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3 février 2009 2 03 /02 /février /2009 12:30

La suite des aventures californiennes...

  
Veut-on se faire une idée de cet abandon ? Suivez sur la mer ce brick solitaire qui fait voile pour San Francisco et qui est commandé par le capitaine Munray. Il vient d’Arica ; il a reçu des commandes de San Francisco avant que les mines ne fussent découvertes et il vient comme d’habitude faire son commerce annuel d’échanges. Il ignore tout et ne sait rien des événements survenus depuis sa dernière visite à San Francisco. Forcé par les vents contraires de relâcher à San Diego, il a demandé des nouvelles de la Californie. On lui a répondu que tout y allait à merveille ; que la ville qui, un an auparavant comptait vingt ou trente maisons, en avait maintenant trois ou quatre cents, et qu’en arrivant sur la rade, il y trouverait une animation et une vie égale à celle que Télémaque rencontra en abordant Salente. Il est parti sur ces bonnes nouvelles et avec joyeuse espérance : non seulement grâce à cette activité croissante, il va vendre son chargement mais encore être assailli de commissions et d’offres.

   Le temps était splendide ; le mont Diable resplendissait tout inondé de lumière et le brick se dirigeait droit sur le mouillage de Hierbabuena. Cependant une chose semblait incompréhensible au capitaine Munray : c’était qu’il n’apercevait pas une barque sur la mer, pas un homme sur le rivage. Qu’était donc devenue cette activité dont on lui avait parlé à San Diego ? On eût dit au contraire qu’on entrait dans les domaines de la Belle au Bois dormant, seulement on ne voyait pas même les dormeurs ! Le capitaine Munray continuait d’avancer il croyait faire un rêve. Ce n’était cependant ni une guerre, ni un incendie ni une attaque d’Indiens qui causait ce silence et cette solitude profonde. La ville était là, ses maisons étaient bien entières et le port offrait à la vue de l’équipage étonné des tas de marchandises de toute espèce empilées à la porte des magasins. Le capitaine Munray héla quelques bâtiments à l’ancre devant la ville, les navires étaient déserts et silencieux comme le port et les maisons. Seul l’écho de la colline du Télégraphe lui renvoyait ses propres paroles. Tout à coup une idée terrible, mais la seule probable se présenta à l’esprit du capitaine Munray. La population de San Francisco venait d’être détruite par le choléra, par une fièvre jaune, par un typhus, par une épidémie quelconque. Aller plus loin eût été d’une grande imprudence. Le capitaine Munray donna donc l’ordre de virer de bord. Au moment où il passait près d’une petite goélette mexicaine, il lui sembla voir s’agiter à son bord quelque chose comme une créature humaine. On la héla. Un vieux matelot mexicain, la tête enveloppée de bandes, se dressa sur ses genoux.

   « Ohé ! de la goélette ! cria le capitaine Munray, que sont devenus les habitants de San Francisco ? – Eh ! répondit le vieux mexicain, ils sont tous partis pour le pays de l’or. – Et où est ce pays ? » demanda en riant le capitaine Munray. « Sur les bords du Sacramento ; il y en a des montagnes, il y en a des vallées ; il n’y a qu’à se baisser et ramasser et si je n’étais pas malade, je ne serais pas ici, je serais là-bas avec les autres. »

   Dix minutes plus tard, le brick du capitaine Munray était vide comme les autres bâtiments. Les matelots étaient descendus à terre et avaient pris leur élan vers le Sacramento et le pauvre capitaine resté seul, jetait l’ancre et amarrait son brick comme il pouvait, près des autres bâtiments déserts.

   Ainsi donc à ce cri : « De l’or ! » Tout le monde s’était rué vers les placers, ne voyant qu’un moyen de faire fortune, recueillir de l’or. Et chacun fouillait effectivement la terre, aidé des instruments qu’il avait pu se procurer, les uns avec des pioches, les autres avec des bêches, ceux-là avec des crocs, ceux-ci avec des pelles à feu. Il y en avait qui ne possédant rien de tout cela, fouillaient la terre avec leurs ongles. Puis cette terre ils la lavaient dans des assiettes, dans des plats, des casseroles, dans des chapeaux de paille. Et de tous côtés arrivaient des hommes à cheval, des familles en charrettes, de pauvres diables à pied qui venaient de faire cent milles en courant pour ne pas manquer leur part de la curée. Et chacun en voyant ces monceaux d’or vierge déjà recueillis, était pris de vertige, se précipitait à bas de son cheval, de sa voiture et se mettait immédiatement à fouiller la terre pour ne pas perdre une seconde de ce temps si précieux. Cette espèce de folie alla croissant de jour en jour. Quiconque quittait sa maison, partait avec l’intention de se faire mineur, de chercher, de fouiller et de recueillir le plus possible de ce précieux métal. Et cependant, c’était de toutes les spéculations la moins sûre, la plus précaire et celle sans doute qui sera la plus vite épuisée. La véritable source des richesses en Californie, ce sera dans l’avenir, j’en suis sûr, l’agriculture et le commerce qui s’étendra d’un côté par une ligne de vapeurs jusqu’aux Indes et en Chine et de l’autre côté par un chemin de fer jusqu’à New York et la Nouvelle-Orléans.

   Et maintenant, veut-on savoir dans quelles proportions énormes la population s’est portée sur les rives du Pacifique à travers le désert et les montagnes ? En 1802, le savant Humboldt  fait le recensement de la Californie. Il trouve 1'300 colons blancs et 15'000 Indiens convertis au catholicisme. En 1842, Mr. De Mofras fait un second dénombrement ; de 1'300 les colons sont montés à 5'000. En même temps le nombre d’Indiens répandus dans l’intérieur est évalué à 40'000. Au commencement de 1848, la population blanche atteint le chiffre de 14'000 ; la population indigène reste stationnaire. Le 1er janvier 1849, la population blanche est de 26'000 âmes ; le 11 avril, elle est de 33'000 ; au 1er août de 52'000. En quelques semaines ces 52'000 âmes s’augmentent de 3'000 Mexicains, arrivés par terre de la province de Sonora ; 2'500 émigrants arrivent par Santa Fe du Texas et des Etats du Sud et 30'000 traversent les plaines du Nord et franchissent les montagnes Rocheuses. Enfin. A l’époque de notre arrivée, la population de la Californie se monte à environ 120'000 âmes. La ville de San Francisco seule en contient de 25 à 30'000 et plus de 400 navires sont ancrés dans la rade.

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