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3 décembre 2007 1 03 /12 /décembre /2007 13:31
La porte s’ouvrit et je reçu un peigne. Donc, on finit par les obtenir, les affaires, même si c’est seulement au compte goutte. Je dis immédiatement que je désirais mes cigarettes qui étaient avec mes affaires. « Demain seulement les commandes ». Et vlan la porte était fermée. Les contacts avec les flics et les gardiens doivent être rapides et agressifs si on veut avoir une chance d’être écouté. Les pauvres, ils sont tout de même surchargés ! Mais c’est bizarre : pour t’observer par le judas, et pour l’interrogatoire, ils prennent tout leur temps !
 
Je me rends compte combien les premiers jours d’arrestation doivent être durs pour des personnes ne parlant pas l’allemand, certainement un double martyre, et d’autant plus qu’elles ne peuvent pas écrire à un avocat. L’avocat, voilà, je devais écrire à un avocat : le choix n’est pas difficile, je ne connais qu’un nom, même pas une adresse. Mais je décidai d’attendre car je n’avais qu’une feuille de papier, que je conservais comme un trésor, et dont je ne voulais pas me séparer sans faute. Je pris la décision de demander au prochain interrogatoire l’adresse de l’avocat. Je n’utilisai le papier que pour établir le calendrier des jours passés ; je reconstituai jour par jour, et ainsi s’écoulait la journée.
 
Vendredi 26 mars 1975
 
Pour la première fois je demandai des cigarettes, au cas où je pourrais disposer de mon argent, dans le cas contraire, je désirais celles qui se trouvaient dans mes affaires. Par la même occasion je demandai si je pouvais avoir quelque chose à lire, si possible un quotidien. On me répondit qu’on me procurerait de la lecture et j’obtins effectivement « Frau im Spiegel » de 1972, un roman-photo (complètement débile) et un exemplaire du « Nebelspalter » de 1973. Tout ce qu’il y avait d’intéressant dans ces revues c’était les commentaires, les appels, les cris et les noms des prisonniers. Chaque place libre, non imprimée des journaux en était remplie. J’y mis également du mien.
 
En plus j’obtins le même jour encore deux feuilles de papier. Quelle débauche ! Une feuille fut utilisée pour l’élaboration d’un mots-croisés, ce qui me permettait de faire fonctionner ma matière grise, et enfin pendant une à deux heures je pensais à quelques choses d’autre qu’à la prison.
 
Et, quelle chance, je fus appelée pour une douche ! On sortit de la cellule, on passa par l’étage, et on se rendit à la cave. Il y avait là une immense salle de douche. J’étais seule et enfermée. On m’avait fourni « gratis » du shampoing, et une savonnette qui puait tellement que je me lavai avec le shampoing. J’avais quinze minutes et j’en jouis comme un pacha. La douche me détendait incroyablement, indépendamment du fait qu’elle était plus qu’urgente. C’était ce qu’on m’avait offert de mieux depuis mon arrestation et cela me remontait fortement le moral.
De retour en cellule, je demandai au gardien s’il ne pouvait pas me donner des affaires propres et si je pouvais laver les miennes quelque part (ce gardien, le plus bas dans la hiérarchie, était avec moi d’une amabilité particulière, cependant je le soupçonnais d’être l’un des voyeurs perpétuels). Pendant qu’il tirait des habits hors d’une armoire je pus enfin lire ce qui était écrit sur un des billets rouges et blancs : « attention, danger de fuite ; transport seulement menottes aux poignets ; toujours deux hommes ». Alors c’était ça ! Le gardien me donna les affaires et je fis bien attention en remontant les escaliers et comptai sept billets, mais je n’étais bien sûr pas certaine de les avoir tous vus.
Les heurs suivantes je les passai à me coiffer, c’est-à-dire à m’arracher les cheveux absolument emmêlés. Je ne les avais pas peignés depuis une semaine. Je crois que je dus en arracher plus qu’il n’en restait sur la tête et je continuai les jours suivants à les perdre par paquet.
 
Après le dîner on m’apporta un paquet en plastique d’eau savonneuse et je pus faire tremper mes affaires. Plus tard, je pus me rendre à l’étage à un grand bassin pour les rincer. Je le fis comme un escargot pour gaspiller le plus de temps possible, et lorsque le gardien retourna à l’étage inférieur, je me glissai vers une cellule à billet rouge et blanc. Ceci me renseigna ; c’était bien des camarades. Cependant parmi eux je n’aurais jamais pensé que « ce camarade » finirait en prison, c’est-à-dire en lien avec moi. Je passai le reste de la journée abattue et déprimée, et je n’arrivais pas à me défaire de ces pensées.
à suivre...
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