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27 mars 2008 4 27 /03 /mars /2008 12:29

« Je suis né le 25 octobre 1767, à Lausanne, en Suisse, d’Henriette de Chandieu, d’une ancienne famille française réfugiée dans le pays de Vaud pour cause de religion, et de Juste Constant de Rebecque, colonel dans un régiment suisse au service de Hollande. Ma mère mourut en couches, huit jours après ma naissance. »

C’est ainsi que Benjamin Constant, dans Le Cahier rouge, commence le récit de sa vie. Orphelin de mère, faible de santé, choyé par un père singulier et une famille attentive, il annonça très tôt des dons remarquables. Ils amènent son père à diriger lui-même, avec générosité et maladresse, entre le Pays de Vaud et les Pays-Bas, une éducation qu’il veut princièrement libérale.

 

En 1777, Benjamin écrit une lettre à sa grand-mère. Il a 10 ans. Ci-dessous, la lettre et pour comprendre celle-ci, quelques mots d’explication.

 

Lettre adressée à ; La Générale Constant de Rebecque, à Lausanne.

Bruxelles : Benjamin y séjourne avec son précepteur d’alors, M. Duplessis, moine défroqué et converti.

Grand-maman : le général Samuel Constant de Rebecque, baron d’Hermenches (1676-1756), avait épousé Rose de Saussure de Bercher (1698-1782). Juste (1726-1812) était leur troisième enfant.

Au Désert : domaine appartenant à Juste, à l’ouest de Lausanne (Prilly).

Le bois : des falaises boisées dominent le Désert ; la générale aimait à bâtir et à planter.

Flessingue : la garnison de Juste.

La lettre est signée : Benjamin.

 

Bruxelles, le 24 [septembre ?] 1777

 

Ma chère et excellentissime grand-maman, c’est avec un véritable transport que je vous écris parce que je suis sûr que mes nouvelles vous feront plaisir, et que vous agréerez les vœux que je fais pour votre conservation. Ce n’est pas seulement dans cette circonstance, mais dans tous les instants de ma vie, le matin, le soir, le jour, la nuit, quand je dors, quand je veille. Je suis bien sûr que nous nous rencontrons souvent, car vous m’avez autorisé par vos bontés à me flatter que vous vous occupez beaucoup de moi et de mon bonheur. Je sais par papa que vous êtes encore au Désert passablement bien portante ; mais ce n’est pas assez, je voudrais que vous fussiez parfaitement bien, comme moi par exemple. Faisons un arrangement, ma chère grand-maman : prenez un peu de ma santé et donnez-moi en échange dix de vos années. Je gagnerais à ce troc, j’aurais plus de raison, et ayant appris le latin et le grec et tout ce qu’il faut savoir, je vivrais avec vous et vous m’enseigneriez des choses plus essentielles ; car que m’importe ce que les anciens ont pensé, je ne dois pas vivre avec eux. Aussi je crois que je les planterais là dès que je serai en âge de vivre avec des vivants.

Je vois quelquefois ici une jeune Anglaise de mon âge que je préfère à Cicéron, Sénèque, etc… elle m’apprend Ovide qu’elle n’a jamais lu et dont elle n’a jamais ouï parler, mais je le trouve entièrement dans ses yeux. J’ai fait pour elle un petit roman dont je vous envoie les premières pages, s’il vous plaît vous aurez le reste. Je voudrais bien voir toutes les jolies choses que vous avez faites au Désert et courir avec vous dans le bois. Mon endroit favori serait sûrement le Mangeron ; ce nom réveille mon appétit et vous savez que je suis gourmand. Après quoi j’irais rêver à Belle Ombre ; mais ce que j’aimerais encore mieux serait de faire des songes avec vous : c’est ce que j’ai le mieux retenu parce que cela était plus de mon goût. Je ne vous parlerai de ma vie et de mes occupations ici que pour vous dire que la première est mêlée de plaisirs et de peines, et que les autres vont tantôt mal, mais que cependant l’on est content de moi. Papa est venu passer un mois avec moi. Il est retourné à Flessingue ; j’ai été bien fâché de le voir partir par un si mauvais temps pour un si vilain endroit. Adieu, ma très chère et très excellentissime grand-maman ; je voudrais être dans vos bras.

 

Hé, hé, hé, voilà une lettre bien tracée pour un garçon de dix ans.

il y en aura d'autres...

Benjamin

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