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9 janvier 2016 6 09 /01 /janvier /2016 18:10

Hongrie : A Budapest

Les actions de sauvetage de Justes suisses en Hongrie se déroulèrent à Budapest dans les dernier mois de la guerre. Et dans des circonstances particulièrement tragiques.

Alliée au Reich allemand dès 1940, la Hongrie avait récupéré des territoires perdus au lendemain de la Première Guerre mondiale, notamment une partie de la Ruthénie et la moitié septentrionale de la Transylvanie. Si elle adopta des lois antijuives à partir de 1938, la Hongrie ne participa toutefois pas aux déportations, si bien qu’elle représenta un abri pour les rares Juifs des pays environnants (Pologne et surtout Slovaquie) qui pouvaient tenter d’échapper aux déportations. En 1944, la Hongrie constituait le dernier espace sous domination ou influence de l’Axe dans lequel la « Solution finale » n’avait pas encore été appliquée. Quelque 750'000 Juifs vivaient dans ses frontières. Ils connurent une sécurité physique, certes relative, jusqu’au 19 mars 1944.

Face à l’avancée inexorable des troupes soviétiques et à la volonté toujours plus manifeste du gouvernement hongrois de rejoindre le camp des Alliés, Hitler imposa alors deux séries de mesures au régent Horthy : un gouvernement de collaboration (dirigé par Döme Sztójay) et une armada de superviseurs et de conseillers, emmenée par Edmund Veesenmayer, plénipotentiaire du Führer ; Adolf Eichmann arriva à la tête d’un commando spécial pour organiser les déportations. L’hégémonie allemande était donc claire mais il fallait maintenir la fiction d’une souveraineté hongroise : Horthy restait à la tête de l’Etat. Cette situation complexe allait tantôt freiner tantôt faciliter les efforts de sauvetage. [Je vous laisse le loisir de regarder sur vos sites préférés qui étaient Veesenmayer et Eichmann.]

Eichmann et son équipe se mirent immédiatement au travail. Un calendrier de la concentration des Juifs de Hongrie, suivie rapidement de leur déportation fut établi. Les premiers touchés seraient les Juifs de l’Est, du Sud-Est et du Nord, territoires les plus proches des troupes soviétiques et les plus récemment acquis par la Hongrie. L’opération devait s’achever, au plus tard trois mois après, avec les Juifs de la capitale. Le 15 mai 1944, le premier train partit pour Auschwitz-Birkenau, accompagné jusqu’à la frontière slovaque par des Hongrois. Au total, plus de 430'000 Juifs de la province hongroise furent ainsi déportés en quelques semaines. « La Hongrie – nous rappelle Raul Hilberg – fut le seul pays où les auteurs du crime savaient la guerre perdue lorsqu’ils passèrent à l’action. »

En outre, les déportations se déroulèrent au vu et au su du monde entier. Deux jeunes Juifs slovaques, Rudolf Vrba et Alfred Wetzler, qui avaient réussi à s’échapper d’Auschwitz-Birkenau en avril 1944, apportèrent le premier témoignage complet sur le camp de la mort ; également connu sous le nom de protocoles d’Auschwitz, ce témoignage gagna Budapest, puis la Suisse et le Vatican.

[Le lien (Suisse) ci-dessus vous envoie sur le site dodis.ch – Documents Diplomatiques Suisses 1848-1972, sur la page en question, qui concerne la note diplomatique sur le témoignage des deux jeunes Juifs évadés d’Auschwitz, le document DoDis 11979 peut s’ouvrir en cliquant sous ORIGINAL la photo du document pdf (en allemand)]

Des protestations – en particulier du pape, du président Roosevelt et des pays neutres – affluèrent auprès du régent Horthy et du gouvernement hongrois ; en Suisse, plus de 200 articles parurent dans la presse. Le Conseil fédéral fut lui aussi pressé d’intervenir, en particulier par les représentants des Eglises protestantes. La position officielle, défendue depuis 1933 malgré des pressions toujours plus fortes visant à refuser aux Juifs le statut de réfugiés politiques fut abandonné le 12 juillet 1944. Désormais les Juifs pouvaient prétendre à l’asile parce qu’ils fuyaient des persécutions. Changement important, mais combien tardif.

Budapest subit de violents bombardements alliés le 3 juillet. Le 7, le régent Horthy ordonna l’arrêt des déportations. Il obtint plus tard le départ du commando Eichmann. La province hongroise avait été vidée de sa population juive. Restait la communauté de Budapest. L’évolution militaire offrait l’espoir d’une délivrance prochaine de la Hongrie du joug nazi : l’armée Rouge pénétra en territoire hongrois en octobre et le même mois la Roumanie signait un armistice avec les Alliés.

Toutefois, les situations désespérées poussent souvent les plus fanatiques à des comportements jusqu’au-boutistes. Il y avait de tels fanatiques en Hongrie : les Croix-fléchées, de farouches antisémites qui procéderaient encore à des rafles de Juifs sous les tirs de l’artillerie soviétique dans Budapest encerclée ; on estime à plus de 60'000 le nombre de Juifs qu’ils ont tués. Leur chef, Ferenc Szálasi, parvint au pouvoir le 16 octobre 1944. Eichmann revint le lendemain.

A Budapest, deux ghettos furent créés en novembre : le ghetto international et le grand ghetto. Le premier regroupait les Juif au bénéfice d’une protection des pays neutres, l’autre ceux qui en étaient dépourvus. Les rafles se poursuivirent. Des dizaines de milliers de Juifs se virent contraints à des marches forcées en direction de l’Autriche ; beaucoup moururent en chemin. L’armée Rouge avait totalement encerclé la ville à Noël, elle libéra le quartier de Pest le 18 janvier, celui de Buda un mois plus tard. Quelque 130'000 Juifs avaient survécu dans Budapest dévastée.

Dans les actions de sauvetage menées par des Suisses à Budapest, deux noms occupent une place prééminente, celui de Carl Lutz, chef de Division des intérêts étrangers à la légation de Suisse, et celui de Friedrich Born, délégué du CICR. Ils furent aussi, avec Gertrud Lutz, les premiers à avoir reçu la médaille des Justes. Plus récemment toutefois, Yad Vashem a honoré d’autres Suisses. Peter Zürcher et son adjoint Ernst Vonrufs ont poursuivi l’action de Carl Lutz dans Pest assiégée durant les dernières semaines de la guerre. Avec tout autant de courage, Harald Feller assuma durant ces mêmes semaines la lourde tâche de diriger la légation de Suisse ; il cacha en outre plusieurs Juifs dans sa résidence. Des caches, Sœur Hildegard Gutzwiller et l’industriel Otto Haggenmacher en procurèrent eux aussi à des dizaines d’enfants persécutés. Par ailleurs, une proposition de nomination d’un collaborateur de Born a été soumise en 2006 à Yad Vashem.

Carl et Gertrud Lutz

Carl et Gertrud Lutz

À suivre : Les Justes suisses [16.2]

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