Sainte-Hélène, décembre 1817
Je suis obligé d’écouter, mais pas de répondre, ni de m’indigner. Certains, ici, disent savoir que l’Empereur fut l’amant de sa sœur Pauline qui entretenait pour l’Impératrice haine et jalousie. La princesse Borghèse, affirment-ils, était la seule à obtenir tout ce qu’elle voulait de son frère. Ils parlaient aussi d’inceste et des relations coupables entre l’Empereur et la fille de l’Impératrice. J’ai répondu qu’Hortense avait un dévouement sans bornes pour sa mère et que ses heures d’intimité avec l’Empereur étaient surtout pour lui parler d’elle.
J’ai ajouté qu’Hortense était une Beauharnais, qu’elle n’avait pas une goutte de sang napoléonien. Ils attaquaient aussi toute la famille impériale, n’épargnant que Lucien : les mœurs soi-disant dissolues de Caroline, la frigidité d’Elisa, les maladies honteuses de Louis. Ils avaient, disaient-ils, des preuves des amours dissolues de Paolina.
Sainte-Hélène, décembre 1817
Le Dr O’Meara a diagnostiqué une hépatite. Il a critiqué les conditions de vie dans l’île et le gouverneur veut se débarrasser de cet Irlandais importun.
Sainte-Hélène, janvier 1818
L’Empereur m’a dit aujourd’hui des mots qui m’ont beaucoup touché, qu’il ne pourrait plus vivre si on nous arrachait à lui, il m’a aussi demandé de contredire M. de Montholon, parce qu’il sait que j’ai une excellente mémoire, et quand il y avait dispute avec les grands personnages de Longwood, il m’appelait et me disait de raconter exactement les faits. Il m’a presque toujours donné raison, parce qu’il savait mon amour de la vérité et il me respectait parce que, contrairement aux autres, je lui ai cent fois soutenu mordicus des choses qu’il niait. Pendant quelques heures, il ne me parlait pas, mais ensuite, loin de s’en offenser, il me faisait comprendre qu’il approuvait mon indépendance.