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13 mai 2007 7 13 /05 /mai /2007 18:23
Paracelse
Aureolus Philippus Theophrastus Bombastus von Hohenheim, dit
 
Médecin, chimiste et philosophe suisse (Einsiedeln, canton de Schwyz, 1493 – Salzbourg 1541). Originaire de Souabe par son père, il tenait de sa mère, native d’ Einsiedeln, une chevelure d’un blond roux qui lui valut son prénom d’Aureolus. Il a grandi dans les montagnes, auprès du vieux monastère qu’occupent encore, de nos jours, les moines bénédictins. Mais les hôtels de luxe ont remplacé les auberges de pèlerins. Ceux-ci viennent encore chaque année vénérer la Vierge noire offerte à leur culte.
« Pendant dix ans, a-t-il écrit, je n’ai lu qu’un seul livre, celui de la nature. » Son père, médecin, l’a initié à son art, tel qu’il était alors pratiqué dans les montagnes, fait de recettes immémoriales où les superstitions se mêlent aux remèdes naturels. La tradition livresque ne montait pas jusqu’en ces altitudes, peut-être chez les moines, mais non dans le peuple.
Un fait dramatique, mystérieux, compte dans sa vie. Tout jeune encore, il aurait été émasculé par un soldat ivre. On a attribué à cette infirmité les singularités de son caractère : inconstance, irritabilité maladive, penchant invétéré au nomadisme. Sa vie n’est faite que de départs, de démissions, d’amitiés rompues.
Il a commencé, adolescent, un voyage qui ne devait s’achever qu’avec sa vie. Le voici dans le Tyrol, puis dans la région minière de Carinthie, auprès des Fugger, cette famille allemande célèbre par ses richesses et ses libéralités. Là, il visite les mines souterraines, à la recherche de métaux bénéfiques. Les plantes l’intéressent moins que les pierres, et les pierres moins que les métaux. L’originalité de sa pharmacopée sera dans ces éléments, que jusqu’alors peu de médecins osaient prescrire : le fer, l’or, l’antimoine.
A Villach, il s’adonne à l’occultisme, riche des leçons reçues d’un prieur bénédictin de Würzburg. Il est étudiant à l’université de Vienne, puis à celle de Ferrare, où il coiffe le bonnet de docteur. « Un médecin, a-t-il écrit, doit voyager. Il apprend bien plus sur les routes que dans les livres. » On le verra à Salerne, à Lisbonne, à Montpellier. Il suit volontiers les armées en marche, se fait nourrir par elles en échange de soins. Le soir, auprès des feux de camp, il parle, délivre des lambeaux de sa science qui déborde la médecine pour s’étendre à tout l’univers, et jusqu’aux étoiles, dont chacune commande notre destin. Il ne soigne pas un malade sans s’être d’abord informé du jour de sa naissance et avoir tiré son horoscope, qui commande sa thérapeutique, attendu qu’on ne traite pas un « taureau » comme un « gémeau » ou un « poisson ».
Ses théories, qui sentent le fagot, mais aussi sa jactance, son orgueil (n’a-t-il pas osé choisir ce pseudonyme de Paracelse, c’est-à-dire « l’égal de Celse » ?) indisposent ses paires. On le chasse de Salzbourg. Il trouve meilleur accueil à Strasbourg, et y serait peut-être resté s’il n’avait été appelé à Bâle, grâce à la protection d’Erasme, qui y résidait alors. Prenant possession de la chaire de physiologie et de médecine, il déplaît à ses auditoires. On le trouve laid, grossier, un vrai Suisse des montagnes, mal tenu, mal lavé, trop souvent ivre. Son enseignement paraît bizarre, aventuré. Péché plus grave, il ne sait pas le latin et ne s’exprime qu’en allemand. Et les doctes, s’arrêtant à ce manquement aux usages, négligent le trésor de ses observations : « Les poussières ne sont pas pour rien dans la suppuration des plaies ; tenez-les propres et préservez-les des ennemis extérieurs : elles guériront toutes… » C’est, presque dans les mêmes termes, ce que répétera Pasteur aux chirurgiens des hôpitaux !
 
Avec son goût des choses souterraines, il se montre un laboratoire dans une cave, et là, tel le docteur Faust, fait bouillir, distille, provoque d’étranges rencontres chimiques.
 
Après un séjour de onze mois, il quitte Bâle, à la suite d’un procès perdu. Ce n’est là, semble-t-il, qu’un prétexte. Ce qui le pousse de nouveau sur les routes, c’est la rancœur de l’incompris, l’insatiable besoin, aussi, de changer de lieux. Où ira-t-il ? A Colmar, à Strasbourg ? Qu’importe ! A travers la pluie et le vent, il marche, pliant sous le poids de son havresac plein de livres. Le soir, et tard dans la nuit, à la lueur d’une lampe d’auberge, il médite, il écrit. Un système s’élabore dans cette tête chaotique. Au centre de l’univers, voici l’homme, qui en est le microcosme, lié aux astres, soumis aux quatre éléments fondamentaux, qui ne sont pas ceux, tout arbitraires, de Galien, mais le liquide, le gazeux, le solide, le feu radiant. Une force mène toutes choses, qui est l’archée – un peu ce que l’école de Montpellier nommera la force vitale. L’archée, telle une influence magnétique, entretient la vie, suffit à tout. C’est elle qui « sépare les parties malfaisantes des aliments de celles qui servent à la nutrition, qui fait les aliments assimilables, qui change le pain en sang ». Et, subordonnées à cette archée majeure, voici les archées secondaires, occupées à réparer les dégâts causés à l’organisme par les blessures, les maladies, les poisons. « Ne pas nuire ! » ordonnait Hippocrate aux médecins, certes, mais, ajoute Paracelse, surtout ne pas empêcher les archées d’agir, et, au contraire, les aider. Car là, dans la nature même, est la guérison…
 
Il est des erreurs stériles comme il en est de fécondes. Les erreurs de Paracelse ot été fécondes. En ce temps d’effroyables épidémies de peste et de syphilis, il obtenait des cures excellentes, comme celle des vérolés par le mercure. Qu’un médecin moderne scrute l’œuvre de Paracelse, et spécialement ce Paramirum,  synthèse de sa pathologie, il y trouvera toutes sortes d’observations et de thérapeutiques dont la science a confirmé la valeur : eau de chaux recommandée au chirurgien pour la désinfection ; connaissance de l’anesthésie par un mélange d’acide sulfurique et d’alcool, c’est-à-dire par l’éther. Paracelse a noté que ce « produit possède un goût agréable », que « les poulets qui le boivent tombent dans un sommeil profond dont ils s’éveillent au bout d’un certain temps sans en subir aucun dommage », « que son emploi est recommandé pour le traitement des maladies douloureuses », ce qui n’empêche que dans tous les dictionnaires la découverte de l’éther soit exclusivement attribuée au chimiste américain Jackson, et datée de 1846… Il a élaboré les bases scientifiques des cures thermales, reconnu, le premier, la cause des rhumatismes et de la goutte : « des dépôts de tartre ». En affirmant que « l’homme est un composé chimique », que les maladies ont pour cause un déséquilibre de ce composé, qu’il faut donc des produits chimiques pour combattre les maladies, il a contrebalancé les méfaits de la saignée, de la purge à tous propos, il a inventé la chimiothérapie, qui pourrait porter à son fronton cette parole de l’illuminé d’Einsiedeln : « Hors de la chimie, vous tâtonnerez dans les ténèbres. »
L’idée qu’il se fait du médecin tranche sur celle de son temps, érudite et pédante. « Parlez-moi des médecins spagiriques, disait-il (spagiriques, c’est-à-dire adonnés à l’alchimie, laquelle se distinguait alors très peu de la simple chimie…) ; ils ne sont pas habillés en beau velours, en soie ou en taffetas ; ils ne portent pas de bagues d’or ni de gants blancs. Les médecins spagiriques attendent avec patience, jour et nuit, les résultats de leurs travaux ; ils ne fréquentent pas les lieux publics, ils passent leurs temps dans leur laboratoire. Ils portent une culotte de peau, avec un tablier de peau pour s’essuyer les mains ; ils mettent leurs doigts dans les charbons et les ordures ; ils sont noirs et enfumés comme des forgerons et des charbonniers ; ils parlent peu et ne vantent pas leurs médicaments, sachant que c’est à l’œuvre qu’on reconnaît l’ouvrier… »
 
En dépit de la suspicion de l’Eglise, il proclamait l’alchimie comme la plus élevée des connaissances médicales : « Je déclare l’alchimie indispensable, et sans elle il n’est pas de savoir médical. La nature est mystérieuse dans ses opérations et il faut savoir lui arracher son secret. L’alchimie est semblable au boulanger qui convertit la farine en un pain substantiel, au vigneron qui du raisin le vin généreux ; il extrait de chaque chose la quintessence et tire de la nature ce qui peut être utile à l’homme. Arrière donc tous ces faux disciples qui prétendent que cette science divine n’a qu’un but, celui de faire de l’or ou de l’argent. L’alchimie, qu’ils déshonorent et prostituent, n’a qu’un objet, celui d’extraire la quintessence des choses et de préparer les arcanes, les teintures et les élixirs qui peuvent rendre à l’homme sa santé perdue. »
 
On a parfois nommé Paracelse « le Luther de la médecine », et il est vrai qu’il ressemble, par bien des points, au réformateur. Il a de Luther le langage direct, populaire, moins fait pour les académies que pour les auberges de village, le cœur large et humain, le courage de narguer les institutions, la liberté d’un esprit qui pense avant de croire : tendances nobles mais dangereuses, qui l’ont fait parfois errer ; que penser de son astrologie appliquée à la médecine, de sa foi en ces « correspondances », en ces associations que l’on aime chez les poètes, mais non chez un médecin ? Ainsi soutient-il que tout médicament est désigné à l’avance, par son nom, sa structure, sa ressemblance avec une partie de l’organisme, au rôle qu’il est appelé à jouer. La tête du pavot guérira les maux de tête. La sanguinaire est appelée à enrichir le sang. L’euphraise, dont la corolle a une tache jaune pareille à un œil, guérira des ophtalmies, etc.
 
Paracelse, après son séjour à Bâle, s’installa quelque temps à Colmar, puis, reprenant sa vie errante, parcourut une seconde fois l’Allemagne, la Moravie, la Carinthie, de nouveau l’Alsace, soulevant contre lui des tempêtes et les excitant par ses violences. Il accusait tous les médecins de n’être que les « perroquets de Galien » et des « ânes bâtés », tandis que ceux-ci le représentaient comme un athée ayant fait un pacte avec le Diable…
 
Il professa à Nuremberg (1529), à Saint-Gall (1531), à Pfeffer (1535), à Villach (1538) ; enfin, après avoir séjourné quelques mois à Mindelheim (1540), il vint mourir à Salzbourg dans un dénuement presque complet.
Deux hommes se sont acharnés contre sa mémoire : Th. Eraste, son ennemi juré, qui le représente comme un bateleur, explique ses voyages en disant qu’ « il suivait une troupe de bohémiens et de vagabonds », et son secrétaire Oporinus, qui, après l’avoir servi, l’a diffamé, le présentant comme un « dégoûtant ivrogne, couvert de vermine, étourdissant son public illettré par un jargon incompréhensible d’allemand et de mauvais latin ».
 
Les livres de Paracelse sont cependant là pour réfuter les calomniateurs, notamment le Paramirum et le Paragranum, qui pourraient porter en exergue cette déclaration digne des esprits les plus éclairés de l’époque : « Bien peu des médecins ont une connaissance exacte des maladies et de leurs causes ; mes livres ne sont pas écrits comme ceux des autres médecins, qui se sont bornés à copier Hippocrate et Galien ; je les ai composés en me fondant sur l’expérience, qui est la plus grande maîtresse de toutes choses… »
C’est à Jung, son compatriote, que Paracelse doit les plus justes éloges adressés à ses talents :
 
Paracelse, qui était en premier lieu un médecin génial, souligne que personne n’est médecin qui ne pratique l’art de « théoriciser ». Il entendait par là que le médecin non seulement doit acquérir par lui-même, mais aussi doit enseigner à son malade une conception, voire une vision de sa maladie qui permette au médecin de soigner et au malade de guérir, ou au moins lui permette de supporter sa maladie… »
 
Quand nous poursuivons avec persévérance et conséquence la voie du développement naturel, nous arrivons à l’expérience du soi et de l’existence telle quelle, toute naturelle. C’est ce qu’exprimait,mais sous forme d’exigence éthique, la devise de Paracelse, qui est aussi authentiquement suisse qu’authentiquement alchimiste : Alterius non sit, qui suus esse potest, « Qu’il ne soit pas un autre, celui qui peut être soi ».
 
L’ère scientifique qui, en fait, débuta avec le XVIIe siècle a enterré sans discernement non seulement ce qui, dans la médecine de Paracelse, était un fatras, mais aussi ce qui constituait des perles précieuses. Ce n’est que deux siècles plus tard que ses idées revécurent partiellement, grâce à un nouvel empirisme, je veux dire grâce à la doctrine de Mesmer, celle du magnétisme vital…
 
http://jm.saliege.com/paracelse1.htm
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