Treuga Domini, la Trêve de Dieu !
Comment appliquer cette trêve qui consiste à respecter certains jours de l’année comme : Noël, Vendredi-Saint, Pâques et les dimanches ? Passé l’an 1000, les troubles du passage du millénaire et du changement de dynastie au sein de l’Empire où l’on se massacrait facilement et pillait volontiers partout, exigeait le calme à la sérénité de l’Eglise.
Au environ de 1041, l’évêque de Lausanne Henri de Lenzbourg sur ordre du pape Benoît IX convoque les archevêques de Vienne et de Besançon, prélats de la Transjurane au Mont Rond (la colline de Montriond) les évêques de Bâle, de Bellay, de Genève, de Maurienne, d’Aoste, de Sion et de Tarentaise, de nombreux autres dignitaires de l’Eglise et les principaux seigneurs du pays.
Les sources taries, les archives antérieures au XIIIe siècle ayant presque toutes disparu il est difficile de connaître l’ordre du jour à par la Trêve de Dieu, de ce qu’il s’est dit, mais comme une tentative avait déjà été proclamée au synode de Verdun (1021), voici une transcription de celle-ci :
« Écoutez, chrétiens, le pacte de la paix. Vous jurez de ne point attaquer l’Eglise, ni le clerc, ni le moine inoffensif ; de ne point enlever ce qui lui appartient légitimement ; de ne point saisir le paysan ni la paysanne, ni le serf ni le marchand ambulant : vous ne les rançonnerez ni ne les maltraiterez. Vous promettez de ne point incendier les chaumières et les châteaux, à moins que vous n’y trouviez votre ennemi à cheval et tout armé ; de ne point brûler ni saccager les récoltes et les fruits de la terre ; de ne point enlever au laboureur le bœuf ou le cheval de sa charrue, et vous ne les blesserez point.
« Vous ne prendrez point à gage un voleur connu comme tel ; vous ne protégerez point l’homme qui violerait la paix jurée. Vous respecterez l’asile sacré accordé aux autels et l’immunité de l’Eglise.
« Enfin, vous n’attaquerez point votre ennemi armé ou désarmé pendant le temps consacré à la trêve de Dieu. »
Quant à l’étendue de la trêve, telle que nous l’indique le « Cartulaire », elle fut fixée de façon à ne laisser pour la guerre qu’un quart de l’année : la trêve s’étendait en effet sur 44 jours à l’époque de Noël et 71 à celle de Pâques ; en outre, chaque semaine, du mercredi au coucher du soleil au lundi à son lever, ce que l’Eglise justifiait ainsi : « Trêve le jeudi en souvenir de l’Ascension de Notre Seigneur, le vendredi en souvenir de ses souffrances, le samedi en souvenir de sa mise au tombeau et le dimanche en souvenir de sa résurrection ».
Le synode de Montriond est l’un des derniers rassemblements pour instaurer la Paix de Dieu et l’on peut imaginer son influence car elle se propagea peu à peu en Angleterre, en Belgique, en Allemagne, pour pénétrer jusque dans le droit coutumier, comme on peut s’en convaincre en lisant le code de lois dit « Miroir de Souabe » qui régissait plusieurs des provinces de l’ancienne Bourgogne : « Il sont IV jors en la semaine qui sont plus forts que li autre. C’est li Joudi, Vanredi, Sambadi et la Dimoinge. Ces IV jors doit chascon avoir paix et tranquillité. Cil qui farait outrage et forfait à ces jors, on ne le doit guerantir, c’est droit ».
GTel - Grandes Heures de Lausanne, Jean Hugli