témoignage unique sur la vie de Gurs. Elle est gérée aujourd’hui par une fondation suisse.

L’abbé Gross sauve le futur grand rabbin de Lausanne

Dans la nuit du 3 au 4 mars 1943 durant laquelle 750 Juifs sont « sélectionnés » pour la déportation, Georges Vadnaï doit se présenter devant la « commission de sélection ». Sa nationalité yougoslave le condamne à la déportation. Il tente de faire admettre une nationalité hongroise, pays où il est né en 1915, qui lui épargnerait la déportation :

« Je dois prendre place dans un groupe qui partira par le prochain autobus pour Oloron-Drancy. […] Près de moi, une porte s’ouvre, un curé entre. J’apprends d’un codétenu qu’il s’agit de l’Abbé Gross […] dont les interventions efficaces et les actions de sauvetage sont connues de tout le monde. Sans hésitation, je l’aborde : « Mon Père, je me présente : je suis le Rabbin Vadnaï. Je sers Dieu dans un autre temple que vous, mais j’espère que cela ne vous empêchera pas de me donner un coup de main ; je viens d’être sélectionné pour la déportation ».

L’abbé parvient à le faire sortir une première fois, mais le rabbin passe à nouveau devant la « commission de sélection » :

« Le président « sélectionneur » se tourne vers l’Abbé Gross : Qu’en pensez-vous mon Père ? L’Abbé Gross donne, évidemment, la réponse que j’attends de lui et qui me sauva la vie : Pour moi, il n’y a pas de doute, il est Hongrois ».

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