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22 mars 2018 4 22 /03 /mars /2018 19:14

Pour les 250 ans du journal 24 heures, un livre retrace des épisodes de la vie des Vaudois, c’est au hasard de certains articles qui m’ont intéressés que je recopie ceux-ci pour en partager avec vous l’extraordinaire, la surprenante ou amusante information du passé.

Beckford, le calife vaudois

 

Quand l’écrivain William Beckford s’installe avec son épouse, Lady Margaret, sur les rives du Léman, dans le château de la Tour-de-Peilz, en 1785, le prince déchu est en quête de quiétude. Sa réputation de « fils le plus riche d’Angleterre », selon les termes de Lord Byron, a du plomb dans l’aile depuis les rumeurs sur sa bisexualité. Surpris avec le jeune William Courtenay, âgé de 10 ans, dans une chambre du château de Powerdham, le sujet de Georges III voit son brillant élan stoppé net. L’exil lui paraît le choix le plus judicieux.

Passionné par l’Orient, polyglotte, (Français, Latin, Grec, Italien, Espagnole, Portugais) critique d’art, ce fils d’un maire de Londres, devenu héritier à 10 ans de l’une des plus grosses fortunes du royaume grâce à des plantations de canne à sucre en Jamaïque, ne rechigne jamais à goûter aux joies d’une vie débridée, à braver les interdits moraux, à humer le parfum du scandale.

Il se vante d’avoir rédigé Vathek, son œuvre majeure, « en trois jours et trois nuits », en 1782, dans la foulée d’une fête de Noël étirée, cloîtré avec des amis dans la maison familiale de Splendens, à Fonthill. Un huis clos qui laisse libre cours à bien des fantasmes de la part des observateurs.

William Beckford

William Beckford

Chez Voltaire

 

Après l’affaire de Powerham, William Beckford s’établit donc à La Tour-de-Peilz, sur cet arc lémanique qu’il connaît bien. « Ce pays de la fraîcheur et de la verdure, des bois de châtaigniers et des bosquets en coteau », écrit-il. En 1783, il y effectue son voyage de noces. Six ans auparavant, l’adolescent avait l’habitude de rendre visite à un certain Voltaire à Genève, ainsi qu’au Salève : « Si je ne pouvais aller rendre visite de temps en temps à Voltaire, et aux montagnes très souvent, j’en mourrais. »

Les trois petites années passées en terre vaudoise seront cruciales à plus d’un titre dans son parcours. Au bonheur de la naissance de ses filles, Margaret et Susan, succède la peine de la perte de son épouse. Dans la foulée, il apprend que le révérend Samuel Henley, à qui il a laissé un manuscrit de Vathek, écrit en français, a publié une traduction anglaise outre-Manche en dépit de son vœu de faire paraître la version française en premier. Qu’à cela tienne, William met les bouchées doubles pour concrétiser son projet avec l’aide du pasteur vaudois David Levade. Un doute subsiste quant à savoir s’il était en possession d’un autre manuscrit en français ou s’il dut traduire la version anglaise de Henley. Quoi qu’il en soit, la version dite Lausannoise du roman paraît chez l’imprimeur-éditeur Issac Hignou fin 1786 (bien que la couverture mentionne 1787).

Peu satisfait des services de traducteur de Levade, William Beckford remet aussitôt l’ouvrage sur le métier avec son ami et médecin François Verdeil. Une nouvelle édition paraît à Paris, chez Poinçot, toujours en 1787. Levade n’apprécie guère ces méthodes : « Je me suis repenti d’avoir cédé à ses sollicitations, l’ouvrage ne me paraissant ni moral ni intéressant », s’insurge-t-il dans une note retrouvée dans un exemplaire de Vathek. « Je dus menacer M. Beckford de mettre dans les papiers publics cette infidélité, qui fit qu’on arrêta à la douane de France l’envoi de l’imprimeur Hignou de 300 exemplaires qu’il envoyait à Paris. »

L’essentiel reste que William Beckford, 27 ans, s’est réapproprié l’œuvre qui lui a fait traverser les siècles et qui continue d’être vendue en librairie aujourd’hui.

Prié de quitter Lausanne

 

Il reviendra séjourner sur les bords du Léman. À Evian d’abord, en 1789. Puis, contexte révolutionnaire aidant, à Lausanne, où il est prié le jour de son arrivée de « partir immédiatement, et que si lui ou ses gens s’y trouvaient encore le lendemain matin à 7 heures, ils seraient tous arrêtés », selon un témoin de l’époque.

Outre ses pérégrinations en Espagne et au Portugal (qui inspirèrent ses Lettres from Italy with Sketches of Spain and Portugal), les hauts faits du reste de son long parcours – il meurt à 84 ans – sont davantage liés à l’impressionnant train de vie de celui que l’on surnomma « le calife de Fonthill ».

Son excentricité atteint son paroxysme dans le projet d’abbaye monumentale construite sur ses terres familiales entre 1796 à 1814 (et dont la tour s’effondra deux fois). Un sens de la démesure que n’aurait pas reniée son personnage emblématique, Vathek.

L'abbaye

L'abbaye

La tour au sol.

La tour au sol.

L'objet du scandal, le jeune comte de Devon, surnommé "Kitty"

L'objet du scandal, le jeune comte de Devon, surnommé "Kitty"

Un conte romantique noir

 

La théorie la plus répandue veut que William Beckford ait hérité sa passion pour l’Orient et ses Contes des 1001 nuits de l’un de ses précepteurs et maître de dessin, Alexandre Cozens. C’est dans cette émulation (par ailleurs à la mode à l’époque) et quelques folles soirées anglaises que William tire son Vathek, calife impétueux, excessif et cruel. Un conte romantique noir, teinté de surnaturel, inquiétant, drôle parfois. Une descente aux enfers, au sens propre, pour un personnage à l’ambition démesurée, prêt à renier les préceptes de Mahomet dans sa quête des trésors du palais de Suleïman, au fond de l’abîme, au royaume des Djinns et du roi-démon Elbis.

William Beckford ajoutera trois contes à la suite de son Vathek, le tout formant une œuvre qualifiée de majeure, dès sa sortie, par Lord Byron, puis, plus tard, par Mallarmé. Une pierre angulaire, devenue un classique, au carrefour du siècle des Lumières et de la fin du XVIIIe, aux penchants préromantiques.

Les romans gothiques.

Commentaire : Aujourd’hui, William Beckford serait reconnu comme pédophile. Pudiquement dit, dans ses biographie, bisexuel, ce qu’il n’a pas montré après le décès de sa femme, il ne s’est pas remarié et ses nuits de débauches ont toujours étés avec des jeunes garçons.

Reste qu’à l’époque et pour un bon moment encore, ça ne dérangeait pas trop la société, sauf lors d’un scandale, tel que celui du jeune William Courtenay, 9ème comte de Devon, surprit au lit avec William Beckford. Le premier avait dix ans, le second dix-huit ans.

Complément d’information : Biographie gay en anglais.

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