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25 janvier 2014 6 25 /01 /janvier /2014 21:08

 

La navigation intérieure

 


   Malgré le déclin, puis l’abandon en 1829 du canal d’Entreroches, les marchandises pondéreuses utilisent encore de préférence la voie d’eau sur les lacs du pied du Jura et sur le Léman.

 

   Les barques à voiles latines amènent à Ouchy les tonneaux de vin de La Côte ou du Lavaux, le bois de sapin du Jura (par le port de Nyon), de fayard et de châtaignier de Chillon, de Villeneuve ou de Meillerie. C’est avec un barquier que traite l’usine de Paudex pour assurer le transport régulier des pierres à gypse qu’elle se procure à Villeneuve. Jusqu’à 1850, le port d’Ouchy est principalement un port de marchandises ; la commune loue des places de dépôts sur les quais. Par souci de sécurité, la municipalité ne concède le service des transports à partir d’Ouchy qu’à des bateliers solvables, capables de déposer une caution.

 

   Dès 1823, la navigation à vapeur apporte au trafic lacustre un élément nouveau, essentiellement touristique. Nous ne voulons pas refaire ici son histoire, qui a été évoquée bien souvent. Les annonces précisent quelques détails, dissipent quelques confusions. En octobre 1823, le Guillaume Tell, premier de tous les vapeurs construit sur des eaux intérieures européennes (pour M. Church, consul des Etats-Unis en France, par le mécanicien Mauriac de Bordeaux), part malgré la mauvaise saison, chaque jour impair de Genève pour Nyon, Rolle, Morges et Ouchy. Il regagne son port d’attache le lendemain. « Messieurs les voyageurs sont prévenus que les salles sont chauffées, que celle des premières places est garnie de tapis et est agréablement chaude ». La société rivale J.P. Demole et Cie construit dès 1825 le Winkelried, « paquebot à vapeur », non plus de douze, mais de trente chevaux. Leur réussite financière éclatante encourage la formation à Lausanne d’une troisième société, qui n’a pas de peine à recueillir des fonds. Son bateau ne se bornera pas au transport des personnes, il servira aussi de remorqueur. On l’appelle le Remorqueur, puis pour faire plus poétique, le Léman-remorqueur. Dès janvier 1826, la société cherche à engager un capitaine, âgé d’au moins trente ans, un restaurateur et « une personne de bonne mœurs pour desservir la place de femme de chambre des premières places du bateau à vapeur », de préférence une femme mariée. Le bâtiment est construit à Ouchy par des ouvriers anglais. De 280 tonneaux, il est mû par deux machines d’une force globale de 60 chevaux, sortant des fonderies Boulton, Watt et Cie à Birmingham ; il s’agit de moteurs à basse pression (1 atmosphère ¼, donc absolument dépourvus de danger. La société les préfère malgré leur volume et la plus forte dépense de charbon ; elle y gagne une plus grande sécurité. Mis en service le 27 juillet 1826, le Léman-remorqueur, devenu le Léman vaudois, quitte Ouchy à huit heures du matin ; à midi, il est à Genève. Il en repart à deux heures pour regagner le port d’Ouchy le soir même à six heures. Sa rapidité inouïe lui permet d’exécuter les deux courses en un seul jour. Le mercredi et le samedi, il remorque un brigantin (barque à voile latine de moyenne grandeur), pour le transport des marchandises. On ne nous dit pas si, ce jour-là, il respecte son horaire ! Ces remorquages se font encore huit ans plus tard. A Genève et à Ouchy, il dispose de débarcadères ; grand avantage par rapport au système des autres compagnies qui procèdent au débarquement par l’intermédiaire de petits bateaux !

 

   Annoncé, attendu, le Léman vaudois a la mauvaise surprise de se voir devancé par la société du Winkelried, qui dès avril 1826 lance à Genève un Léman (de moindre dimension il est vrai). De là d’innombrables confusions pour les passagers, aussi bien que pour les historiens. Bien plus, profitant de la confusion, le Léman genevois se met lui aussi à remorquer une barque en 1829 !

 

   Pour parer à cette double concurrence, le Guillaume Tell prolonge sa course jusqu’à Vevey et abaisse ses tarifs à 13 batz (seconde classe) pour le parcours Vevey-Genève. Rapide et confortable, le Léman vaudois exige 35 batz en première classe et 21 batz en seconde entre Lausanne et Genève. Dès 1828 cependant, la concurrence semble moins âpre, et nous voyons le Winkelried les jours impairs, le Léman vaudois les jours pairs, effectuer le parcours Genève-Bouveret ; leurs prix sont harmonisés ! 65 batz en première, 35 batz en seconde classe, y compris les frais de transbordement.

 

   Les compagnies s’assurent des gains supplémentaires en organisant des promenades le dimanche et les jours de fêtes : excursions à Evian, Thonon, tours du lac en musique, etc. Lors de la Fête des Vignerons de 1833, le Léman, le Winkelried et le Guillaume Tell drainent les spectateurs des bords du Léman. Pour que leurs clients soient certains de trouver des places sur les estrades, les compagnies fixent le départ de Nyon à 1 heure, de Rolle à 2 heures, de Morges à 3 heures et d’Ouchy à 4 heures du matin !

 

   La navigation à vapeur fait affluer les touristes, au grand profit des voituriers ; l’accroissement général du trafic favorise les transports commerciaux des barques traditionnelles, dont l’apogée se situe vers 1900. L’introduction du bateau à vapeur, premier signe de la Révolution industrielle, ne bouleverse pas les structures de l’économie vaudoise, comme le fera après 1855 la construction des premières lignes de chemin de fer, alliée à la naissance du « marché commun » helvétique.

 

GTell,

Deux cents ans de vie et d’Histoire Vaudoises

 

 

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