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21 avril 2007 6 21 /04 /avril /2007 20:15
 
Le Commandant en Chef de l’Armée.
Quartier Général
De l’Armée,
Le 12 juillet 1940
 
SECRET
 
Note concernant le nouveau dispositif de défense.
 
I. Par sa lettre du 2.7.40, le Conseil fédéral m’a confirmé ses instructions du 31.8.39 : « sauvegarder l’indépendance du Pays et maintenir l’intégrité du territoire en mettant en œuvre tous les moyens militaires appropriés ».
Le dispositif que j’ai appliqué pendant la première phase de la guerre visait à défendre la plus grande partie du territoire national. Il comportait deux échelons :
 
-          les troupes frontière, appuyées à des fortifications permanentes et de campagne, et résistant sur place ;
-          la position d’armée, sur laquelle s’exerçait l’effort principal de la défense, et que tenaient, sans esprit de recul, les gros de nos forces.
 
Le tracé de cette position était jalonné généralement par Sargans – Wallensee - Canal de la Linth -Lac de Zurich – Limmat – Jura argovien, bâlois, bernois et neuchâtelois – lac de Neuchâtel – Mentue – Lac Léman.
En cas d’agression d’un des belligérants, je pouvais escompter qu’une aide nous serait apportée, automatiquement, par son adversaire, et que notre capacité de défense s’en trouverait renforcée et prolongée.
 
II. Cette situation s’est modifiée progressivement à la suite de la diminution et de l’effondrement de la résistance française, puis de l’entrée en scène de l’Italie aux côtés de l’Allemagne.
Dès lors, ce n’était plus sur un ou deux fronts que nous risquions d’être attaqués, mais sur tous les fronts, et ceci d’autant plus que la saison autorisait les opérations en haute montagne.
Enfin, nous ne pouvions plus compter sur l’aide d’un allié éventuel.
Aux besoins de la situation nouvelle a répondu la re-mobilisation du 11 mai, puis un remaniement de notre dispositif qui s’est traduit par l’extension progressive de notre effort défensif à des fronts nouveaux en réponse au développement de la menace.
 
III. La signature de l’armistice est venue, une fois de plus, modifier la situation extérieure. Celle-ci m’inspire aujourd’hui l’appréciation suivante :
Si, d’une part, l’Allemagne et l’Italie n’ont pas intérêt à provoquer de nouveau conflits aussi longtemps qu’elles ne sont pas venues à bout de la résistance anglaise, d’autre part, les voies de communication directes qui traversent nos Alpes présentent, pour la première de ces puissances en tout cas, un intérêt indiscutable. Celle-ci pourrait donc être amenée à exercer sur la Suisse une pression économique, politique et même militaire, pour obtenir libre usage de ces voies de communications.
Ainsi, les exigences allemandes pourraient, tôt ou tard, devenir telles qu’elles seraient inconciliables avec notre indépendance et notre honneur national. La Suisse ne parviendra à échapper à la menace d’une attaque allemande directe que si le haut commandement allemand, dans ses calculs, considère qu’une guerre contre nous serait longue et coûteuse, qu’elle ranimerait, inutilement ou dangereusement, un foyer de luttes au centre de l’Europe et gênerait l’exécution de ses plans.
Dès lors, l’objet et le principe de notre défense nationale sont de démontrer à nos voisins que cette guerre serait une entreprise longue et coûteuse. Si nous devons être entraînés dans la lutte, il s’agira de vendre notre peau aussi chère que possible.
 
IV. À cette appréciation nouvelle, dans le cadre d’une mission inchangée, correspondent des décisions nouvelles.
Une démobilisation partielle a été effectuée le 7 juillet. J’estime que des mesures de démobilisation plus complètes ne sauraient être envisagées pour le moment, sauf en ce qui concerne une partie des troupes légères, dont les chevaux doivent revenir à l’agriculture pour le temps des moissons.
L’articulation de notre dispositif de défense en deux échelons – troupes frontières et position d’armée – est-elle encore justifiée ?
-          troupes frontière : sans aucun doute ; leur valeur s’est accrue au cours des mois de service actif en même temps que leurs travaux de fortifications se sont développés.
-          Position d’armée : elle offre deux avantages principaux : - elle couvrent une partie essentielle du territoire national, avec les ressources qui s’y trouvent ;
-          Elle comprend de solides organisations, maintenant presque achevées, et pour lesquelles d’importantes dépenses ont été consenties.
En revanche, telle qu’elle était conçue et occupée jusqu’ici, cette position présentait des inconvénients et des risques. La nécessité de parer à une attaque sur tous les fronts à la fois m’impose une nouvelle répartition des moyens, qui implique une diminution de la densité d’occupation.
De plus, en présence des méthodes de combats modernes, et, notamment, des engins blindés, notre position d’armée risquait d’être prise à revers ; si j’y concentrais le gros de nos moyens, même avec une densité moindre, leur action risquait de se trouver compromise par l’effet d’une menace ou d’une irruption sur ses flancs ou ses arrières.
 
V. J’ai pris la décision suivante : la défense du territoire s’organisera suivant un principe nouveau, celui de l’échelonnement en profondeur.
A cet effet, j’ai institué trois échelons de résistance principaux, complétés par un système intermédiaire de points d’appui.
Les trois échelons de résistance seront :
-          les troupes frontières, qui conserveront leur dispositif actuel ;
-          une position avancée ou de couverture, qui utilisera le tracé de la position d’armée actuelle entre le lac de Zurich et le massif du Gempen et qui se prolongera par un front ouest, jalonné généralement par le Jura bernois et neuchâtelois – Morat – la Sarine jusqu’à la trouée de Bulle ;
-          une position des Alpes ou réduit national qui sera flanquée, à l’est, à l’ouest et au sud, par les forteresses, englobées, de Sargans, de St-Maurice et du Gotthard.
 
Les missions dévolues à ces trois échelons de résistance seront les suivantes :
-          celle des troupes frontières sera maintenue ;
-          la position avancée ou de couverture barrera les axes de pénétration vers l’intérieur du pays ;
-          les troupes de la position des Alpes, ou réduit national, tiendront, sans esprit de recul, avec des approvisionnements constitués pour une durée maximum.
 
Entre ces trois échelons, le système défensif intermédiaire comportera des points d’appui de défense antichars, constituant autant de réduits ou de nids de résistance, gardés sur tous les fronts. Leurs méthodes de combats s’inspireront de celles de la guérilla, ainsi que des plus récents enseignements de la guerre.
En cas d’irruption de blindés à l’intérieur de nos positions, la défense antichars devra être assumée ou reprise à n’importe quelle profondeur, avec la même efficacité et la même rapidité.
En plus de ces points d’appui, le système de défense intermédiaire comportera un jeu profond de destructions, qui sera complété dans la zone comprise entre la position de couverture et le réduit national.
Cette défense intermédiaire sera dévolue, suivant les zones :
-          à des détachements légers ;
-          à des troupes territoriales mobilisant dans la région et agissant en coopération avec les gardes locales.
 
VI. Ce nouveau dispositif de défense aura pour conséquence inévitable le maintien sur place de la population civile. Des évacuations partielles pourront, sans doute, être ordonnées par le commandement local suivant les circonstances.
Mais il importe avant tout que la population ne reflue, en aucun cas, vers le réduit national, où elle compromettrait le succès des opérations et ne disposerait pas d’approvisionnement suffisants.
 
VII. La mise en œuvre du nouveau dispositif comportera diverses opérations :
-          regroupement partiel des internés ;
-          regroupement simultané des unités d’armée dans les zones avoisinant le réduit national, où l’instruction sera entreprise selon les enseignements les plus récents ;
-          regroupement des troupes destinées à la position de couverture ;
-          travaux de fortification sur la position du réduit national.
 
VIII. Le nouveau dispositif pourra être achevé au début du mois d’août.
En dépit des difficultés que cette opération comporte, toutes mesures utiles seront prises pour assurer la continuité de la défense pendant cette période de regroupement.
 
Le Général :
Signé : GUISAN.
 
http://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Guisan
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