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4 février 2016 4 04 /02 /février /2016 16:26

La Fête de 1797 [Considérée comme la première]

Des appréciations élogieuses telles que celle qui vient d’être mentionnée – reçues sans doute de sources diverses – n’ont pu laisser indifférents les organisateurs, membres des Conseils, qui, noblesse oblige ! se sont rendu compte qu’ils devaient aller de l’avant en progressant, leur réputation étant en jeu. Aussi, la Fête, décidée en principe pour 1795, fut renvoyée à l’année 1797. Cela permit de préparer un programme plus complet, dans lequel entra une organisation des troupes selon les saisons de l’année : printemps, été, automne et hiver. Bacchus et Cérès firent bon accueil à Palès, qui figura accompagnée d’un gracieux groupe de bergères. Voulant présenter les troupes dans toutes les règles, les dirigeants firent construire, sur la place du Marché, une estrade pouvant contenir 2000 spectateurs, devant laquelle vinrent chanter et danser les figurants, avant de répéter leurs productions sur diverses places de la ville.

Un procès-verbal, dressé le 8 juin 1797. Informe que :

Le Conseil et le Rière-Conseil, réunis pour connoître s’il y auroit lieu de faire assembler le Général (assemblée générale) de cette Société, afin de décider s’il convenoit et si l’on pouvoit faire la Procession de notre Confrérie dans le courant de l’année ?

Après un tour consultatif, il a été décidé, à la pluralité des voix, de fixer l’assemblée générale à dimanche prochain, à 6 heures du matin.

Bigre ! Voilà une heure bien matinale et qui, heureusement, n’a pas toujours été de règle…

L’assemblée devait en tout cas être convoquée très tôt, le jour de la bravade puisque celle-ci la suivait et, on vient de le lire, commençait ses productions à sept heures du matin.

A l’assemblée du dimanche 11 juin, il est minuté que :

L’assemblée décide presque unanimément qu’on faira cette Fête au mois d’août pour se réjouir surtout des flatteuses espérances qu’on a de la Paix !

Les Conseils fixèrent la parade sur le 9 août, avec publication le 18 juillet. Il est minuté que le 9 août, époque de la pleine lune, favorisera la marche des étrangers. C’était sans doute afin de faciliter les spectateurs qui venaient de nuit en char, à cheval ou à pied.

Détail cueilli à ce sujet dans un vieux manuscrit :

Pendant trois jours les voitures n’ont cessé d’arriver à Vevey. Les auberges étaient pleines jusqu’au galetas. Des lits et des chambres, empruntés dans les environs, ne suffirent pas et beaucoup de visiteurs couchèrent à la belle étoile. Le port, devant le Marché, était garni comme d’une petite flottille.

Innovation qui s’accorde avec le développement que prend la parade : un livret de vingt-quatre pages sort de l’imprimerie Chenebié & Loertscher. C’est dans « iceluy » que nous allons puiser les renseignements utiles pour donner une idée de l’importance des améliorations apportées à la manifestation, laquelle prend déjà grande allure.

Sur la couverture du livret est silhouetté l’abbé – M. Louis Levade – portant une longue crosse sous le bras. Les premières pages sont consacrées au « Discours prononcé par l’abbé au couronnement des vignerons ». Nous en extrayons ce qui suit :

Il n’est point en Europe de fête périodique plus intéressante que celle que nous allons célébrer. Il n’est point d’époque plus heureuse pour cette célébration que celle qui nous rassemble aujourd’hui : c’est celle de la Paix qui vient de se conclure entre la République française et la Maison d’Autriche. – C’est surtout celle de la Paix dont nous avons joui jusqu’à présent.

Pendant que nos voisins voyaient leurs vignes arrachées, leurs champs couverts de sang et de carnage, leurs maisons pillées et brûlées, nous mangions tranquillement notre pain à l’ombre de nos arbres couverts de fleurs et de fruits, nous vendangions et pressions nos raisins en paix. – Nos maisons, nos villes, nos campagnes retentissent de chants de joie et d’allégresse. Oh ! que nous serions heureux, si nous sentions toute l’étendue de notre bonheur !

La Fête que nous allons célébrer, avec toute la pompe et la décence qui lui convient, a pour but principal d’encourager l’Agriculture, en couronnant publiquement les honnêtes cultivateurs qui, par leur bonne conduite et leurs travaux assidus, ont fait rapporter à leur fonds tout ce qu’ils pouvoient produirent, et ont par-là mieux mérité de cette Société pendant le cours de ces dernières années.

Réponse des Vignerons couronnée (imprimée dans le livret) :

Répondre à tant d’honneurs ne nous est pas possible ; nos cœurs sont trop émus, nous ne pouvons parler. Ce n’est qu’en redoublant de zèle, de soins, d’activité, que nous pourrons prouver notre reconnoissance à la Société.

On remarquera la naïve mais si sincère simplicité de cette réponse, faite par le premier couronné.

Vient ensuite : l’Ordre de la Parade :

Ier partie : Le Printemps :

Le Hoqueton ; l’Abbé ; le Conseil ; un Enseigne ; une Musique ; Bergères dansantes ; une Prêtresse ; enfants de Chœur ; des Canéphores ; un Autel ; des Canéphores ; la Déesse Palès ; des Faucheurs ; des Faneuses ; un char de foin.

[Dans chaque saison, sauf l’hiver, il y a des Canéphores dont voici la signification, ICI.]

Ci-dessous l’Ordre de la Parade, avec les quatre saisons.

Ordre de la Parade

Ordre de la Parade

Bacchus était toujours promené sur son petit tonneau. Pour les déesses, on construisit des palanquins, surmontés d’un baldaquin élégamment drapé de tentures aux couleurs vives, et ce sont des jeunes gens (même des jeunes filles) qui les portaient.

On constate ainsi que la « parade » a pris, en 1797, l’importance d’un cortège qui ne manquait pas d’allure. Aussi comprend-on qu’un tel spectacle ait déjà attiré de nombreux spectateurs en notre bonne ville.

Le livret renferme des couplets démontrant que la partie musicale avait pris un peu plus d’importance aussi. On suppose que des paroles de circonstance étaient adaptées à des airs connus du pays. On y voit figurer un Hymne sur l’Agriculture, chanté au couronnement des vignerons. En voici les paroles :

O ! Toi divine et riche Agriculture

Nous te devons les trésors des humains :

De tes travaux tu pares la Nature,

Et l’abondance est versée par tes mains.

Chœur : respectable industrie,

Laboureur vigilant,

Nous vous devons la vie

Au sortir du Néant.

Tu fais fleurir l’art le plus nécessaire,

Mortel heureux, honnête Agriculteur :

Les biens, les rangs ne peuvent satisfaire,

C’est sous ton toit qu’on a la paix du cœur.

Chœur : Respectable…

Puis viennent les couplets de la prêtresse de Palès : Protège nos biens, nos troupeaux, Reine des Prés et des Bergères… ; le Chœur des Faucheurs ; les couplets de la grande-prêtresse de Cérès : Cérès, mère de l’abondance, entends nos vœux et nos accents… ; l’air du grand-prêtre de Bacchus : Favoris de Bacchus, Sylvains, Faunes, Bacchantes, fêtez tous avec moi le plus puissant des dieux… ; la ronde des Faunes et des Bacchantes ; la chanson des Tonneliers ; les couplets pour la Noce du village ; le couplet du Seigneur du village et la Ronde des jeunes gens à la Noce. Entre ces airs et scènes étaient intercalés des chœurs, récitatifs, etc., sans compter les danses, sur lesquelles il n’est pas donné de précisions.

La fin du livret est consacrée aux sentiments de reconnaissance exprimés par les dirigeants de l’Abbaye à l’égard de ceux qui contribuent au Fonds consacré à récompenser les vignerons. On y lit :

La Société d’Agriculture voue la plus vive reconnoissance à tous les bienfaiteurs dont les noms seront religieusement conservés dans ses Registres.

On remarquera que l’Abbaye dite de Saint-Urbain porte, à la fin du XVIIIe siècle, le nom de Société d’Agriculture.

Un voyageur, venu de France où il fut le témoin de quelques-uns des tragiques débordements provoqués par la Révolution, écrivit ceci à propos de la Fête des Vignerons de 1797 :

Divinités bienfaisantes, faites-moi passer d’un pays livré aux fléaux de la discorde et de la guerre, chez un peuple qui goûte les douceurs de la paix ; montrez-le-moi dans son plus beau jour, et que le spectacle touchant de ses fêtes me fasse croire à son bonheur !

A la vue de l’allégresse de notre population le jour de la Fête, le voyageur a dû constater que ses vœux étaient exaucés !

D’un ouvrage écrit par M. Vernes-Prescott sur l’Abbaye des Vignerons, nous extrayons les passages suivants d’une description de la Fête de 1797 :

Aux sons d’une musique éclatante le divin cortège s’avance sur la place. Bientôt toute son enceinte est garnie de faunes, de bacchantes, de tous les corps de divinités subalternes qui composent la cour de Bacchus et de Cérès. Quatre chars de triomphe portent les attributs des saisons. A cette vue, la foule d’idées attendrissantes que réveillent les tableaux de la vie champêtre ; celle des sentiments doux et consolants que fait naître l’image de son bonheur, viennent assaillir l’âme, et lui faire éprouver une joie pure comme la source qui la produit.

Et qu’on ne confonde point cette Fête avec ces imitations théâtrales qui, dans les grandes villes, nous laissent froids et indifférents ; ici les acteurs sont les agriculteurs eux-mêmes ; les actions de grâces qu’ils rendent aux dieux des campagnes ; leurs chants, leurs actes, les signes représentatifs de leurs travaux, de leurs jeux ; les expressions naïves de leur félicité, rien n’est fardé, tout est réel, et le tableau de cette journée se compose de ceux de toute leur vie.

Comme l’auteur de ces lignes a bien senti ce qu’était la Fête des Vignerons, comme il a compris le but visé par ses organisateurs, comme il s’est rendu compte de l’effort désintéressé des figurants, comme il a défini avec clarté qu’il ne s’agissait pas d’une imitation mais d’une originale création !

Si nous nous sommes étendus sur ces détails de la Fête de 1797, c’est que nous y trouvons la preuve indéniable que, si les précédentes « parades » ont obtenu un succès d’estime très mérité, cette fois-ci le spectacle a charmé les assistants, au point d’inspirer de flatteuses et élogieuses remarques, dépassant de beaucoup les descriptions habituelles d’un observateur voyant, pour la première fois, une manifestation populaire de ce genre.

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