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7 décembre 2017 4 07 /12 /décembre /2017 17:26
Jean-Abraham Noverraz nous dit dans son journal…

Sainte-Hélène, mai 1821

Soleil et pluie alternent sur l’île. Je me suis rendu sur la tombe. Les branches de saules avaient l’air de se tordre sous le vent. Déjà, des légendes circulent : à Jamestown, les habitants disent qu’ils ont vu une nouvelle étoile au nord ! Des soldats anglais empêchent des curieux de s’approcher de Longwood : « Nous voulons le voir… Nous savons qu’on l’a embaumé… »

Certains affirment : « Le sarcophage est vide ».

Une sentinelle croit savoir que le corps de l’Empereur a été embarqué dans la nuit à bord d’un navire ; Hudson Lowe aurait eu ordre de rapporter le corps en Angleterre, le désire de Sa Majesté Georges IV étant de le faire inhumer à Westminster !

Je devais plus tard, à mon retour en Europe, entendre bien d’autres fadaises : certains croient que Napoléon repose dans un cercueil de cristal. (Je leur explique que, en effet, une ouverture dans le cercueil d’ébène permettrait de distinguer une figure de cire). On m’a demandé aussi si nous aurions pu avoir été trompés par un sosie… ! Des journalistes américains affirmèrent que le vrai Napoléon avait réussi à quitter l’île en février 1819 déjà, et ce n’est que son sosie que l’on aurait enterré. A tous j’ai rétorqué que ce n’était que des fables.

On m’a même affirmé que le vrai Napoléon avait été enterré près de la Nouvelle-Orléans et que son corps avait été emporté sur le navire « La Comète »… !

Pour nous qui avons fréquenté quotidiennement l’Empereur, qui avons partagé son exil, il était facile de répondre que, avant tout, Napoléon était mort d’ennui : nous avions partagé ses longues journées vides sur cet îlot, prisonnier de gardes et d’espions. Au début, il avait parcouru quelques routes en voiture, à cheval, il allait au pas. Lassé de reconnaître chaque arbre du plateau de Longwood, à feuilleter dix fois les mêmes rares livres, l’Empereur se remit à ses Mémoires : au comte Bertrand, il a dicté le récit de certaines batailles, à M. de Montholon, un commentaire sur la stratégie de Jules César et même, m’a-t-on dit, des notes sur le suicide. Sa mémoire était restée étonnante, mais une sorte de dégoût l’envahissait : combien de fois l’ai-je vu tambouriner aux fenêtres ou tenter de deviner dans les nuages des messages qu’il était seul à comprendre.

Il avait conquis et gouverné la moitié de l’Europe. Il avait, dans son empire géant, mené de pair la Justice et la Guerre, les Cultes et l’Instruction, les Finances et les Travaux publics… maintenant, il n’avait plus qu’à parcourir de long en large la maigre pelouse, à échanger les mêmes mots et les mêmes parties d’échecs avec les mêmes personnages. Pour moi, le plus fidèle de ses serviteurs, je repousse l’idée d’empoisonnement, je crois, bien sûr, à la maladie, mais surtout Napoléon s’est laissé mourir d’ennui.

FIN

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