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22 mars 2007 4 22 /03 /mars /2007 00:00

Voici un récit chapitre par chapitre qui  sera entièrement montré ici.

 

 

 

 

Madame De Staël

 

Au

 

Château de Coppet

 

Pierre Kohler

 

Éditions SPES, Lausanne 1943

 

 

 

 

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Chapitre premier

 

 

Le château avant la châtelaine

 

 

 

 

  Les origines de Coppet sont relativement récentes. La petite ville n’est pas fondée, comme d’autres de la même région, sur le ciment romain. Son histoire commence avec la construction du château et du bourg fortifié. Ce castellum est mentionné pour la première fois, dans les chartes, en 1300, donc au début de cette période qui forme la transition entre le moyen âge et les siècles modernes. Période où la féodalité, tout en maintenant en apparence l’armature ramifiée de son système, commence à s’affaisser devant la puissance croissante des communautés libres, comme la neige des sommets s’amollit au soleil levant. La seigneurie de Coppet va conserver pendant des siècles, à travers les changements politiques et sociaux, un des caractères du moyen âge féodal où les prêtres et les chevaliers, les dignitaires de tout ordre, se déplaçaient avec tant d’aisance et ne connaissaient guère d’Etat intermédiaire entre le domaine natale et l’univers. Coppet est voué au cosmopolitisme, à l’universalité. Dès le début, ses maîtres lui vinrent du dehors.  

 

   La région est savoyarde. La tradition attribuait la construction du château de Coppet au fameux comte Pierre de Savoie. On prête aux riches. En réalité, c’est sous la suzeraineté de ses descendants immédiats que le fief de Coppet se constitue, fixant sur le rivage du lac le siège de la seigneurie du village voisin de Commugny. Au XIVe siècle, les sires de Coppet sont des Dauphinois, les Allamand. Mais le comte de Savoie, le comte de Gruyère, le sire de Grandson, interviennent dans leurs difficiles successions et se disputent leurs droits sur cette belle terre. Othon de Grandson, le brillant chevalier et le premier poète vaudois, épouse la dernière des Allamand. Celui qui mérita d’être appelé par Chaucer la fleur des poètes de France, n’adressa pas sans doute à cette châtelaine de Coppet ses virelais et ses ballades. Les rites du lyrisme courtois exigeaient qu’il servît une maîtresse idéale, une belle inflexible. On aimerait croire qu’il a cependant rimé pour la « souveraine » qui l’avait fait seigneur de Coppet, ce gracieux souhait de bonne année :

 

 

                           Joye, santé, paix et bonheur,

 

                                   Bon an, bonne nuit et bon jour,

 

                                    Bonne aventure et bonne estrainte,

 

                                    Ma belle dame souveraine,

 

                                    En toute parfaite plaisance,

 

                                    Vous doint (donne) Dieu qui en a puissance

 

                                    Et vous octroit, ma douce dame,

 

                                    Aise de corps et salut d’âme.

 

 

   Victime d’une sombre intrigue, accusé d’avoir trempé dans l’empoisonnement du « comte rouge » Amédée de Savoie, Othon de Grandson, tendre poète mais dur seigneur, peu aimé de ses vassaux vaudois, fut ruiné, poursuivi, innocenté, repris par le soupçon et les haines tenaces, et finalement tué par Gérard d’Estavayer en un duel judiciaire aux péripéties atroces. C’était en 1397.

 

   Après ce tragique héros qui fut un charmant poète, derechef la maison de Gruyère et la maison de Savoie mettent les mains sur Coppet, se partagent, se reprennent la seigneurie, prédestinée à servir d’appât aux grandes familles et de parure aux noms illustres. Le premier duc de Savoie, Amédée VIII, redevient seul maître de la châtellenie ; il inféode ses droits à son maréchal, le marquis de Saluces. Coppet passe bientôt à d’autres nobles savoyards, les Viry, en faveur desquels le duc érige Coppet et les fiefs voisins en baronnie. Lorsque les Suisses, au moment des guerres de Bourgogne, envahirent le Pays de Vaud, Coppet fut une des places qu’ils occupèrent quelque temps.

 

   Le Téméraire est battu. L’heure approche où la Savoie , cédant à la force des bourgeois de Berne, va se détourner de la terre fertile et modérée qui mûrit ses vins et ses blés au soleil du Léman et diriger son appétit de régner vers des rivages plus ardents.

 

   En 1536, Coppet se rend au général bernois conquérant. Malgré son opposition à la Réforme , M. de Viry conserve la baronnie de Coppet. Au milieu du XVIe siècle, il la vend au seigneur de Rolle. Écrasé de dettes, celui-ci remet Coppet à son protecteur le comte Michel de Gruyère. Mais ce siècle est dur aux grands féodaux. Le comte Michel a mené trop large vie ; il est ruiné lui aussi ; son comté, cette superbe et délicieuse Gruyère posée comme une parure fleurie à l’épaule de la Suisse alpestre, est saisie, liquidée, telle une simple maison de commerce. Coppet échoit en partage à un groupe de bourgeois de Mulhouse et de Bâle.

 

   Une ère nouvelle commence, où le pouvoir démocratique des bourgeois compose avec les traditions seigneuriales pour produire un dernier genre de féodalité.

 

   Propriétaires malgré eux, les créanciers du comte de Gruyère revendent Coppet à un seigneur français, conseiller du roi de Navarre et chef actif des réformés de France. Cet Antoine de Clervant meurt en 1588, endetté. La seigneurie de Berne rachète Coppet. Mais au lieu de l’incorporer au domaine de l’Etat, les magistrats bernois revendent notre baronnie à un autre protestant français, le fameux Lesdiguières. Vingt ans après, au moment d’imiter l’abjuration de son feu maître Henri IV, le maréchal duc de Lesdiguières remet la terre de Coppet à son confident Daniel de Bellujon, dont la veuve le vendra, au milieu du XVIIe siècle, pour le prix de 50 000 écus, au comte de Dohna, gouverneur d’Orange. Cet étranger reçut la bourgeoisie de Berne. Tandis que M. de Dohna, baron de Coppet, s’occupait, en voyages et négociations, des intérêts de la maison de Nassau, sa femme élevait une nombreuse famille au château de Coppet. Ses trois fils avaient besoin d’un précepteur. Pierre Bayle remplit cet office de 1672 à 1674. Ce jeune précurseur de Voltaire représente à Coppet les droits de l’intelligence, au milieu des intérêts de la propriété, et dessine comme un trait d’union littéraire entre l’infortuné poète Othon de Grandson et la châtelaine qui fera retentir le château des improvisations passionnées de Corinne.  

 

   Un des élèves de Bayle aliéna Coppet, en 1713, à M. Sigismond d’Erlach, qui le revendit au bout de deux ans à un financier suisse établi à Lyon, Jean-Jacques Hogguer. C’est le siècle des barons de banque et de comptoir. La veuve de J.-J. Hogguer donna la baronnie, en 1752, à sa sœur Marie-Elisabeth Locher, qui fut, pendant quinze ans, baronne de Coppet. En 1767, la terre et les droits seigneuriaux passent de nouveau à des mains étrangères. Gaspard de Smeth, de Francfort, négociant à Livourne, devient seigneur de Coppet ; ses armes et celles de sa femme Ursule Kunkler, se voient encore aujourd’hui au fronton de la cour centrale. Mais il meurt bientôt, et son neveu J.-R. von der Lahr, de Francfort, lui succède à Coppet en 1772. Il revend la baronnie en 1780 à P.-G. de Thélusson, de Genève, ce qui n’empêchera pas le fils von der Lahr, en 1812, d’intenter à Mme de Staël un procès en résiliation de vente, qui causera à la châtelaine, dans ces années si douloureuses pour elle, un surcroît d’inquiétudes.

 

   Le 3 mai 1784, M. de Thélusson revendit Coppet à son compatriote et ancien associé Jacques Necker, qui avait été et redevint bientôt ministre des finances du roi de France. Le prix d’achat fut de 500 000 livres de France ; le trésor bernois y gagna un lod ou droit de mutation de plus du tiers de cette somme.

 

   Sinner de Ballaigues, en son Voyage dans la Suisse occidentale, nous explique comment le gouvernement encourageait ces ventes de terres, si avantageuses pour le trésor de Berne :

 

   « C’est ainsi, ajoute-t-il, que l’on voit s’éteindre peu à peu cette noblesse du Pays de Vaud, tandis que des familles nouvelles s’enrichissent par le commerce, et que des étrangers se parent de titres achetés. Je me souviens que, passant un jour dans un des plus beaux châteaux de ce pays, aujourd’hui entre les mains d’un de ces étrangers parvenus, et voulant en voir les appartements, le domestique qui me conduisait me dit : voici le comptoir de M. le baron. »

 

   Cela ne se passait probablement ni à Coppet, ni à Prangins, ni à Aubonne. Cependant les belles propriétés du bord du Petit Lac tentaient tout particulièrement les financiers enrichis ou les étrangers. Ils se trouvaient là sur la meilleure voie de communication du pays, entre Genève et Lausanne, entre Tronchin et Tissot, entre public assuré par un gouvernement ferme et des mœurs pacifiques.

 

   Dans sa forme actuelle, le château de Coppet ne remonte pas au-delà du XVIIIe siècle. Au XVIIe siècle encore, l’ancien château formait une masse rectangulaire, un ensemble de bâtiments disposés autour d’une cour centrale ; un donjon carré à l’angle nord, des tours arrondies aux trois autres coins en accentuaient le caractère féodal. Le ruisseau qui court vers le lac alimentait le fossé qui entourait le château et que franchisait un pont-levis. Sous le comte de Dohna, le château fort ruineux et ses croulantes tours furent adaptés aux conditions d’une époque moins batailleuses. Les murs d’enceinte furent rasés, les fossés comblés ; une seule des tours conservée ; incorporée à l’édifice nouveau dont elle termine l’aile au sud-ouest, elle garde jalousement, sous le couvert de ses murs épais et de sa porte de fer, les archives du château et les précieux papiers de Mme de Staël. L’édifice actuel avec ses trois corps de logis, formant une cour séparée du parc par une grille, est dû, semble-t-il, au baron de Smeth, qui le timbra de ses armes, vers 1770.

 

   M. Necker ne put toutefois prendre possession de sa résidence nouvelle, en 1784, sans y faire exécuter d’importantes réparations. Pour sa femme, d’une santé si précaire, pour sa fille unique accoutumée aux riches hôtels parisiens, au luxe des palais royaux, le nouveau seigneur de Coppet améliora surtout l’aménagement intérieur du château. Certaines modifications y furent apportées plus tard. Mais, dans l’ensemble, les pieux héritiers des la châtelaine de Coppet dont l’éclat efface le souvenir de tous ceux qui l’ont précédée et suivie dans ces murs, n’ont pas changé le cadre, un peu lourd et sans couleur, que Mme de Staël anima de son activité passionnée et de sa radieuse parole.

 

 

 

 

 

 

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 http://www.swisscastles.ch/vaud/coppet/covisiteguidee2.html

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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