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7 mars 2014 5 07 /03 /mars /2014 19:19

 

 

À plusieurs reprises je vous ai parlé des moyens de locomotion au XIXe siècle, diligences ou trains. J’ai même une fois parlé d’un escroc qui avait grugé l’Etat du Valais sur la ligne ferroviaire du Tonkin, mais j’ai peu parlé des conflits d’intérêt entre Confédération, Cantons et concessionnaires des futures lignes de chemin de fer. C’est l’occasion de commencer par les brouilles qui engendrèrent le réseau actuel des chemins de fer.

 

Puisant dans : 1876-1976 Cent ans de chemin de fer dans la Broye, ce qui en est dit au chapitre, « LE DÉBUT DES CHEMINS DE FER DANS LE CANTON DE VAUD ET EN SUISSE ».

 

Si le chemin de fer arriva à Bâle, de Strasbourg, en 1844, le premier en Suisse s’ouvrit en 1847 entre Zurich et Baden.

Mais le canton de Vaud avait déjà étudié la question en 1837. Cette année-là s’était formée une association, lancée par Perdonnet père, de Vevey, pour étudier une liaison entre les lacs Léman et d’ »Yverdon » par un chemin de fer ou par le rétablissement et la prolongation du canal navigable d’Entreroches. L’ingénieur William Fraisse, chargé de cette étude, concluait nettement dans son rapport final en faveur d’une voie ferrée d’Yverdon à Ouchy. Il eût préféré Morges, mais la rampe de 10 pour 1000 de Denges ne pouvait pas être parcourue par les faibles locomotives d’alors.

D’autres études, en 1846, mais très sommaires, faites par l’ingénieur Piccard, prévoyaient plusieurs tracés vaudois dont un de Lausanne à Soleure par Oron – Payerne – Lyss. Cette étude fut discutée dans une assemblée de délégués la même année à Morat, mais n’eut pas de suite.

Dès 1849 les Autorités fédérales se préoccupèrent de la question des chemins de fer ; elles appelèrent comme experts les ingénieurs anglais Stephenson et Swinburne qui préconisèrent deux lignes principales : une de Genève au lac de Constance par Morges – Bussigny – Yverdon – Payerne – Morat – Lyss – Soleure – Olten et Zurich et l’autre de Bâle à Lucerne par le Hauenstein et Olten.

Pour des raisons d’économie, ils prévoyaient cependant cette réalisation en deux étapes en utilisant les voies d’eau en première étape. Soit Genève – Morges et Yverdon – Soleure, étant entendu que ces tronçons se construiraient plus tard. Il était prévu de relier Ouchy à Morges, Berne à Lyss, etc.

Ce système fut incorporé dans le projet de loi sur les chemins de fer soumis aux Chambres fédérales de la session d’été 1852, lequel prévoyait en outre que les chemins de fer seraient construits et exploités par la Confédération avec la participation des cantons.

La mainmise fédérale sur un futur chemin de fer vaudois déplaisait fort à l’esprit très fédéraliste du Gouvernement et du peuple vaudois. Sans compter la question financière qui épouvantait tout le monde…

Il se trouva à point nommé l’homme providentiel qui s’offrit pour faire construire la ligne Morges – Yverdon et un embranchement d’Ouchy à Morges. Jacob Sulzberger, ingénieur thurgovien, en demandait la concession au Gouvernement vaudois et ceci sans aucune subvention.

Et c’est ainsi que, le 8 juin 1852, quelques semaines avant la réunion des Chambres fédérales (juin, juillet), le Grand Conseil vaudois lui accordait la concession pour un chemin de fer Morges et Lausanne – Yverdon. Un article prévoyait : « le projet Fraisse de 1844 servira de base pour ce qui concerne le parcours d’Yverdon à Morges, sans cependant fixer irrévocablement la direction du chemin à construire ». Au cours des débats, l’embranchement d’Ouchy – Morges avait été remplacé par celui de Bussigny à Lausanne « à établir de manière à se rapprocher autant que possible de la ville ».

Il fut cependant émis des critiques sur l’imprécision et le vague du texte de la concession : M. Muret, docteur en droit et rapporteur de la commission, déclara : « la configuration topographique du pays et la force des choses veulent que le premier chemin de fer vaudois, le seul qui existera pendant au moins cinquante ans utilisera les belles voies d’eau dont nous disposons ». Le 8 juin 1852, la concession était votée à une forte majorité. Sulzberger vendit sa concession à Londres où elle passa en plusieurs mains avant d’être acquise par l’entrepreneur William Thorne. Celui-ci la céda à un groupe de capitalistes anglais moyennant un contrat lui assurant l’achat des terrains, la construction de la ligne et la fourniture des locomotives et matériel roulant. Le tout pour un montant forfaitaire à lui payer de 8 125 000 francs or.

Le groupe anglais, doublé d’un groupe genevois et vaudois fondèrent le 16 novembre 1852, la « Compagnie des chemins de fer de l’Ouest-Suisse ». Celle-ci eût un début compliqué, trop long à exposer ici. Elle construisit péniblement sa ligne qui fut mise en service en 1855 et 1856 entre Lausanne – Morges et Yverdon.

Revenons à la session des Chambres fédérales de juillet 1852. Celles-ci refusèrent la compétence de la Confédération, laissant aux cantons et aux particuliers celle d’établir et d’exploiter des chemins de fer.

Dès le lendemain du vote, les demandes de concessions se mirent à pleuvoir sur les cantons suisses. Et ce fut alors aux cantons à se renfermer dans le fédéralisme si cher aux vaudois, lesquels durent subir des refus de concession de la part de leurs chers voisins de Genève, du Valais et de Fribourg… une histoire trop longue à raconter ici.

Ce fut une surprise pour nos Anglais qui comptaient construire toute la ligne, de Genève au lac de Constance et se heurtèrent au refus des cantons contactés. Le canton de Berne, de son côté, ne voulait plus rien savoir d’un simple embranchement vers Lyss. Le 24 novembre 1852 déjà, il accordait à la Compagnie du Central à Bâle, une concession sur territoire bernois pour la ligne Olten – Herzogenbuchsee, avec continuation vers Soleure et Bienne – Nidau et vers Morat par Berne et Laupen.

Cette décision bernoise réveilla les lausannois. Ils ne voulurent plus rien savoir d’un embranchement sur Bussigny. Ils exigèrent alors la suppression de la ligne principale Morges – Bussigny, à remplacer par une Morges – Saint-Sulpice – Lausanne – Prilly – Mex et Daillens vers le tunnel d’Entreroches à Éclépens, où les travaux avaient commencé le 8 février 1853.

Et c’est la bataille qui s’engage : réclamations à la Compagnie de l’Ouest, au Conseil d’Etat, au Grand Conseil, des articles incendiaires dans les journaux, des pétitions, des brochures, des cortèges, des assemblées tumultueuses, etc.

Mais ces efforts furent vains. Tout d’abord l’Ouest déclara que c’était remettre en cause le tracé Fraisse, base de la concession, base du traité à forfait avec Thorne et base enfin de la constitution financière de la compagnie.

Les revendications lausannoises provoquèrent de tout aussi vives réactions en sens inverse : les populations de La Côte, de Vallorbe, de La Vallée, d’Orbe, de Grandson, d’Yverdon, de la Vallée de la Broye, etc., s’opposèrent aux nouveaux tracés proposés. Ces populations étaient contre la suppression du trajet direct Morges – Bussigny qui les aurait obligées de faire le détour par Lausanne pour aller vers Genève ou vers Berne, perdant ainsi du temps et de l’argent. Car ce passage augmentait de 12 kilomètres les distances tarifaires pour les voyageurs et les marchandises. Ce même problème se posait pour Genève, Neuchâtel, etc.

Une autre complication se présenta à la même époque par les initiatives envisagées par les cantons voisins : le Valais, aidé par la Sardaigne et le canton de Genève, voulait relier Paris à Milan par Evian et Genève. Neuchâtel désirait une ligne Paris – Suisse par Les Verrières. Fribourg envisageait la liaison Berne – Fribourg Romont ou Bulle – Oron et Lausanne. Cette dernière ville appuyait très fortement ce tracé, au grand dépit du Gouvernement vaudois.

Ainsi l’aiguille, dite de la Poudrière, réputée dangereuse, fut supprimée à l’entrée du bois d’Ecublens. Dès l’ouverture de la ligne Lausanne - Saint-Maurice, le 10 avril 1861, tous les trains de cette ligne allaient à Genève. Ceux de Genève pour Neuchâtel – Bienne et vice versa passaient tantôt par Lausanne, tantôt par le delta, vers Bussigny. Dans ce dernier cas, les voyageurs de et pour Lausanne changeaient de train à Morges, ce qui ne plaisait pas aux Lausannois…

Puis, peu à peu, on augmenta le nombre de trains passant par Lausanne et en 1869, on supprima complètement le passage des trains de voyageurs par le raccourci. Les trains de marchandises continuèrent à y passer jusqu’en 1876 lorsque la gare de triage de Renens fut mise en service et la liaison Morges – Bussigny supprimée.

Mais, en vertu de la concession cantonale votée en 1852, les taxes voyageurs et marchandises continuèrent à être calculées par la voie Morges – Bussigny et ceci jusqu’à aujourd’hui. (1976)

Revenons à la concession accordée en 1853 à l’Ouest pour la ligne Yverdon – Payerne – Morat (vers Berne). Elle souleva l’intérêt des Broyards. À Payerne, le conseil communal décidait de céder gratuitement à la Compagnie de l’Ouest un lot de terrain, la fourniture de 150 chênes, le gravier et une prise d’actions de 50 000 francs.

Cette décision fut vaine, car le Grand Conseil fribourgeois refusa toute concession sur son territoire (Estavayer, Domdidier). Et ce canton se lança dans une grande bagarre en cherchant à réaliser une ligne directe de Berne par Fribourg – Romont (ou Bulle) – Oron vers Lausanne. Cette ville saisit cette occasion de se placer sur une ligne directe. Ses autorités votèrent une prise d’actions de 600 000 francs en faveur de la Compagnie Lausanne – Fribourg – Berne, ceci malgré l’opposition du Gouvernement vaudois. Celui-ci fit signer une pétition qui recueillit 25 000 signatures en faveur de la ligne Yverdon – Morat. Et il mit la ville de Lausanne sous régie… Finalement, ce fut l’Assemblée fédérale qui dut trancher entre la ligne par la vallée de la Broye et celle dite d’Oron. Et c’est la ligne d’Oron qui sortit victorieuse de cette lutte. Elle obtenait une concession forcée sur territoire vaudois d’Oron à Lausanne. La polémique dans la presse et les assemblées fut d’une extrême violence et le canton chercha longtemps encore à entraver la construction de cette ligne détestée, mais en vain, car elle fut inaugurée en 1862. La victime de cette affaire fut la vallée de la Broye. Pour consoler sa ville d’Estavayer, le Gouvernement fribourgeois lui accorda une subvention pour la construction d’un port…

 

GTell, Cent ans de chemin de fer dans la Broye

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