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8 décembre 2007 6 08 /12 /décembre /2007 17:32
Ce jour-ci il n’y avait pas d’interrogatoire. J’épluchais donc le journal, passant des souffrances indicibles et des maladies aux divorces de la clique princière internationale, je lus le roman-photo à l’eau de rose et le « Nebelspalter » réactionnaire. La colère était ainsi à nouveau attisée : cette littérature merdique qui appartient au processus d’abrutissement renforçait en moi l’esprit de résistance, d’autant plus que j’ai conscience d’appartenir aux privilégiés qui ont déjà fui depuis longtemps cette machine d’abrutissement du peuple. Seulement maintenant je le comprends concrètement. Tu ne peux que penser à tous les prisonniers qui devraient s’édifier à partir de ces lectures ; même s’il s’agit de voleurs ou de criminels dans le sens traditionnel, ils ne pourraient tirer qu’une conclusion à partir de ces lectures : nous volerons mieux la prochaine fois car c’est la marque de voiture XY qui est à la mode.
 
Et là tu renonces définitivement à faire une déposition quand on te la demande, car tu perçois clairement : il n’y a rien de commun entre toi et cet appareil d’Etat, avec ses flics et tout ce système ; tout compromis, tout fléchissement n’est qu’une trahison de ta propre conscience, de la cause commune. Et dès cet instant je commençai à dominer en quelque sorte la situation.
 
Mais ça m’avait pris toute une semaine ! Il m’apparaissait avec évidence que je devais aller aux interrogatoires non plus passivement mais activement, que je devais penser à une stratégie – pour laquelle en priorité rien ne devait affaiblir ma capacité de résistance retrouvée, que je devais compter totalement sur moi-même, et pourtant que je devais donner l’impression d’être intéressée à une discussion – car c’était, c’est du moins ce que j’imaginais, la seule possibilité pour le moment d’apprendre quelque chose sur les autres. Ainsi donner l’apparence de l’hésitation en ce qui concerne le refus de déposer, pour ainsi rester dans la course, mais ne pas déposer. Cette stratégie me paraissait pour l’instant la seule acceptable, car je savais que même si j’obtenais un avocat, je n’aurais jamais pu m’entretenir seule avec lui.
 
Je ne pourrais pas prétendre ne plus avoir eu dès cet instant de dépression, de maux de tête, de moments de désespoir, avoir trouvé la journée en cellule moins désagréable, ou trouver que le temps passait plus vite. Non, la situation extérieure restait la même mais je ne la subissais plus totalement, je parvenais à avoir une certaine suite dans les idées, une certaine logique. Je me regardais un peu d’en haut ; je me représentais comme un être qui devait maintenant prouver si tout cela n’était qu’une blague ou un engagement politique sérieux, et par la même occasion je voulais aussi tester si j’étais vraiment une « femme ». C’est dans cet état d’esprit que je me trouvais lorsqu’au matin du…
 
Jeudi 27 mars 1975
 
… on vint me chercher pour m’interroger. Je vis les flics sous un autre jour. Leurs tentatives les rendaient désespérés : mais déposez donc s’il vous plait, c’est pour votre bien, puisque vos amis ont tout reconnu, où étiez-vous le 1er mars (ah, ah, vous ne le savez pas, mais nous, nous le savons), où étiez-vous le 12 mars (ah bon, vous ne le savez pas, mais nous, nous étions avec vous à Lugano), ah vous ne connaissez pas ces adresses, vous ne voulez rien en dire ? Ah, ha, nous on les connaît les gens. Oui, depuis six mois ils vous ont hébergée ici, et vous étiez tout d’abord ici et puis là… etc.
 
Ayant obtenu beaucoup d’informations mais sans avoir avoué quelque chose (et sur le ton de la conversation je m’étais renseignée sur le Vietnam et le Portugal – et on m’avait même répondu !) j’ai regagné ma cellule.
 
Mais vraisemblablement les flics avaient tout à coup compris que je ne jouais pas leur jeu, car le même jour je fus « invitée » à un « entretien » sans protocole par un flic de la police fédérale. J’étais déjà couchée quand on vint me chercher et on m’emmena directement dans une « salle d’interrogatoire ». On m’enferma d’abord dans la pièce, j’ai eu le temps d’étudier et d’admirer les « œuvres » des détenus. Puis une homme entra : jeune, gentil, dynamique – et je pensai que c’était l’avocat. Mon œil ! Le monsieur se présenta en qualité de policier fédéral. Tiens, je pensais un flic de la RFA. Mais non un de la police fédérale suisse. Il disait être venu sans mauvaises intentions. Pas de protocole, pas d’interrogatoires, rien qu’un entretien pour faire connaissance, pour discuter avec moi, apprendre quelque chose de ma vie. Comme nous étions du même âge, on aurait par conséquent pas mal de choses en commun. Mon instinct me disait de me tenir sur mes gardes : je pensais aux portugais, eux, ils étaient interrogés alternativement par de « méchants » et de « gentils » flics, dans les cas où les détenus ne disaient rien du tout ! Prends garde, alors !
 
Au début, ce type montrait aussi cet intérêt humain que tous les hommes d’affaires portent à leur partenaire d’affaires avant de signer un contrat avantageux. Ces gens, je les connaissais depuis des années : tout est bien étudié, c’est-à-dire, seul le succès compte. C’est pourquoi les hommes d’affaires couchent même avec les femmes les plus « moches » de leur chef.
 
Mais je n’étais pas encore tout à fait convaincue des intentions de ce monsieur. Tout de même, on a bien causé une bonne heure ensemble – j’ai accepté la première cigarette – et je la fumai avec plaisir, quoique nerveusement.
 
Il est très, très facile de tomber dans ce piège après avoir été traité de la façon la plus infâme pendant une longue semaine et que tout pue la taule et le désespoir. Et puis il y a quand même un homme cultivé en face de toi qui te parle de la victoire du vietcong, du régime fasciste au Chili et en Espagne, de la pauvreté dans le midi italien. Une telle situation est très dangereuse, et on peut tomber dans le panneau. Là, il est facile de se laisser prendre, on peut avoir envie de vider son sac, auprès d’un type du même âge, « intelligent » et compréhensif à la fois. Un type comme celui-ci travaille sur la base du tâtonnement mutuel afin de frapper dur et sans pitié au bon moment.
à suivre...
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4 décembre 2007 2 04 /12 /décembre /2007 19:34
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Le 3 décembre 2007, entrait, Monsieur Ricardo Lumengo, dans l’un des lieux les plus conservateur de la Suisse, le Conseil national. Premier citoyen de couleur, il était suivi par de nombreux journalistes. Élu le 21 octobre dernier, le socialiste est sollicité par les médias du monde entier. Force est de constater qu’un ancien requérant d’asile angolais, fascine bien au-delà de nos petites frontières. Curieux les journaux des pays voisins et lointains, vont regarder de près ce que peut M. Lumengo face aux nombreux élus de l’UDC.
Il est dit dans nos journaux que M. Lumengo a reçu une lettre de félicitation de la part de Jesse Jackson, l’une des figures du mouvement de droits civiques aux Etats-Unis. Je ne peux que féliciter l’engagement de cet homme qui va devoir lutter contre cette droite qui pose problème à beaucoup.

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3 décembre 2007 1 03 /12 /décembre /2007 13:31
La porte s’ouvrit et je reçu un peigne. Donc, on finit par les obtenir, les affaires, même si c’est seulement au compte goutte. Je dis immédiatement que je désirais mes cigarettes qui étaient avec mes affaires. « Demain seulement les commandes ». Et vlan la porte était fermée. Les contacts avec les flics et les gardiens doivent être rapides et agressifs si on veut avoir une chance d’être écouté. Les pauvres, ils sont tout de même surchargés ! Mais c’est bizarre : pour t’observer par le judas, et pour l’interrogatoire, ils prennent tout leur temps !
 
Je me rends compte combien les premiers jours d’arrestation doivent être durs pour des personnes ne parlant pas l’allemand, certainement un double martyre, et d’autant plus qu’elles ne peuvent pas écrire à un avocat. L’avocat, voilà, je devais écrire à un avocat : le choix n’est pas difficile, je ne connais qu’un nom, même pas une adresse. Mais je décidai d’attendre car je n’avais qu’une feuille de papier, que je conservais comme un trésor, et dont je ne voulais pas me séparer sans faute. Je pris la décision de demander au prochain interrogatoire l’adresse de l’avocat. Je n’utilisai le papier que pour établir le calendrier des jours passés ; je reconstituai jour par jour, et ainsi s’écoulait la journée.
 
Vendredi 26 mars 1975
 
Pour la première fois je demandai des cigarettes, au cas où je pourrais disposer de mon argent, dans le cas contraire, je désirais celles qui se trouvaient dans mes affaires. Par la même occasion je demandai si je pouvais avoir quelque chose à lire, si possible un quotidien. On me répondit qu’on me procurerait de la lecture et j’obtins effectivement « Frau im Spiegel » de 1972, un roman-photo (complètement débile) et un exemplaire du « Nebelspalter » de 1973. Tout ce qu’il y avait d’intéressant dans ces revues c’était les commentaires, les appels, les cris et les noms des prisonniers. Chaque place libre, non imprimée des journaux en était remplie. J’y mis également du mien.
 
En plus j’obtins le même jour encore deux feuilles de papier. Quelle débauche ! Une feuille fut utilisée pour l’élaboration d’un mots-croisés, ce qui me permettait de faire fonctionner ma matière grise, et enfin pendant une à deux heures je pensais à quelques choses d’autre qu’à la prison.
 
Et, quelle chance, je fus appelée pour une douche ! On sortit de la cellule, on passa par l’étage, et on se rendit à la cave. Il y avait là une immense salle de douche. J’étais seule et enfermée. On m’avait fourni « gratis » du shampoing, et une savonnette qui puait tellement que je me lavai avec le shampoing. J’avais quinze minutes et j’en jouis comme un pacha. La douche me détendait incroyablement, indépendamment du fait qu’elle était plus qu’urgente. C’était ce qu’on m’avait offert de mieux depuis mon arrestation et cela me remontait fortement le moral.
De retour en cellule, je demandai au gardien s’il ne pouvait pas me donner des affaires propres et si je pouvais laver les miennes quelque part (ce gardien, le plus bas dans la hiérarchie, était avec moi d’une amabilité particulière, cependant je le soupçonnais d’être l’un des voyeurs perpétuels). Pendant qu’il tirait des habits hors d’une armoire je pus enfin lire ce qui était écrit sur un des billets rouges et blancs : « attention, danger de fuite ; transport seulement menottes aux poignets ; toujours deux hommes ». Alors c’était ça ! Le gardien me donna les affaires et je fis bien attention en remontant les escaliers et comptai sept billets, mais je n’étais bien sûr pas certaine de les avoir tous vus.
Les heurs suivantes je les passai à me coiffer, c’est-à-dire à m’arracher les cheveux absolument emmêlés. Je ne les avais pas peignés depuis une semaine. Je crois que je dus en arracher plus qu’il n’en restait sur la tête et je continuai les jours suivants à les perdre par paquet.
 
Après le dîner on m’apporta un paquet en plastique d’eau savonneuse et je pus faire tremper mes affaires. Plus tard, je pus me rendre à l’étage à un grand bassin pour les rincer. Je le fis comme un escargot pour gaspiller le plus de temps possible, et lorsque le gardien retourna à l’étage inférieur, je me glissai vers une cellule à billet rouge et blanc. Ceci me renseigna ; c’était bien des camarades. Cependant parmi eux je n’aurais jamais pensé que « ce camarade » finirait en prison, c’est-à-dire en lien avec moi. Je passai le reste de la journée abattue et déprimée, et je n’arrivais pas à me défaire de ces pensées.
à suivre...
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22 novembre 2007 4 22 /11 /novembre /2007 15:13
Mardi 25 mars 1975
Lorsqu’on m’apporta le bol de café, je dis ce que je désirais. Le gardien prit note. Maintenant seulement je remarquais que c’était la routine de la prison, dont j’ignorais tout jusqu’alors, et pour cause : on avait pris soin de me la dissimuler. Après deux heures environ, le gardien revint me disant que je ne pouvais rien acheter, n’ayant pas assez d’argent ; avant que j’ai eu le temps de répondre, la porte était refermée ; immédiatement j’ai voulu sonner – mais je me souvins : « ne jamais sonner, ne jamais parler ». Pourquoi donc le flic disait-il que je n’avais pas d’argent ? J’en avais pourtant non de Dieu et c’était même noté dans le procès-verbal. Encore un truc pour que tu te soumettes, pour te rendre faible. Et ça n’a aucun sens d’en parler au gardien, n’est-ce pas ?
 
J’étais assez furieuse et déçue, depuis hier je m’étais tant préparée à fumer, à écrire et à me laver ; je me rappelai que lors de mon arrestation j’avais un paquet de cigarettes « nazionali » et des allumettes, et qu’ils devaient au moins me rendre ça. Je décidai de les leur demander, et ce fut de nouveau l’interrogatoire.
 
C’était chaque fois d’autres flics qui venaient me chercher et me ramenaient, je ne voyais aucun visage plus d’une fois. Au cours de l’interrogatoire je me rendis compte qu’ils connaissaient toutes les adresses où j’avais habité à Zurich, ils avaient donc bien plus de renseignements que je ne le pensais. Ils citèrent pour la première fois les noms d’autres personnes, je refusai toute déposition. Puis je leur dis que je n’avais pas pu effectuer mes achats car il n’y avait – parait-il – pas d’argent. On répliqua « nous allons étudier ça » ; et je fus reconduite à travers les couloirs à ma cellule.
 
Depuis les escaliers je remarquai que des fiches rouges et blanches étaient accrochées aux cellules. Mais je ne pus les lire ; la porte claqua derrière moi. Plus tard un flic m’amena une minuscule brosse à dents (si petite qu’elle pourrait figurer au musée), du dentifrice, une feuille de papier à lettre, une enveloppe et un crayon. Il me dit que la question de l’argent devait être examinée, que les affaires de toilette étaient mises exceptionnellement à ma disposition, que le papier à lettre était gratuit et qu’il y aurait des cigarettes seulement quand l’argent serait de retour. Et vlan ! la porte est refermée.
C’était déjà quelque chose ; je commençai tout de suite à me laver les dents mais bien vite du sang coula dans la cuvette. Une réflexion traversa ma tête : Les fiches rouges et blanches accrochées aux portes des cellules indiquent les cellules des camarades arrêtés. J’essayai de reconstituer combien j’en avais vu, au moins quatre et au plus six. Je décidai de compter exactement lors du prochain interrogatoire, et surtout d’essayer de lire ce qui était écrit. Lors du déjeuner, je remarquai que le japonais n’avait pas de fiche.
 
Avec le crayon, je griffonnai des slogans contre le mur et avec la fourchette je cochai le jour. J’utilisai aussi la vis pour graver des slogans sur la porte, sur le sol, le radiateur, toujours en prenant soin d’écouter les pas et les bruissements au judas.
 
Il neigeait et quand on était pas près de la colonne de chauffage il faisait vraiment froid. J’entendais régulièrement l’ouverture des cellules, beaucoup de pas, de trépignements dans les escaliers. Ma porte fut également ouverte et on me demanda si je désirais aller me promener. Avant que j’ai pu dire oui, le gardien me fit remarquer : « mais vous aurez les menottes », alors je répondis : « non je ne veux pas » ; et avant que j’ai eu le temps d’y réfléchir, la porte s’était refermée. D’un côté je me consolais car on devait crever de froid, et d’un autre c’était une faute car il est important de sortir, avec ou sans liens. C’est bon pour la santé, pour s’orienter, ça fait passer le temps.
Outre la continuelle incertitude du sort des autres camarades, ma nervosité générale, j’étais totalement isolée des informations politiques. Aucune idée de ce qui s’était passé ces derniers jours, et inutile de se creuser la tête. Et je savais aussi que ça n’avait aucun sens de se renseigner sur l’actualité auprès des flics ou des gardiens. Ils ne pourront pas toujours me garder cachée. Une fois un avocat viendra, bientôt mon fils remarquera ce qui s’est passé et ne lâchera pas tant qu’il n’aura pas pu me voir ; ou alors il ne pourra rien obtenir du tout car il est encore mineur : belle merde ! si seulement j’avais un parent majeur.
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16 novembre 2007 5 16 /11 /novembre /2007 21:55
En revenant à la cellule, je voulus vérifier cela auprès d’un gardien – naturellement il n’y avait personne. Le flic claqua la porte, et je commençai à repenser à cet interrogatoire. Je n’avais pas appris grand-chose, ils avaient fait une foule d’allusions et toujours répété « parlez, nous savons déjà tout ». Mais on ne m’avait posé que des questions concrètes et d’ordre général : des dates, les motifs de mon voyage en Suisse, mes amis, etc. On ne m’apprit rien au sujet d’autres camarades arrêtés.
 
L’heure du déjeuner était arrivé, nous « passâmes à table ». Il y avait huit cellules, de même qu’aux autres étages (excepté au rez-de-chaussée). Les gardiens ouvraient toujours plusieurs portes en même temps afin que nous allions chercher les assiettes ; c’est ainsi que je pus voir d’autre détenus : un très jeune Japonais occupait la cellule juste à côté de la mienne avec un co-détenu suisse – ou allemand. On se salua amicalement. Un sentiment immédiat de solidarité passa au moyen de trois sourires. Jusqu’à présent je n’avais vu que des filles et des gardiens.
 
A cause de cet incident, j’oubliai de leur demander de m’acheter ce que je désirais. C’est là qu’on voit comment, après quelques jours seulement de détention, un simple imprévu t’éloigne de tes projets. Cela m’énerva et je décidai de faire plus attention. Ensuite, avec ma fourchette, je grattai un premier trait sous le nom de la femme que je connaissais, puis j’attendis le gardien qui devait venir chercher la vaisselle, pour lui demander de me faire ces achats. Lorsqu’il arriva je l’informai rapidement de ce que je voulais (je lui dis que j’avais l’autorisation d’obtenir ce dont j’avais besoin). Il me répondit que les achats ne pouvaient être commandés que le matin lors de la remise des écuelles. J’espérais que ce jour passerait vite puisque le lendemain je pourrais écrire, fumer, me laver et me coiffer. Bon, alors demain.
 
Ensuite je me souvins du Japonais, mon voisin de cellule, et je commençai à frapper à la paroi. Il répondit tout de suite, certainement au moyen de deux crayons, par un vrai concert de tambour bien rythmé. Je ne pus en faire autant.
 
Je continuai ensuite mes va-et-vient – il y avait ici aussi une colonne de chauffage. Je commençai à me regarder chaque fois que je passais devant le miroir : yeux enflés, nez rouge, cheveux totalement ébouriffés – dans le fond rien à voir avec un visage – bref, resplendissante. Aller et venir : à chaque pas s’écoulait une seconde, cinq va-et-vient dans la cellule signifiaient une minute – chaque grincement de frein du tram signifiait environ dix minutes écoulées.
 
Mes pensées recommençaient à tourner – entre-temps, quelques larmes coulaient – mais je me ressaisissais. Si seulement le temps n’était pas si monotone. Lorsqu’un détenu sonnait, j’essayais, d’écouter, mais en vain. J’entendais des pas, un bruit de clefs, puis souvent aussitôt un claquement de porte. Cela signifiait vraisemblablement que la demande du détenu n’avait pas été acceptée. Le claquement de porte – qui faisait jouir les gardiens et auquel les jeunes avaient particulièrement recours – était un maillon psychologique prévu pour t’achever.
 
D’ailleurs on s’y habitue vite, quand il s’agit de sa propre porte, mais on tressaute chaque fois qu’une autre porte est claquée, car on n’y est pas préparé.
 
Dans cette seconde cellule, les draps de papier avaient été remplacés par des draps de lin. Une fois la vaisselle retirée, je fis immédiatement mon lit. Comme je n’avais pas de chemise de nuit, je dormais nue, ce qui dans les draps de papier était un plaisir douteux, parce que collant ! Je me réjouissais maintenant des draps propres. En me déshabillant, après avoir tourné le dos au judas, je vis tout à coup des têtes de soldats qui s’étaient agglutinés le nez contre la vitre, dans la cage d’escaliers de la maison d’en face. J’étais furieuse. Déshabillée, je me rendis à la fenêtre et leur montrai le poing, plus en signe de menace qu’en salut. Le groupe se dispersa rapidement. Mais à partir de ce moment apparaissaient chaque jour, le matin, à midi, le soir, de nouveaux types curieux qui observaient la cellule ; ainsi il était clair que l’on était contrôlés autant par la porte que par la fenêtre. Il ne manquait que ça. Dès ce jour, je me déshabillai après que la lumière soit éteinte ; la lumière de la cage d’escalier dans la caserne arrivait directement sur mon lit ; à ceci aussi je m’habituai. Je frappai encore une fois pour appeler le Japonais, puis je me glissai dans les draps en me réjouissant des cigarettes.
 
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14 novembre 2007 3 14 /11 /novembre /2007 16:02
Un point est actuellement très clair pour moi, mais lorsque je commençai à y penser, ce jour-là, mes idées étaient encore vagues. Je voyais la nécessité (dont nous avions aussi souvent parlé) de reconstituer justement les premiers jours de taule, d’en faire une description « pratique », qui puisse servir à élaborer une stratégie visant au refus de déposer. Et pendant que je me rappelais nos conversations à ce propos, je me proposai d’examiner tout ce que je voyais aussi exactement que possible et avec objectivité, dans l’espoir que d’autres puissent en faire quelque chose. Si seulement j’avais un crayon et du papier…
 
C’est ainsi que se termina cette journée, encore une ; je n’avais qu’une petite idée du déroulement de la journée : 5 heures 30 réveil et lumière, 6 heures déjeuner, 7 heures contrôle de la cellule, 11 heures dîner, 17 heures souper, 22 heures extinction des feux.
 
Dimanche 23 mars 1975
 
Je commençai la journée par la gymnastique : quelques flexions des genoux ; mais je sentis tout de suite dans mon dos que des yeux étrangers m’observaient et cela me dérangeait ! Alors pas de gymnastique – je pourrais peut-être la faire après l’extinction des feux, le soir. Ensuite je me mis à chanter, pas très fort, mais aussitôt dehors quelqu’un frappa violemment à ma porte et un type gueula : « Interdit de chanter ici ». J’inspectai le contenu de l’armoire murale mais à part de la margarine rance il n’y avait rien. Je savais que c’était dimanche et qu’il n’y aurait aucun interrogatoire. Je commençais à souffrir de ma crasse. Rien pour se laver, ni pour se brosser les dents.
 
Est-ce qu’on avait bien averti quelqu’un de mon arrestation ? Mais qui donc ? Je commençai à me promener inquiète toujours avec les mêmes pensées, toujours avec l’espoir d’arriver à saisir comment ils m’avaient attrapée. Je m’assis à nouveau sur les couvertures, je regardai par la fenêtre, attendant que les heures passent. Mais que c’était long ! Je n’avais aucune pensée constructive. Dans une attente passive, je percevais l’atmosphère, je suivais la tombée du jour. Il y avait les interruptions fixes des repas. Tout cela n’avait aucun sens ; pas le moindre instant de joie. Cette lourde monotonie de la cellule, c’était comme l’orphelinat ; les mêmes sentiments me dominaient. Mais pendant les années que j’avais passées à l’orphelinat j’avais eu plus peur, je n’avais aucun moyen de défense ni aucune espérance qu’il y ait quelque chose d’autre dans la vie. Ce sentiment je l’avais eu aussi chaque fois que j’étais entrée dans un hôpital ou lorsque j’avais vu une chaîne de montage.
 
De ces réflexions je conclus que des gens ayant des expériences précises (orphelinat, hôpital de troisième classe, travailleurs) devaient réaliser mieux l’atmosphère de la taule. Mais il faut y penser sans cesse, sinon cette expérience n’aide pas.
Lorsqu’un flic m’annonça mon transfert, j’eus de la peine à en prendre conscience et la peur me saisit. C’est déjà moche comme ça ; ça peut être pire, pense-t-on. La peur devant l’inconnu est toujours présente, et cela me rappelait aussi les réactions que j’avais comme enfant chaque fois que j’entrais dans une nouvelle institution.
 
 
Lundi 24 mars 1975
 
Je ne serais pas transférée – on m’amena seulement au troisième étage du bâtiment. Je voyais maintenant, pour la première fois seulement, toute l’étendue de la prison : les gigantesques escaliers de métal, comme suspendus (afin qu’à chaque instant et de n’importe quel endroit la cage d’escalier soit contrôlable), la quantité de portes menant aux cellules. Derrière chaque porte il y avait quelqu’un dans le même pétrin, davantage ou moins, avec les mêmes problèmes des premiers jours.
 
La première impression positive de la nouvelle cellule : la lumière du jour était plus forte que la lumière électrique et c’était un léger soulagement ; la cellule était beaucoup plus propre, la fenêtre était plus basse, je pouvais voir dehors et apercevoir une partie du ciel, ainsi qu’un bout de la rivière et de la rue et évidemment la cage d’escalier de la caserne. Les dimensions et l’orientation de la cellule étaient les mêmes.
 
Pour la première fois j’avais quelque chose à faire : différentes écritures, noms et dates à déchiffrer. Je comptai les jours des prisonniers précédents, de toutes nationalités : le record était de vingt-sept jours. Je tressaillis à la pensée des vingt-sept jours, ce serait absolument impossible à supporter aussi longtemps que de vivre dans ce trou.
 
Avec la fermeture de mon soutien-gorge, je réussis également à retirer une vis et je m’approchai de la fenêtre pour y faire une légère incision ; ensuite je pus lire (écrit tout petit) le nom d’une femme : « suis ici depuis vendredi 3 heures », suivaient quatre traits. Je connaissais le nom de cette femme. J’avais maintenant la certitude absolue qu’ils avaient arrêté d’autres personnes et cela seulement quelques heures après mon arrestation. Cette femme a été transférée et je suis dans sa cellule.
 
A peine remise de ma frayeur, je fus appelée pour l’interrogatoire. Lorsque je fus dans le bureau, je dis que je voulais avant tout connaître mes droits – notamment en ce qui concerne les contacts avec l’avocat et les possibilités d’avertir ma famille – et que j’avais besoin d’affaires de toilette. On me répondit seulement que l’on parlerait de tout ça après l’interrogatoire.
L’interrogatoire commença immédiatement. Je n’énumérerai pas ici les questions – cela dura longtemps. Je refusai de faire toute déposition. On me dit ensuite que je pourrais écrire à un avocat et que si j’avais de l’argent je pouvais aussi m’acheter des cigarettes. Je m’étonnai de cette remarque « si vous avez de l’argent », car le flic qui m’interrogeait savait parfaitement que j’avais trente francs sur moi lors de l’arrestation ; j’appris seulement plus tard pourquoi il avait ajouté cela. Je fis remarquer qu’après cinq nuits et quatre jours j’avais besoin d’un savon et d’un peigne. On me rétorqua que je pourrais tout acheter au gardien.
à suivre...
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11 novembre 2007 7 11 /11 /novembre /2007 15:28
Samedi 22 mars 1975
Mes cris incessants et incontrôlables furent interrompus deux fois. Une première fois lorsque le doigt montra le signal du petit-déjeuner ; j’avais encore assez de force pour m’interdire de hurler devant les flics ; entre mes larmes, je vis la pièce enfumée et la porte de la cellule ouverte, complètement carbonisée. Même la paroi claire en dessus de la porte était noircie par la fumée. Je m’interrompis une deuxième fois lorsqu’on m’emmena chez le procureur à travers le labyrinthe des couloirs, puis en ascenseur, au cinquième étage. Je me traînais le long de ce chemin, et en arrivant, je fus saisie d’un accès d’éternuement. Le procureur se présenta, un type ultra bien mis, chétif mais avec une assurance presque paternaliste et était d’une amabilité correcte. Un de ses collaborateurs était également présent, Monsieur Richards, celui qui était venu me chercher dans la cellule.
Le procureur me notifia ma détention. Il me fit un petit discours qui devait être une routine pour lui car il n’élevait jamais la voix. Je n’en saisis que des bribes, il parla presque sept minutes ; de tout cela je ne retins que le fait d’être accusée de transport d’armes, ce qui relève ici de délits en matière d’explosifs. Je n’avais aucune chance d’être libérée provisoirement à cause des risques de collusion et de fuite. Un avocat pourrait être engagé mais n’aurait aucun accès au dossier et je ne pourrais faire appel à un avocat étranger que si ce « Monsieur » était admis aux tribunaux d’ici. Ensuite il me demanda de prendre position au sujet de l’accusation. Je dis que je rejetais l’accusation et refusais toute déclaration. Dans la même phrase j’ajoutais : « j’ai à déclarer que cette nuit une femme s’était brûlée vive dans la cellule numéro trois ». Là-dessus Monsieur Richards intervint : « Ce n’est pas vrai ce qu’elle dit, personne ne s’est brûlé ici ».
 
C’en était trop pour moi : je recommençai à hurler, mais de rage cette fois. Le juge dit : « Oui, oui, c’est compréhensible que cette femme soit un peu déboussolée ici. Si vous avez quelque chose à déclarer vous n’avez qu’à appeler Monsieur. C’est ainsi que se termina la conversation. En retournant à ma cellule, Monsieur Richards me dit : « Savez-vous, ce qui s’est passé avec cette femme ; hier après-midi elle s’est particulièrement bien comportée pendant son interrogatoire, elle a bien collaboré avec nous. Comme récompense elle a pu prendre des cigarettes et des allumettes dans sa cellule. C’est comme ça qu’elle s’est brûlée ; mais il ne lui est presque rien arrivé ». De retour dans ma cellule, un doute : peut-être que toute l’affaire a été montée intentionnellement, du théâtre pour me faire faiblir, moi ou d’autres ? Dans ce cas, Richards ne serait pas un menteur : « Déposition signifie récompense ». C’était gros mais bien visé.
Moi j’entendais toujours les cris – qui provenaient de la peur – et tout était encore enfumé. De toute façon j’étais encore sous l’effet du choc qui, bien qu’il se dissipât, me décourageait ; je me sentais anéantie. Cela ressemblait à une grave dépression. Je n’avais plus physiquement la force de parcourir ma cellule. J’étais terriblement fatiguée, j’avais froid, et j’avais pris une sale grippe. Je n’arrivais plus à retrouver ma cohérence psychique et physique : les impressions proprement extérieures, le froid, la lumière continuellement éblouissante, la brutalité de la situation n’était ni abordées, ni contrôlées par ma conscience, la dépression avait pris le dessus.
 
Je pris les couvertures et l’oreiller du lit et les posai devant ma colonne chauffante sur le sol. Je m’accroupis, accablée, sans vraiment me laisser aller. Je ne cherchais pas du tout à retenir mes larmes, je n’avais plus rien à me dire. L’angoisse me dominait. Je fixais un coin de paroi, la couleur jaune sale prenait la forme de petits visages et de rictus se transformant sans liens ni sens. Les plaques de rouille qui se détachaient de la porte de métal devenaient des apparitions. Partout où je regardais, cela s’animait : des choses se recroquevillaient, se défaisaient, revenaient à nouveau, les mêmes, ou d’autres.
 
Je commençai à avoir peur, je fixai les détails de façon plus exacte – je savais pourtant que ce n’étaient que des combinaisons de couleur – mais les figures ne disparaissaient pas, ce n’était pas de la couleur mais des êtres vivants qui avaient leur existence propre. Ils grouillaient tout autour de moi, puis se tenaient tranquilles ; ensuite ils disparaissaient les uns dans les autres et réapparaissaient à nouveau l’un après l’autre. L’angoisse augmenta – je ne voulais plus voir – je fermai les yeux – mais ça scintillait malgré tout devant moi – même avec les yeux fermés, je voyais les figures et les grimaces passagère. Bien qu’ayant peur d’elles ou peur de moi-même, malgré mon désir de les chasser, je les fixais pourtant et je contrôlais sans cesse si elles étaient encore là, si elles étaient réalité. Cela dura des heures, me torturant, me ligotant.
 
J’étais dans un état proche du sommeil, avec un minimum de conscience pour pouvoir entendre les pas au dehors : car c’était sûrement interdit de s’asseoir sur les couvertures sur le sol. Je combattais aussi l’assoupissement. J’étais en proie à l’apathie, et ces états revinrent les jours suivants, mais jamais aussi forts que lors de ce troisième jour de mon expérience de la taule. Je souhaitais l’arrivée du soir pour pouvoir me coucher sur mon lit et l’heure où la lumière s’éteindrait. Mais ma notion du temps était très confuse et ma volonté très faible. Je regardais à nouveau devant moi sur le sol – cette fois il n’y avait plus de figures mais je lis une grande phrase : « Faites de la gymnastique, chantez des chansons révolutionnaires » - c’était écrit exactement devant moi. C’était réellement là – et ce fut pour moi une sorte de salut, c’est-à-dire cela mit un peu d’ordre dans mon équilibre personnel et me donna l’occasion de penser à d’autres prisonniers.
 
Devant mes yeux émergeait une foule de gens. Je vis Ognibene dans la salle du tribunal avec les poings liés mais levés. Il riait. Je vis Marini – poings liés et levés, sérieux. Je vis Pulido Valente, après dix ans de taule, les poings levés, dans une manif sur les routes de Lisbonne. Je vis les camarades d’Iran, de Palestine. Je pensai aux prisons pleines de la RFA. J’entendis Samora Machel : « Envoyez-nous des radios, boycottez les valets de l’impérialisme ». Je vis les dernières images des combattants Vietcong, les champs devenus désertiques, les femmes avec leurs enfants sur le dos. Je retrouvai de nouveau les mots des camarades espagnols tous condamnés à la prison à vie : « ne venez pas nous chercher, continuez dehors, c’est seulement comme ça que nous en finirons avec la torture, les prisons, les morts ». Et enfin je parvins un peu à me dominer, mais pas au point de réussir à critiquer mon pitoyable comportement.
 
Et tout de même je me levai et me mis à superposer couvertures, oreiller, draps et en dernier ma veste, tout cela sous la fenêtre. De là, sur la pointe des pieds, je pouvais apercevoir un peu du « dehors ». Je vis un bout de la cour de la caserne, les voitures des flics, le mur opposé des bâtiments. Ce n’était pas une vue édifiante, mon intérêt se dissipa rapidement. Je désirais de façon urgente un grattoir. C’est alors que je découvris les vis du miroir de métal. Comment parvenir à retirer une vis ? Tout d’abord j’essayais bêtement avec l’ongle, puis avec une languette en cuir de mes chaussures, mais c’était trop mou, puis j’ai pensé à la fermeture de mon soutien-gorge, alors j’ai réussi à tirer la vis. Cela représentait un minuscule progrès. J’étais très content et heureuse ; j’utilisais cette arme à écrire le jour même et le jour suivant. Je remarquai alors combien il est difficile de graver et combien cela fait mal à la main. Je consacrai de nombreuses heures à un ineffaçable « morte ai fascisti ».
Je désirais instamment quelque chose à lire. Je pensais à l’autre femme – qui sait comment elle se sent, comment elle tue le temps. Pour combattre ma tristesse, je pensais avant tout aux gens pour qui cela allait plus mal encore que pour moi. Je n’osais pas penser aux personnes qui m’étaient les plus proches, aux bons moments, etc. L’idée de les « consommer » en pensée m’angoissait, et je savais que j’aurais encore beaucoup de temps plus tard pour le faire. D’ailleurs, je me comporte aujourd’hui encore de cette façon).
à suivre...
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8 novembre 2007 4 08 /11 /novembre /2007 15:33
A nouveau on me demanda mon nom, mes lieux et date de naissance et ceux de mes parents ; je répondis. Vraisemblablement, ils répètent toujours les mêmes questions, pour voir si tu déclines toujours la même identité – mais peut-être n’est-ce que simple routine bureaucratique. Un flic me regarda et me décrivit ensuite à son collègue en « argot  de flic », l’autre tapait les indications à la machine : couleur des yeux, cheveux (on demande et contrôle s’ils sont teints) forme du nez, de la bouche et du lobe de l’oreille, visage (c’est-à-dire couleur de la peau). Ensuite ce sont les mesures et la description du corps. Puis viennent les empreintes digitales – une procédure interminable d’environ une heure. De chaque doigt des deux mains, puis de la partie gauche et droite des deux mains, on prend cinq empreintes, à partir d’une encre chaque fois renouvelée. Le doigt ou la main sont appliqués sur une masse enduite de couleur noire, puis, guidés par le flic, sont roulés sur le papier. Ensuite on reçoit un savon vert, avec lequel on essaye tant bien que mal de se nettoyer.
Entre temps, le télex crachait des données. Manifestement, il n’arrivait aucune réponse des endroits où l’on s’était adressé. Je dus répéter mes coordonnées, tout épeler. Le flic suait et jurait. Naturellement je ne comprenais pas vraiment ce qui se passait. C’est alors que je vis sur le bureau, une photo de moi en compagnie d’un autre type. Elle avait été prise lors d’une rencontre datant de deux ou trois semaines. Mes genoux en tremblaient – diable, cela ne pouvait tout simplement pas être vrai.
 
Déjà on me traînait devant le photographe. Près de lui un seul ornement mural : une reproduction d’une photo très connue où l’on voit un anarchiste, violemment immobilisé par huit ou neuf flics français, afin d’être photographié – je ne me souvenais pas du nom du révolutionnaire. En revanche, me revenait sans cesse en mémoire le visage de Carmen Roll, puis cette photo de moi et de ce type. On prit de moi une photo de face, deux de profil et un portrait en pied. Puis je revins machinalement à la cellule. Mes yeux pleuraient et me faisaient mal, je m’étais giclée avec le savon vert.
J’essayai de passer en revue les quelques jours qui s’étaient écoulés depuis qu’on avait pris cette photo de moi et de l’autre type – je me remis à marcher de long en large, regrettant de ne pas avoir un crayon et du papier pour au moins établir un calendrier rétrospectif. Je commençai par le matin du jeudi 20 jusqu’au moment de mon arrestation ; ensuite je tentai de reconstituer le mercredi. Mais mes efforts ne me menèrent pas loin, car de nouveau apparut un flic : un signe du doigt, le labyrinthe, à nouveau la police criminelle – ah oui ! le procureur de la Confédération ! Non, pas le procureur, de nouveau les photos. Le photographe me grogna grossièrement : « nous ne pouvons rien faire des clichés. Vous ne devez pas bouger. Détendez la bouche, ouvrez les yeux, regardez l’objectif. » Je dis qu’il ne s’agissait pas d’une feinte, mais d’un truc de savon qu’il m’était entré dans l’œil… Je ne pouvais pas les ouvrir. On refit toutes les photos.
 
Lorsque je me retrouvai en cellule, je m’interdis catégoriquement de penser à autre chose qu’au refus de déposer, car d’un moment à l’autre le procureur de la Confédération pouvait arriver. Je continuai à me persuader : fermer sa gueule, simplement, mécaniquement ; c’est réglé depuis longtemps et ça a déjà été discuté maintes fois ; ne pas parler, ne rien avouer, même si cela semble vain : d’autres y sont parvenus, je dois y parvenir aussi. Chaque déposition a ses conséquences : si ce n’est pas pour moi, c’est pour les autres. Je me répétai cela continuellement et lorsque la porte s’ouvrit, je me précipitai, pensant que le procureur de la Confédération venait d’arriver – mais déjà la porte s’était refermée.
 
Je m’appuyai à nouveau contre la colonne du chauffage ; j’avais perdu tout sens du temps. Je me sentais seulement misérable à crier, à vomir. J’entendais des portes qu’on ouvrait et fermait, des bruits de clefs, du tapage. Entre temps, toujours des chasses d’eau tirées violemment, parfois des coups de pied contre la porte de ma cellule. J’entendais les freins des trams et le trafic des voitures. De nouveau des bruits d’assiettes et de clefs : fin du souper, potage et repas. J’entendis l’horloge d’une église : cinq coups ; c’est donc 5 heures ! Rendre la vaisselle, tirer le lit, s’étendre. J’étais complètement épuisée – heureusement que j’étais vraiment fatiguée.
 
Mais la lumière qui avait brûlé toute la journée, empêchant toute détente, dérangeait aussi, bien sûr, lorsqu’on fermait les yeux sous les draps. Et même si, à partir d’une certaine heure, elle s’éteignait, on n’arrivait pas à s’endormir. Il y avait des bruits de toutes sortes, très aigus et très forts. À un certain moment, j’eus l’impression d’entendre la voix d’une personne connue – je ne pouvais pas me permettre de l’appeler par son nom. Un flic aurait pu m’entendre et reconnaître ma voix, il pourrait se retourner aussitôt contre moi, ou contre la personne que j’aurais appelée dans le cas où elle était réellement là. Alors, silenzio. Pourtant je me mis quand même à appeler, hurlant le nom du caniche qu’elle avait. Je le fis deux fois, puis une botte frappa contre la porte de ma cellule – il y avait donc un flic au dehors. Bon, silenzio assoluto.
 
Mais les bruits continuaient : des coups, des cris, des chasses d’eau, des sirènes de voitures de flics, des sifflets, des appels, les chants de prières d’un musulman… Je dois m’être endormis juste au moment où la lumière s’est rallumée ! Le papier devant le petit trou a bougé. Après quelques minutes, la lumière s’était éteinte à nouveau…
 
Vers le matin, alors que le jour pointait, j’entendis des pleurs contenus, d’une femme sans doute. Ils ne venaient pas de loin. Ces pleurs, d’abord faibles, devinrent vite plus forts et se gonflèrent jusqu’à devenir une énorme plainte. C’était cruel. Ces sanglots étaient entrecoupés d’appels à l’aide, de paroles incompréhensibles et étouffées, venus des profondeurs.
 
Soudain, ce fut l’enfer, tout le monde se mit à taper avec leurs pieds ou avec des manches à balai ; les détenus sonnaient et criaient. Évidemment cette panique naissante se communiquait d’une cellule à l’autre. La femme continuait à pousser des cris, toujours plus stridents, et parallèlement le bruit augmentait, venant d’autres cellules. J’arrive mal à décrire ce qui se passe dans pareils moments. J’essaye de ne pas me laisser prendre par l’angoisse commune, de rester indifférente, d’imaginer ce que la femme pouvait bien avoir – peut-être un accès de colère incontrôlé. Ce qui se déroule là en peu de minutes, se greffe donc comme une peur qui paralyse tes cinq sens.
 
Le grabuge était tel qu’on ne s’aperçut même pas de la venue des flics et des gardiens. Et ce n’est que lorsque la lumière s’alluma qu’on remarqua que quelqu’un était là. Avec la lumière, toutes les voix se turent d’un coup, sauf celle de la femme qui poussait des cris de désespoir toujours plus perçants. Le reste se passa exactement devant la porte de ma cellule : Des va-et-vient, des bruits de portes, de draps et de papiers, de seaux, le cri de douleur de la femme, les jurons des gardiens. Les cris étaient devenus des gémissements entrecoupés de lamentations et durèrent environ dix bonnes minutes. Enfin je compris que la femme s’était brûlée vive et sa cellule avait pris feu, la fumée entrait même dans ma cellule par le judas condamné. Naturellement je ne pouvais rien voir, mais j’entendis tout de suite qu’on l’emmenait dehors. Cet événement provoqua en moi une sorte de choc. Cela me prit lentement mais sûrement.
 
Durant la scène j’avais suivi la situation en retenant mon souffle « en position de défense ». Par la suite, c’est toute une reconstitution de la situation qui se déroula en moi. La femme aurait pu à la limite périr, personne parmi nous – impuissants dans nos cellules verrouillées – n’aurait pu faire quoi que ce soit pour elle. Elle doit avoir été dans un désespoir atroce pour en arriver à se brûler vive. 
Mes nerfs cédèrent : cramponnée à ma colonne, je hurlais sans retenue et cela me déchargeait bien plus que la simple prise de conscience de mon impuissance à intervenir dans cette foutue taule.
à suivre...
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5 novembre 2007 1 05 /11 /novembre /2007 16:25
Vendredi 21 mars 1975
 
Je m’habillai et me recouchai sur le lit, la tête sous le drap. J’avais peu dormi, mais profondément, et j’étais encore somnolente. La porte s’ouvrit. Un visage soigné et arrogant ainsi qu’un doigt m’indiquaient une direction : cela signifiait que je devais y aller. Ah ! Devant la porte de la cellule, il y avait une table avec quelques écuelles contenant du café au lait. Je reçus une tranche de pain noir et un « emballage hôtel » de confiture, et je me retrouvai à nouveau seule dans la cellule. Le café au lait était tiède et plein de peau – le premier jour, on ne peut pas l’avaler.
 
Pour la première fois, j’examinai systématiquement la cellule. La fenêtre était très haute : impossible de regarder dehors. La table fixée à la paroi et le banc me rappelaient les représentations médiévales du cachot. Tout était en métal brut. La cellule, d’environ quatre mètres de haut, était étroite et couverte de slogans, de noms et de dates gravées. Je la mesurai en pas : environ trois mètres cinquante de long (sept petits pas), et deux mètres de large. Juste derrière la porte, les WC, l’évier et le lit. De l’autre côté, une armoire murale petite mais très haute. Au toucher, je reconnus un rouleau de papier WC, un paquet de bandes hygiéniques et un gobelet de plastique. Ah, ah, pensais-je, une cellule de femme. La fenêtre, une imposte fermée par des barres de fer, s’ouvrait et se fermait au moyen d’une tringle qui y était suspendue.
 
La porte s’ouvrit : un nouveau visage – le gardien-chef ? Il grogna : « Pourquoi n’avez-vous pas fait le lit ? ». Je ne l’avais pas fait car je n’avais pas la moindre idée du temps disponible, et je le lui dis. J’eus droit à une explication : plier les couvertures et les draps, rabattre le lit, le fermer (une cheville de métal s’enfile dans la fermeture murale), tout ranger par-dessus, avec l’oreiller. Tout faire, y compris la mise en ordre de la cellule, jusqu’à sept heures au plus tard et ne pas oublier de balayer, (pour cela on m’indiqua la balayette et la pelle à ordures qui se trouvaient derrière les WC – comme si on avait pu les trouver soi-même). La cellule comptait en outre une étroite table basculante, un banc rabattable et un miroir métallique (complètement tailladé de noms et de slogans) qui me renvoyait mon image ondulée, comme les miroirs déformants dans les baraques foraines. Il n’y avait pas d’interrupteur. Dans la porte : un judas d’au moins un centimètre et demi de diamètre, à travers lequel je voyais distinctement une partie de la porte d’entrée du couloir, - parfois je voyais le gardien – et une fois un prisonnier avec une jambe dans le plâtre.
 
Dans la cellule il faisait très froid. J’avais un pantalon, un pull et la « veste de fourrure » que durant les quarante jours suivants je n’enlevai pratiquement plus. Et je grelottais. Au coin de la porte se dressait une épaisse colonne émaillée de deux mètres de hauteur : le tuyau du chauffage. Ce tuyau devint mon refuge, ma deuxième épine dorsale : je pris l’habitude de m’y chauffer les mains, le dos, le ventre et le nez et d’y rester plantée des heures. Mais je passais l’essentiel de mon temps à marcher de long en large. J’essayais de réfléchir à nouveau de façon « ordonnée », mais le carrousel des pensées se remettait en marche et je ne réussissais même pas à mener au bout une seule pensée. Il était clair que j’étais en taule, qu’ils avaient mon nom et que l’autre femme aussi était enfermée (peut-être dans la même prison ?). J’essayais alors de regarder par le judas à chaque bruit du « dehors » ; mais très vite j’entendis la voix d’un flic (voix que j’entendis souvent par la suite) : « Mais elle regarde dehors, couvrez donc le trou ». Et déjà le trou était inutilisable.
 
Il ne me restait que les oreilles.
Je ne pouvais me décider à rabattre la table et le banc et à m’asseoir. Mais pourquoi ? Il est vrai que j’étais fatiguée, mais l’idée de m’y asseoir en somnolant me répugnait ; je le voyais sans doute comme une façon d’accepter déjà une partie des règles de la captivité. En outre, je n’avais absolument rien : ni morceau de papier, ni crayon, ni livre, ni journal – ni rien avec quoi j’aurais pu graver la paroi, le plancher ou le miroir. Mais qu’utilisent donc les autres prisonniers pour graver tous ces slogans ?
 
Il y avait une sonnette dans la cellule, j’entendais que les sonnettes étaient fréquemment utilisées, et je me demandais ce que les prisonniers pouvaient bien exiger ou demander lorsqu’ils sonnaient le gardien. Je me disais quoiqu’il en soit je ne mettrai jamais la main à cette sonnette, en aucune circonstance je ne sonnerai un gardien (il en fut ainsi jusqu’à aujourd’hui sans que je sache pourquoi ; c’est simplement le refus de cette institution en général, à ce que je crois).
 
J’entendis des bruits de vaisselle. Ma porte s’ouvrit. A nouveau, on m’indiqua l’extérieur du doigt ; à nouveau je me dirigeai vers la table et remarquai à cette occasion qu’à ce dernier sous-sol il n’y avait que trois cellules. Je reçus une écuelle de soupe, une assiette de je ne sais quel mets indéfinissable, et cette fois j’eus aussi une fourchette. Grâce à elle, je gravai pour la première fois un petit trait sous le rebord de la fenêtre. Je mangeai de la soupe, car elle était chaude. A part un peu de soupe je n’avalai plus rien durant les quarante jours suivants, mais cela je ne le savais pas encore, à ce premier repas au cachot. Environ vingt minutes plus tard, on ramassa les assiettes, écuelles et services.
Pour ce « repas », j’avais bien entendu rabattu la table et le banc, mais maintenant je recommençais à marcher de long en large. Très régulièrement, j’étais observée par le judas. Alors que je n’entendais pas les pas qui, de l’extérieur, s’approchaient de la porte de la cellule, je remarquais le glissement de la feuille de papier qu’on avait agrafée de l’extérieur devant le judas. Le fait d’être sans cesse observée m’empêcha d’abord naturellement d’utiliser les toilettes. Et puis je sentais le besoin pressant d’une brosse à dents – mais ce besoin disparut bientôt, comme l’envie d’une cigarette.
 
Soudain je fut arrachée à mes pensées, qui ne me laissaient aucun répit : la porte s’ouvrit, l’inévitable index de flic m’indiquait la direction. En sortant du cachot, on m’emmena par un corridor où passaient même des civils – puis, en bas, on repassa par le labyrinthe de la nuit précédente. On allait sans doute chez le procureur de la Confédération. Déjà je me réprimandais : tu ne t’es pas concertée sur le refus de parler, simplement ne cède pas ; ne prononce pas le moindre mot, ne dis rien. En même temps, j’essayais de m’imprégner du labyrinthe, puis des couloirs et des escaliers – jusqu’à ce que nous fassions halte devant une section appelée « service des identifications ». Ah, ah ! Donc pas de procureur. D’ici, au moins, je jouissais de la vue de maisons, d’arbres et de neige, le soleil brillait. De plus il faisait chaud. J’étais dans un bureau, ou plutôt dans la pièce stérilisée genre laboratoire, tout autour : des télex ou appareils semblables. Les flics portaient des blouses blanches.
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2 novembre 2007 5 02 /11 /novembre /2007 16:58
Gonzague de Reynold

Voilà un homme qui fut ébloui par le fascisme de Mussolini et probablement par les dictatures, si peu qu’elles soient autoritaires. Pourquoi ? Il faudrait lire tous les écrits de Gonzague de Reynold, ils sont nombreux, pour se faire une idée de la personnalité et de sa pensée.
Mais faut-il vraiment bien connaître l’homme quand on sait qu’il était dans la Ligue du Gothard ?  Là, les « Grands Bourgeois » intellectuels de renoms, prônaient la résistance à tout prix et un gouvernement autoritaire ; pouvaient-ils être suivi par le peuple ?
Qu’en dit le Dictionnaire historique de la Suisse ?
Gothard, Ligue du
La Ligue du Gothard fut fondée le 30 juin 1940 par un groupe d'hommes de tendances politiques et de courants de pensée divers, issus pour la plupart de la grande bourgeoisie et préoccupés par l'état d'esprit du peuple suisse à la suite de l'encerclement du pays par les puissances de l'Axe. Elle se réclamait, dans ses statuts, de la tradition chrétienne de la Confédération et excluait les juifs et les francs-maçons. Elle avait pour but de renforcer la volonté de défense nationale et de dépasser les conflits d'intérêt. Au moyen de conférences de presse, de soirées patriotiques, d'assemblées, de cours, d'annonces, d'affiches et de brochures, les quelque 8000 membres, organisés en groupes locaux et cantonaux, militaient pour la prise en charge collective des responsabilités sociales, comme l'extension des cultures (plan Wahlen), la protection de la famille, la prévoyance pour les personnes âgées et la création d'emplois. A leur programme figurait aussi l'instauration d'une démocratie autoritaire, une organisation corporative de l'économie et une révision du système politique. En 1951, les activités se concentrèrent sur le plan national. Les principaux problèmes de l'après-guerre furent abordés dans plus de 300 lettres ouvertes qui proposaient des solutions face aux nouveaux défis de la société. La Ligue fut dissoute en 1969.

Il n’est pas certain que la Ligue du Gothard ait été une bonne chose pour le pays. J’aurais aimé une liste des membres de la Ligue du Gothard ; pour savoir qui étaient issus des partis de Gauche ? Probablement un ou deux dans l’ensemble, peut-être des « convertis » à la nouvelle donne.
Vous aurez noté qu’il fallait être d’ascendance chrétienne, ne pas être juif ni franc-maçon. Et certainement ne pas être communiste, socialiste, ni anarchiste ou libre penseur pour être accepté dans la Ligue.  
Ce qui est étonnant dans la perception qu’avaient les membres bourgeois de la Ligue du Gothard, de leurs valeurs du moment, étaient celles d’un Hitler, à peu de choses près.
Imaginons qu’un gouvernement tel qu’il était pensé et proposé aux membres de la Ligue, arrive en place en 1941 et que, par le hasard d’une lubie hitlérienne, les troupes nazies soient à nos frontières et qu’ils les franchissent ; à part l’armée Suisse qui aurait du, sur tous les fronts, sur toutes la longueur de la frontière, livrer un combat de résistance pathétique. Une fois l’armée ruinée, plus aucune résistance, mais un gouvernement et une économie offertes clé en main à Hitler qui n’aurait rien eu à changé, puisque la Ligue du Gothard aurait fait le boulot.
 
Non seulement la Suisse est à l’origine du « J » sur les passeports des ressortissants de confession Judaïque, mais la Ligue aurait trouvé les hommes et les femmes qui auraient certainement montré aux nouveaux maîtres où étaient les francs-maçons et les Juifs du pays, comme probablement où étaient les socialistes et les communistes.
On sait que tous les industriels d’Allemagne ont soutenu les Nazis, ils virent la relance économique et que la Grande Bourgeoisie Allemande, retrouvait elle aussi un nouveau statut, la vieille noblesse Allemande retrouvait elle ce quelle avait perdu auparavant. « Pourquoi pas en Suisse ? », devaient se dire les fondateurs de la Ligue du Gothard.
Denis de Rougemont, l’un des fondateurs a été prié de quitter la Suisse pour les Etats-Unis pour une « mission de conférences », il s’agissait là plus d’un retrait qu’une promotion.  
La Suisse préféra « collaboré » avec le régime de Hitler que de résister comme le suggérait la Ligue, ce qui n’était pas forcément le plus judicieux. Une troisième voie était-elle possible, mais laquelle ? Ces hommes de qualités se sont-ils trompés, fourvoyés au point de montrer la part d’ombre qu’ils avaient en eux ? Probablement, car malgré cet épisode de la Ligue du Gothard ils n’en reste pas moins que Gonzague de Reynold et Denis de Rougemont furent des grands penseurs de notre temps.
 Reynold-200.jpg
medium-rero0003.jpgDenis de Rougemont
Théophile Spoerri professeur de littérature Zurich, co-fondateur avec Denis de Rougemont, de la Ligue du Gothard. (pas trouvé de photo)
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