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18 février 2008 1 18 /02 /février /2008 12:34
Il mettait une telle droiture dans ses jugements, un si grand esprit de justice que de toutes parts on s’en remettait à lui pour trancher les différends. Et, ce n’étaient pas seulement les petites gens qui recouraient à ses bons offices, mais aussi des notables. C’est ainsi que Davel fut arbitre entre les Clavel et M. le ministre Bergier dans un désaccord qu’ils avaient à propos du fief de Marsens. Il remplit le même office entre le justicier Porta et le chirurgien Tanon. Ce fut un grand bien pour notre contrée où la manie des procès avait amené bien des misères et cela pour engraisser les robins, tabellions et autres gens de proie.
Davel allait beaucoup visiter les pauvres et les malades. Il aidait les uns de ses propres deniers, car il était fort généreux de son bien, et il encourageait les autres par ses exhortations, bien mieux que ne le faisaient nos pasteurs. De ces derniers, il parlait souvent avec une grande sévérité : « Oui, disait-il, il y a des pasteurs qui s’acquittent avec conscience des fonctions de leur ministère, mais combien y en a-t-il d’autres qui se soucient fort peu du vrai bien de leurs ouailles ? Ils prêchent le dimanche, baptisent, marient et enterrent, et là se borne leur activité. Plusieurs même sont en scandale, passent leur temps à boire à jouer et mènent une vie dissolue. Quand les conducteurs du peuple ne savent pas se conduire eux-mêmes, comment pourraient-ils conduire les autres ? »
J’ai déjà souvent parlé de la grande piété de mon ami. Je veux encore citer un trait remarquable du profond respect qu’il avait pour son Créateur. Lorsque nous étions encore au service à l’étranger, je le surpris un jour faisant ses dévotions. Il priait debout, en grand uniforme. Voyant mon étonnement, il me dit : « Je ne saurais me présenter devant Dieu en négligé. Les marques de respect que nous accordons à nos supérieurs, nous les devons à bien plus forte raison à Dieu, le Maître suprême. »
Il aimait à chanter les Psaumes « par lesquels l’homme peut louer son Créateur ». Souvent le soir, et surtout lorsque son neveu Sylvestre, l’étudiant en théologie, était là, nous chantions ensemble le plus beaux de nos Psaumes. Lui y mettait une dévotion extraordinaire. Et malgré cela, il aimait la plaisanterie et riait volontiers, mais jamais de sa bouche ne sortit une parole déshonnête et il reprenait avec une extrême sévérité ceux qui se permettaient de jurer en sa présence.
Il exerçait ainsi une influence bienfaisante sur tous ceux qui l’approchaient. Il s’en prenait aussi à l’abs de la boisson. Nous autres vignerons, nous aimons un peu trop le vin qui pousse sur nos coteaux et nous coûte tant de peines et de sueur, mais dont l’abus engendre de vilains propos et de méchantes querelles. Moi-même, je dois beaucoup à l’influence de Davel. Il me faisait réfléchir à bien des choses auxquelles, avec mon naturel insouciant, je n’aurais pas pris garde.
Nullement intéressé, Davel était aimé de ses fermiers qu’il traitait avec justice et affection et auxquels il donnait souvent de judicieux conseils. Aimé et respecté de tous, il menait une vie paisible et consacrée au service des autres, lorsque de nouveaux malheurs vinrent fondre sur lui. En 1716, il eut le chagrin de perdre sa mère. Elle laissait une succession fort embrouillée et Davel, l’ennemi des procès, dut en soutenir un, fort long, qu’il perdit. Il dut, pour s’acquitter, se défaire de quelques-unes de ses terres ; il s’en trouva très appauvri, tellement qu’un jour il me dit tristement : « Je vais être obligé de reprendre du service, pour rétablir ma situation. C’est dur, à mon âge ! » Je fis tous mes efforts pour l’en dissuader ! S’expatrier à 46 ans ! Affronter de nouveau les fatigues de la guerre : « Reprends plutôt ton métier de notaire ; cela te rapportera toujours quelque chose ». Il suivit mon conseil, mais n’y mit guère plus de zèle que jadis.
Heureusement, pour lui, comme pour nous, la place de major de l’arrondissement de Lavaux devint vacante. Il la sollicita, faisant état des services qu’il avait rendus et des promesses qui lui avaient été faites après Villmergen. Il fut nommé. Comme major, c’était à lui qu’incombait le soin de veiller à l’instruction des milices, de procéder aux inspections et aux revues des troupes et de maintenir en état le matériel.
Davel s’acquitta de ces nouvelles fonctions avec zèle et toute la compétence qu’il avait acquise pendant ses années de service, et aussi, est-il besoin de le dire, nos troupes de Lavaux se firent bientôt remarquer par leur discipline, leur belle ordonnance et leurs uniformes tous pareils. On ne vit plus, dans une même compagnie, comme autrefois, des uniformes différents, les uns ayant du rouge où les autres avaient du bleu. Aussi quand nous défilions, étions-nous fiers de nous-mêmes et de notre chef. Sans jamais s’emporter, Davel savait se faire obéir ; sévère pour les autres, il l’était aussi pour lui-même. Tels étaient son calme, son esprit de justice et son autorité que nul n’essayait de se rebiffer devant ses ordres. Les officiers aussi bien que les soldats, l’aimaient, le respectaient et avaient en lui une pleine confiance. Nous sentions tous que nous avions à notre tête un véritable chef.
A suivre...
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