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29 juillet 2017 6 29 /07 /juillet /2017 15:25

LES SEILER ET ZERMATT

Ils sont si nombreux. Non seulement des pionniers de l’hôtellerie, ils ont ouvert le Valais au reste du monde.

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Alexandre, fondateur de cette dynastie, a eu seize enfants. Il nous faudra numéroter les Alexandre et les Joseph, pour tenter de nous y retrouver, comme dans les familles royales.

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L’histoire de cette famille est liée à Zermatt et à la vedette du lieu : le Cervin.

Alexandre Seiler est un fils de famille nombreuse. Il naît à Blitzingen dans la vallée de Conches (Goms) en 1819 et, comme César Ritz, issu de la même vallée, il mène une existence de chevrier pendant son enfance.

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Vers l’âge de 20 ans, il va chercher fortune dans les Allemagnes, où il s’initie à la fabrication de chandelles et du savon.

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Il rentre au pays. En 1845, à Sion, il ouvre une petite fabrique de savon et de bougies, avec l’aide de deux de ses frères : Joseph, prêtre et professeur au collège de Brigue, et Franz, notaire à Blitizingen. N’ayant pas de circuit de distribution, il se fait colporteur de ses produits qu’il vend la hotte sur le dos.

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Les affaires ne sont pas fameuses. Alexandre se voit refuser l’exclusivité du savon et de la bougie qu’il demande au Conseil d’Etat du Valais.

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Déjà, il plaide avec vigueur le développement d’industries locales, pour maintenir sur place les habitants des vallées. Mais le canton est déchiré par d’âpres luttes politiques. Les temps sont durs et les magistrats ont la vue courte.

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Alexandre poursuit sa petite affaire, tant bien que mal. Sur l’hôtellerie, il n’a, pour le moment pas la moindre idée.

Son frère Joseph, devenu entre-temps vicaire de Zermatt, dans une lettre à Alexandre, parle des beautés de la nature alpestre, de son envie de faire connaître davantage cet obscur hameau au pied du Cervin, hameau inconnu même de la majorité des Valaisans.

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Joseph propose une association : construisons ensemble un petit hôtel, sur la terrasse du Riffelberg, face au Cervin. Alexandre n’est pas convaincu du tout. Il préfère ses chandelles et son savon. Il lui faudra trois ans pour se décider à visiter son original de frère. Il remonte le cours de la Viège, la hotte pleine, beaucoup plus pour prospecter la vallée que pour vérifier les descriptions lyriques de Joseph.

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Mais il y a le Cervin, fascinant monument. Ce monstre, le panorama qui l’entoure, le bouleversent. Il oublie son savon, comprend son frère, s’installe au hameau avec sa jeune épouse Catherine, née Cathrein, qui sera l’âme de sa grande famille et de toutes ses initiatives. Il décide de transformer Zermatt et de le faire connaître au monde. Il s’aperçoit bien vite que le principal écueil sera d’ordre psychologique. Comme le père Badrutt, en Engadine, Alexandre est un étranger.

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Bien que son frère Joseph soit vicaire de la paroisse, la population de Zermatt est sur la défensive, pour ne pas dire prête à attaquer : de quel droit cet homme de la plaine va-t-il se mêler du destin de l’endroit ?

Alexandre décide de commencer prudemment, par toutes petites étapes. Il ne risquera jamais plus qu’il est sûr de pouvoir réaliser. Son premier hôtel est une minuscule auberge appartenant au samaritain du village, le « docteur » Lauber. Une superbe enseigne, qu’Alexandre peint lui-même, annonce « Hôtel Monte-Rosa ». Elle comporte en tout trois chambres à louer.

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Nous sommes en 1853. L’année suivante, Alexandre prend la gestion du petit hôtel du Riffel, dont Joseph parle depuis des années. Cette modeste construction, située à 2565 mètres, est l’œuvre de trois notables de la contrée, véritables précurseurs eux aussi. Parallèlement, il achète le Monte-Rosa et l’agrandit dans une première étape à la capacité de trente-cinq lits.

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Dès lors, il est impossible de parler de la prospérité touristique de Zermatt et des Seiler, sans parler de l’alpinisme et de l’Angleterre.

Hôtel Monte-Rosa Zermatt

Hôtel Monte-Rosa Zermatt

Ici, l’histoire et un personnage important pour Seiler arrive : le Cervin. Un aparté important pour comprendre le poids du monument sur l’hôtellerie des Seiler.

A suivre...

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27 juillet 2017 4 27 /07 /juillet /2017 16:33

LA FAMILLE BON

Les Bon sont d’origine méridionale. De Provence en Alsace, puis de là jusqu’à Pfäfers, ils se sont promenés, exerçant nous ne savons trop, quel métier. Cependant, c’est déjà dans l’accueil qu’ils sont spécialisés, puisque dans ce vieux couvent de Pfäfers, on les retrouve au XIIe siècle assurant la fonction de protecteurs des pèlerins, puis de majordomes des princes-abbés.

 

Cette vieille famille se distingue des Ritz ou des Badrutt par toute une culture et une éducation de tradition. Anton Bon, chef de la dynastie, n’est pas un chevrier ou un marchand de chandelles. Il est le fils de Sébastien Bon, président de la commune de Ragaz. Il se destine aux études d’ingénieur. Sa réussite pourrait sembler plus facile, plus banale aussi, que celle d’autres pionniers, puisqu’il part de plus haut, mais l’universalité de ses dons en fait pourtant l’exemple même de ce que l’hôtellerie suisse à ses débuts suscita de génie créateur.

Il y avait aussi chez les Ritz toute une antique culture populaire ; on me dira que le père de César Ritz était aussi président de sa commune, mais enfin Anton Bon est tout de même mieux placé dans une famille de notables, moins éloignée des grands centres, plus bourgeoise donc que celle des Ritz.

 

La destinée de ce jeune homme est liée à celle d’un grand architecte dont nous parlerons plus en détail par la suite : Bernhard Simon. Ce vigoureux bâtisseur vient de louer des terrains appartenant au père d’Anton, Sébastien Bon. Il remarque le garçon, chez qui il devine un grand esprit d’entreprise, et comme il est en train de mûrir son grand projet de station thermale à Bad Ragaz, il l’engage, l’envoie à l’étranger apprendre les langues et s’initier aux grands problèmes hôteliers. De cette rencontre naîtra, pour Anton Bon, sa vocation.

On ne peut à la fois offrir une bonne table et un mauvais lit, un beau panorama et une vilaine chambre à coucher, être un rustre et converser avec Sa Majesté.

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Ainsi, après avoir quitté son protecteur pour s’installer à son compte au Splügen, col très fréquenté entre Bavière et l’Italie, et fréquenté par du beau monde qui se souviendra de lui, puis chassé du lieu par l’ouverture du Gothard en 1882, Anton Bon relance un hôtel chancelant avec maestria : le Righi-First. César Ritz aussi, en remontant le Righi-Kulm, faisait un coup de maître. Autre parallèle : c’est Pfyffer d’Altishofen, un architecte, qui remarqua le premier le jeune Ritz.

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Décidément, le lac des Quatre-Cantons est vraiment la mère patrie de ces messieurs les jeunes hôteliers.

Le premier bâtiment construit par Bon, avec les bénéfices du Righi-First, est à Vitznau. C’est une sorte de Château de Chillon, adossé à la montagne. Son architecture est décidée après des mois de voyages dans tous les lieux où vit sa future clientèle : la Ruhr, l’Angleterre et la France. C’est une véritable étude de marché qu’il fait, prenant ici et là les meilleurs éléments concernant les systèmes de chauffage et d’éclairage, la décoration, les matériaux.

 

Son idée, baroque et contournée pour un homme d’aujourd’hui, c’est le dépaysement, par de grandes baies vitrées notamment qui, pour la première fois dans l’histoire de l’architecture, font entrer le paysage à l’intérieur du bâtiment, associé au chez-soi parfaitement britannique, allemand ou français.

[Effet miroir, quand on est à l’hôtel, c’est le paysage que l’on voit et quand l’on est dans le paysage, c’est l’hôtel que l’on voit.]

Hôtel Park, Vitznau

Hôtel Park, Vitznau

Le Park, sur la droite, l'annexe est la piscine.

Le Park, sur la droite, l'annexe est la piscine.

Enfin, Bon considère que la culture générale, l’élégance dans l’accueil, l’éloquence même, et si possible polyglotte, sont les premières qualités à développer.

 

C’est aussi l’avis de César Ritz. Comme lui, Bon est bientôt appelé en consultation un peu partout, chaque fois que l’on construit, ouvre ou transforme un grand hôtel.

Ses enfants ont tous persévéré dans la carrière. Son troisième fils, Primus Bon, fut le roi du buffet de la Gare de Zurich, cette formidable machine de renom européen, où il est difficile de se rendre sans se demander si tel ou tel consommateur n’est pas un espion, et n’est pas en train de penser la même chose en vous dévisageant.

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De tous les pionniers, Primus Bon est un des derniers. Il avait pour cette épopée beaucoup de nostalgie, de choses à raconter.

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[Eh bien, le Buffet de la Gare de Zurich n’est peut-être plus aussi renommé qu’autrefois. A vérifier. Pour certains c’est déjà fini le Grand Buffet.]

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25 juillet 2017 2 25 /07 /juillet /2017 17:07

C’est l’un de ses fils, Caspar Badrutt, qui bâtira le Palace de Saint-Moritz. Pendant dix, il se penchera sur les plans de cette forteresse aux impressionnants soubassements.

Caspar Badrutt

Caspar Badrutt

On bâtit un nouvel hôtel, le futur « Vaisseau amiral »

On bâtit un nouvel hôtel, le futur « Vaisseau amiral »

La phase initiale du Palace.

La phase initiale du Palace.

Aujourd’hui avec ses annexes qui l’ont agrandi

Aujourd’hui avec ses annexes qui l’ont agrandi

Un autre frère Badrutt s’est distingué en poursuivant l’œuvre de son père dans le domaine des sports et de la musique : Hans Badrutt.

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Il fut l’initiateur des courses de chevaux sur le lac gelé, d’exploits d’aviateurs sur le même lac, de la fondation du Ski-Club Corviglia, de la création de la Cabane Andrea Badrutt. Il était passionné de musique et lança les « Semaines musicales » de Saint-Moritz. Le Palace, dont il s’occupa, était orné de tous les beaux meubles engadinois qu’il pouvait trouver, et sur le chapitre de la culture, on lui doit des efforts constants et vigoureux pour la défense et le maintien de la langue romanche.

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Il est mort à 77 ans, et ce sont actuellement ses deux fils qui poursuivent l’œuvre des trois générations précédentes. (en 1975)

Hans Badrutt

Hans Badrutt

Accédez au monde du luxe en visitant le site Badrutt’s Palace Saint-Moritz

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24 juillet 2017 1 24 /07 /juillet /2017 16:07

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LES BADRUTT ET SAINT-MORITZ

A la fin des guerres napoléoniennes, les Grisons viennent de perdre la Valteline. En échange, ils gagnent la sécurité en se rattachant à la Confédération. Cela, pour l’instant, se traduit par la disette, et la famine. C’est à cette époque, vers 1815, qu’on procède à ces cruels tirages au sort qui désignent une famille sur dix à l’exil obligatoire. Le sort tombe sur la famille de Johannes Badrutt I, modeste agriculteur et muletier du village de Pagig, dans la Schanfigg, entre Coire et Arosa. La petite tribu charge ses biens sur quelques mulets et monte vers l’Engadine. C’est une vallée à l’écart. Les autorités ne savent qu’inventer pour y encourager quelques activités. Elles vont jusqu’à offrir gratuitement des terrains et du bois de chauffage aux audacieux qui prendraient le risque d’y bâtir un hôtel. Mais nous savons bien que le spéculateur se méfiera toujours de ce qui est gratuit.

 

L’infortuné Badrutt et sa famille sont renvoyés de village en village. On n’accepte pas les mendiants, surtout des mendiants inconnus dans la vallée, qui fournit tout juste de quoi vivre aux indigènes. Le sens du clan est terriblement développé. Chaque vallée considère la vallée voisine comme un pays étranger, ce qui ne facilite guère l’établissement des errants.

Johannes Badrutt vivote comme journalier, à la manière d’un travailleur immigré : il est tourneur ici, peintre en bâtiment ailleurs. Habile maçon, il travaillera à la construction de quelques-unes de ces nobles maisons engadinoises, ornées au rez-de-chaussée de cette salle voûtée nommée Suler, et d’élégants graffiti sur les façades, notamment à Samedan. Il réussit même à monter une petite entreprise, bientôt acculée à la faillite. Johannes et son fils aîné, recommencent à zéro et décident de construire eux-mêmes un petit hôtel que toute la famille tentera de faire marcher. L’hôtel se nomme : « A la Vue du Bernina ».

C’est ce Johannes (il a pu suivre que quelques années l’école primaire à Chiavenna) qui va faire la fortune et le renom de la dynastie Badrutt. Homme de caractère forgé aux difficultés dès l’enfance, il commence par réussir son mariage. Il épouse en 1843, à l’âge de 24 ans, la fille d’un médecin de Coire, Marie Berry, qui lui donnera onze enfants. Il s’intéresse à Saint-Moritz, où il loue la Pension Faller, qu’il souhaite agrandir et transformer en véritable hôtel, après l’avoir achetée. Ce qui ne va pas sans mal, le propriétaire refusant de vendre à un étranger. C’est un landammann, Rudolph de Planta, qui l’aide financièrement et politiquement, persuadé qu’en visant Saint-Moritz, Johannes Badrutt II a vu juste.

 

C’est tout seul, la truelle à la main, que Johannes bâtit enfin sur ce haut pâturage à moutons l’Engadiner Klum, qui deviendra un des deux ou trois hauts lieux du tourisme alpin. Il lui reste maintenant à faire connaître l’endroit, dont l’accès est infiniment plus long et compliqué que la région d’Interlaken ou de Lucerne.

Johannes Badrutt

Johannes Badrutt

l’Engadiner Klum

l’Engadiner Klum

Le lien d’accès à l’Hôtel Klum à Saint-Moritz d’aujourd’hui, site en Anglais et en Allemand.

L’amorce de clientèle est bien sûr anglaise. Pour la plupart des messieurs, qui se sont entichés des Alpes suisses, après avoir flirté avec tout ce que l’Asie offrait à l’Empire de pics et de neiges éternelles.

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Quelques-uns de ces amateurs ont déjà découvert Saint-Moritz, mais ils ne s’y rendent qu’en été. C’est alors que Johannes impose une idée de génie, qui deviendra ce que l’on nomme aujourd’hui les sports d’hiver. Il sait que l’Engadine jouit d’un microclimat exceptionnel : l’ensoleillement et la sécheresse de l’air y sont uniques, notamment en hiver, qui n’est une saison morte que par l’ignorance et la méfiance du public. Un soir d’arrière-automne de 1866, Johannes boit un whisky au coin du feu, avec six derniers clients, tous britanniques. Il lance alors son fameux pari : « Messieurs, vous êtes mes invités pour l’hiver qui vient. Si le ciel d’Engadine est couvert pendant votre séjour, je m’engage à vous rembourser le voyage Londres-Saint-Moritz et retour. »

En janvier 1867, les six amis débarquent à Coire. Un traineau les attend, ils s’y installent et s’emmitouflent comme pour une expédition au Labrador. Ils remontent au son des grelots les vallées grises, humides et froides. Mais parvenus au col du Julier, le soleil d’Engadine est là, dans un ciel parfaitement pur. Les voyageurs transpirent sous leurs fourrures en descendant sur Saint-Moritz où Johannes les attend, en manches de chemise. L’année suivante, les six touristes ont raconté leur séjour à la moitié de l’Angleterre. Saint-Moritz est lancé. L’attraction dure toujours et n’est pas prête de cesser.

On peut considérer Johannes Badrutt II comme l’inventeur du tourisme d’hiver, mais cet homme complet a poursuivi l’idée bien plus loin. C’est à lui que l’on doit aussi l’introduction des loisirs d’hiver.

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Il lance la luge, la luge de vitesse. En aménageant une piste entre le village et Celerina, il en sortira la fameuse « Cresta Run », cette piste de bob que le monde entier connaîtra. Il fait construire une patinoire, et introduit en Suisse le jeu écossais du curling, aussi populaire parmi les Anglais que la boccia en Italie, ou la pétanque en Provence.

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Il développe les promenades en traîneaux, le long des lacs, pour les dames, qui n’osent pas chausser des skis.

 

C’est lui aussi, nous l’avons signalé, qui introduit le premier éclairage électrique. Enfin, il lance l’idée des thés-concerts, cherchant des musiciens en Italie. Il offrira à ses hôtes le plaisir d’entendre le meilleur jeune violoncelliste qu’il découvre : Arturo Toscanini.

Enfin, avec l’âge, il se passionne pour la peinture et la sculpture. Son hôtel devient une sorte de musée : toiles de maîtres, tapisseries et statues ornent les halls et les vestibules. Le petit autodidacte, fils de muletier devenu maçon, est un gentleman, un grand seigneur. Et pourtant il s’occupait de ses écuries, de sa porcherie aussi bien que de sa clientèle ; il prenait ses repas au milieu du personnel, et refusait tout avantage dont les autres ne profiteraient pas. C’est lui qui prononçait la prière avant chaque repas. Il mourra à 70 ans, laissant à ses descendants le soin de maintenir un style, une tradition dont il fut réellement l’inventeur.

À suivre, Caspar Badrutt.

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22 juillet 2017 6 22 /07 /juillet /2017 17:54

Quelques Hôtels que dirigea César Ritz.

Pour ne pas oublier, il faut associer Escoffier à Ritz pour cette magistrale collaboration. Un rappel ici.

Le Grand Hôtel Monte-Carlo

Le Grand Hôtel Monte-Carlo

Carlton Hotel 1905

Carlton Hotel 1905

Frankfurter Hof de Francfort

Frankfurter Hof de Francfort

Menton hôtel des iles britanniques un coin du hall

Menton hôtel des iles britanniques un coin du hall

Publicité Hôtel des Iles Britanniques

Publicité Hôtel des Iles Britanniques

Grand Hôtel Nice

Grand Hôtel Nice

Les pionniers de l’hôtellerie en Suisse
Grand Hôtel des Thermes à Salsomaggiore

Grand Hôtel des Thermes à Salsomaggiore

Le Savoy Londres

Le Savoy Londres

Parmi les nombreux hôtels que César Ritz remonta et dirigea, certains ont disparus et d’autres ont changé de nom, puis nous ne connaissons pas tous les hôtels qu’il dirigea.

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21 juillet 2017 5 21 /07 /juillet /2017 16:00

César Ritz

Il naît la même année que Michel Zuffrey, en 1850, dans le petit village de Niederwald, vallée de Conches. Son père est président de la commune. Les Ritz ne sont pas riches, mais ils sont cultivés. Une génération d’ancêtres, de Brigue à la Furka, et tout au long du Rhin, ont peuplé les chapelles d’admirables autels baroques. Les Ritz sont des imagiers de renom, et peut-être que le jeune César a hérité d’eux le goût du faste, de la perfection, gages de sa célébrité.

 

En attendant, César se rend à l’école communale, en apportant ses trois bûches, comme chacun. En été, il garde le bétail, et rêve à ce qui peut bien se trouver de l’autre côté des montagnes. Il faut souligner l’importance de la montagne sur l’imagination. Le grand humaniste Thomas Platter, de Grächen, au-dessus de Viège, Schiner, le futur cardinal, tous, au départ, ont eu ce tenace besoin de s’évader, pour voir ce qui se passe derrière les hautes murailles du décor natal.

« On devrait le mettre au collège », dit Mme Ritz (en même temps que Mme Zuffrey, puisque ces deux pionniers sont contemporains). César s’y refuse absolument, du moins jusqu’à l’âge de 12 ans, où il finit par apprendre, à Sion, des rudiments de français et d’algèbre.

 

Il y reste trois ans. Ses progrès sont maigres. C’est un cancre. Son père se fâche : ce gamin n’arrivera jamais à rien, il est temps qu’il travaille. Le voilà placé comme garçon de café à Brigue, Hôtel des Trois Couronnes et de la Poste. Au bout d’un an, tout va de travers. Le patron, Joseph Escher, excellant pionnier de l’hôtellerie, mais qui ne devine pas le talent du garçon, le convoque : « Tu n’arriveras à rien. Dans l’hôtellerie, pour réussir, il faut du flair. Permets-moi de te dire que tu n’en as aucun. » César Ritz n’ose plus rentrer chez lui, après ce nouvel échec.

Il trouve du travail à l’économat d’un séminaire de jésuites, à Brigue. L’économe est un ivrogne qui charge le malheureux garçon de toutes les erreurs qu’il commet. César l’envoie au diable. Il a 17 ans. Il apprend par les journaux que s’ouvre à Paris l’Exposition universelle. Il grille ses dernières économies en prenant un billet de train.

 

Jusqu’à présent, il y a beaucoup de parallèles dans sa vie avec celle de Zuffrey.

A Paris, son existence ne change pas du jour au jour. Au contraire. Ses débuts seront assez lents et difficiles. Il commence par le bas. Frotteur de parquet et cireur de chaussures à l’Hôtel de la Fidélité, puis porteur, enfin, garçon d’étage. Il sert les petits déjeuners. Tâche peu commode pour un jeune homme, plutôt bien fait de sa personne. L’inévitable (et banal) scandale arrive sous l’apparence d’une baronne russe. Intrigue d’amour. César Ritz est chassé de l’établissement.

 

Il ne se décourage pas et décide d’apprendre vraiment le métier dans un hôtel de toute première qualité. Il choisit l’établissement le plus élégant de Paris, Le Voisin.

C’est au Voisin qu’il fera l’apprentissage le plus important pour un hôtelier qui a l’ambition de voler un jour de ses propres ailes : celui du monde et du beau monde : Sarah Bernhardt, Alexandre Dumas fils, George Sand, Théophile Gautier, bien d’autres illustres Parisiens fréquentant l’endroit. César Ritz n’a que 20 ans. C’est au Voisin qu’il apprend vraiment ce que l’on nomme « les belles manières », l’ABC du métier. La carrière d’hôtelier ressemble un peu à celle du marin. Il faut bien, avant de passer capitaine, avoir été simple matelot. Ritz joue donc au mieux son rôle de parfait domestique. Etre un laquais bien stylé, correct et discret, silencieux, prévenant, n’est pas forcément un personnage facile à jouer, lorsqu’on est jeune, impatient et poussé par une ambition qu’il faut se garder de montrer. Il observe, fait ce qu’on lui dit, imagine en secret, sans indisposer personne.

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[Remarquez, dans cette biographie, pas un mot sur, par exemple, une lettre à ses parents, qui devaient être morts d’inquiétude. J’espère qu’il a eu la délicatesse d’écrire une ou deux lettres rassurantes, durant cette période.]

Mais il n’est pas pressé. Il devine que l’hôtellerie devient maintenant une affaire universelle. A Vienne, il sert toutes les têtes couronnées du moment : l’empereur d’Allemagne, le Kronprinz, Léopold de Belgique, le tsar et la tsarine, le roi d’Italie, von Moltke, Bismarck.

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Il s’occupe avec succès du Grand Hôtel de Nice. Engagé au Righi-Kulm, c’est dans ce haut lieu du tourisme qu’il rencontrera sa chance : l’original colonel-hôtelier-architecte Max Pfyffer lui confie la direction du formidable Grand Hôtel National de Lucerne. César Ritz y fait venir le plus célèbre chef du moment : maître Auguste Escoffier dont il entendait parler comme garçon d’étage, à Paris. Ces trois hommes se complètent parfaitement. Pfyffer, c’est l’original aristocrate qui a le sens du faste, Ritz, l’organisateur et le novateur sur tout ce qui concerne l’accueil : décoration, style du personnel, chauffage et confort (Ritz, c’est l’homme des salles de bains et de la propreté, il bouleverse les notions d’hygiène, jusqu’ici habilement évitées dans l’hôtellerie), la cuisine d’Escoffier enfin attire toute l’Europe. Une Europe qui n’a pas oublié, à Paris, ou à Vienne, l’atmosphère que César Ritz fait régner dans les hôtels qu’il dirige. C’est à cette époque que l’on commence à dire de lui : « L’hôtelier des rois et le roi des hôteliers. »

César et Marie-Louise Ritz en 1888

César et Marie-Louise Ritz en 1888

César Ritz dirige le National en été, un hôtel de Menton durant l’hiver. Il fait cela pendant onze ans, où il donnera la pleine mesure de son génie. Le petit garçon d’étage, natif de Niederwald, est devenu un maître à penser de l’hôtellerie. De toutes les capitales d’Europe, on vient chercher ses avis, sa collaboration, ses conseils, activités qui ne l’empêchent d’être à la tête d’un nombre impressionnant d’hôtels.

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Sur ce temps-là, Mme César Ritz nous confie dans l’ouvrage qu’elle a consacré à son mari :

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« Pendant ces dix années, les malles de César ne furent jamais complètement défaites. Il arrivait constamment d’un voyage pour en entreprendre aussitôt un autre. Chaque année voyait naître un nouveau projet, chaque mois provoquait une nouvelle crise, une nouvelle lutte ou un nouveau triomphe. Jusqu’en 1893, les itinéraires de César variaient peu, il se rendait de Londres à Cannes ou à Baden-Baden, puis, pendant trois ans, de Londres à Aix-les-Bains et à Rome, ensuite à Francfort-sur-le-Main, Lucerne, Monte-Carlo et Biarritz, enfin à Londres, Salsomaggiore et Paris. C’est alors qu’il organisa le personnel et dirigea le Savoy et le Carlton de Londres, le Grand Hôtel de Rome, le Frankfurter Hof de Francfort, le Grand Hôtel des Thermes à Salsomaggiore ; c’est alors qu’il déploya son activité et prêta son nom à des établissements de divers genres tel que la Villa Igiea, le Grand Hôtel de Palerme, le Restaurant Ritz à Biarritz, le Claridge et le Hyde Park Hôtel de Londres, le Kaiserhof et les bains Augusta Victoria, à Wiesbaden ; qu’il continua à s’intéresser au Grand Hôtel de Monte-Carlo, au National de Lucerne, au Grand Hôtel des Iles Britanniques à Menton, qu’il fonda la Société d’expansion hôtelière qui conçut immédiatement les plans de divers établissements au Caire, à Madrid, à Johannesburg. »

César Ritz. Le colonel Maximilien-Alphonse de Pfyffer d'Altishofen. Auguste Escoffier.

César Ritz. Le colonel Maximilien-Alphonse de Pfyffer d'Altishofen. Auguste Escoffier.

C’est ainsi qu’il s’attaque à ce qui sera la signature de son œuvre : la transformation du 15 de la place Vendôme, à Paris, en un hôtel qui portera désormais son nom, et dont il dira à sa femme : « Je ne connais rien du tout au fond, à l’architecture, et pas tellement non plus à la décoration. J’improviserai. Tout ce que je veux, c’est que ce palais soit à la fois élégant et rationnel, mais je n’ai aucune idée sur les moyens à utiliser pour y parvenir. »

Ouverture du Ritz en 1898

Ouverture du Ritz en 1898

Les pionniers de l’hôtellerie en Suisse

Pour l’inauguration, tout Paris était là. Il est vrai que depuis des années, César Ritz savait soigner ses relations publiques : il n’avait jamais laissé un client quitter ses établissements sans lui envoyer une lettre personnelle quelques jours après. Ce fut un succès complet. Toutes les « Belles » de l’époque s’y étaient donné rendez-vous. Marcel Proust aussi était là, au milieu des princesses.

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Ritz se retrouvait au lieu de ses débuts. Sa carrière était achevée. Il n’en continua pas moins à prodiguer ses conseils partout. Il meurt en 1918, âgé de 68 ans. Il est l’exemple d’une aventure personnelle, celle d’un tempérament d’artiste. Beaucoup plus que celle d’un grand homme d’affaires, comme nous en verrons d’autres en Suisse, dont les carrières sont étroitement liées au développement d’une région, aux luttes politiques aussi.

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César Ritz, c’est d’abord l’histoire du talent, allié à une très grande séduction ; pourquoi ne pas le dire, il était beau, et il le savait.

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20 juillet 2017 4 20 /07 /juillet /2017 17:32

Premiers aventuriers du Valais et des Grisons

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Ces deux régions des Alpes suisses étaient dans une misère noire. Elles partageaient avec le Tessin et la Savoie cette malédiction qui plane sur la petite agriculture de montagne : « quand la famille s’agrandit, la terre diminue ».

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Dans les Grisons, en 1815, les villageois adoptent le remède traditionnel contre la disette : on tire au sort, toutes les dix familles, celle qui devra quitter la commune pour chercher son pain ailleurs. On se dirige vers l’Italie, exercer le plus souvent le métier de pâtissier-confiseur.

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Les Tessinois partent comme maçons, et deviennent souvent architectes.

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Les Valaisans suivent le Rhône et tentent l’aventure en France ; une aventure qui n’est pas toujours celle du commerce et de l’hôtellerie, mais de pur hasard.

MICHEL ZUFFREY

Michel Zuffrey et sa femme

Michel Zuffrey et sa femme

A Saint-Luc, dans le val d’Anniviers, nait en 1850 l’un des vingt-quatre enfants du vice-préfet Zuffrey : Michel, un garçon que ses parents souhaitent voir devenir prêtre. La discipline du collège de Saint-Maurice ne plaît qu’à moitié au gamin. Il fait le mur un beau matin et part à pied pour Lausanne. (On notera ce début très classique : combien d’hommes ont réussi leur existence en commençant par s’échapper du collège.) Arrivé en gare de Lausanne, il regarde fasciné la manœuvre des locomotives. Un étranger l’aborde. Le jeune Michel est dépourvu de timidité, au contraire. Il s’exprime avec clarté et vivacité. L’étranger, ambassadeur de France à Saint-Pétersbourg, l’engage dans sa suite, et lui confie la charge de courrier diplomatique. Dans la même nuit, équipé de neuf, muni d’une avance de traitement et sans aucune formation politique, ni aucun mot de russe dans son bagage linguistique, composé d’un peu de latin et de beaucoup d’accent de Saint-Luc, le jeune homme roule vers la Sainte Russie, dans un de ces merveilleux wagons qu’il voyait pour la première fois il y a quelques heures.

Après deux ans de représentation diplomatique à Saint-Pétersbourg, Zuffrey est recommandé à Napoléon III. Il devient courrier secret de l’impératrice Eugénie. Il suivra de près les vicissitudes de la famille impériale : siège de Paris, Commune, exil en Angleterre. Dans la bonne tradition du mercenaire suisse, n’ayant plus rien à faire dans la diplomatie française, il prend du service où il se trouve, en Angleterre, et part explorer les sources du Nil pour l’amiral Seymour. Cet insolite Valaisan devient un spécialiste du monde arabe. Au nom de Sa Gracieuse Majesté, il intervient dans tout le Proche-Orient, et de l’Egypte au Maroc.

Après quoi, il épouse une Anglaise et ouvre à Londres une boutique d’antiquaire et d’objets d’art.

 

Vers 1880 (30 ans), fortuné, père de cinq enfants, il retourne au pays, s’achète des vignes dans la Noble Contrée, et acquiert l’ancien château de la Cour à Sierre. Il décide alors de ne plus bouger, et de recevoir des voyageurs dans son château transformé en un hôtel idéal. Le ravitaillement est autarcique, grâce aux domaines qu’il achète autour : il produit son vin, ses fruits, sa viande. La demeure est une sorte de musée rempli d’objets qu’un grand voyageur et un antiquaire comme lui a su collectionner. Ses écuries offrent aux connaisseurs d’admirables chevaux de selle.

Les origines du château, la Maison de la Cour

Les origines du château, la Maison de la Cour

L'Hôtel Bellevue Sierre

L'Hôtel Bellevue Sierre

L'Hôtel Bellevue Sierre de l'arrière

L'Hôtel Bellevue Sierre de l'arrière

Aujourd'hui devenu L'Hôtel de Ville de Sierre

Aujourd'hui devenu L'Hôtel de Ville de Sierre

Grâce à ses nombreuses relations, son château, maintenant transformé et baptisé d’un nom bourgeois assez ridicule : Le Château Bellevue, devient le rendez-vous de l’élite britannique : lord Roberts, vainqueur de la guerre des Boers, lord Beaverbrook, magnat de la presse, Whymper, le conquérant du Cervin qui offre, en hommage à Zuffrey, le piolet qui servit à la fameuse première du vendredi 13 juillet 1865, sont ses hôtes.

Ingénieux, Michel Zuffrey crée, à l’orée d’un petit bois, une glacière qu’il fait remplir chaque hiver par des blocs de glace en provenance du lac de Finges, ceci pour servir frais, champagnes et whiskies que les clients de l’hôtel appréciaient à leur juste valeur comme les crus du pays.

 

Dernier volet de cette existence, la découverte par Zuffrey de l’importance touristique du Valais, qu’il prospecte et parcourt dans tous les sens, en imaginant des moyens d’accès et créant des sites, ceux de Montana et Vermala, où il fait construire deux hôtels avec son beau-frère. C’est lui qui fait bâtir la première usine électrique, sur la Navisence, pour apporter à Sierre son courant électrique. Premier funiculaire Sierre-Montana, premier chemin de fer Loèche-les-Bains, projet (non réalisé) d’un « Thermaloduc » destiné à amener par conduite les eaux de Loèche à Sierre. Michel Zuffrey se mêle de tout.

Le collégien échappé de Saint-Maurice finira président de la ville de Sierre. Pionnier par fantaisie, par besoin de dépenser son imagination, il occupe dans l’histoire de l’hôtellerie une place à part : celle de l’improvisateur à qui tout réussit, qui sait changer de profession tous les dix ans, et dont la vocation consiste à n’en avoir aucune.

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19 juillet 2017 3 19 /07 /juillet /2017 17:52

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[Il y a aussi des pionniers qui contribuent au développement du tourisme en faisant autre chose que bâtirent des hôtels.]

Si Bucher est surtout connu comme constructeur de chemins de fer de montagne, c’est à Niklaus Riggenbach que revient le mérite d’avoir imaginé la crémaillère. (Je vous en ai déjà parlé ici.) Son ingéniosité se doublait d’un réel talent d’écrivain, puisqu’il a laissé un petit chef-d’œuvre intitulé Mémoires d’un Vieux Mécanicien devenu un classique de la littérature suisse alémanique, et auquel le lecteur passionné par l’histoire des transports doit absolument se rapporter. (Il semblerait n’avoir jamais été édité en français. Hélas.)

Caspar Blaetter, le plus ancien de ces pionniers, puisqu’il est né en 1791, se passionne pour la navigation lacustre à vapeur. Il commence par la barque à rames, qu’il manie lui-même, pour transporter le papier que son père fabrique avec un petit moulin du Rotzloch, en Nidwald, à Lucerne. Lorsqu’il apprend que les Anglais ont inventé une machine à vapeur montée sur bateau, ce jeune homme, déjà passionné d’inventions nouvelles, puisqu’il vient de construire le premier pont tournant à Acheregg, entre le Lopper et Stansstad, qui permet une heureuse combinaison de circulation navale et routière, découvre à Hambourg un petit bateau à vapeur pour lequel il a le coup de foudre. Il le ramène en cadeau pour sa femme en le faisant tirer à travers toute l’Allemagne, par six chevaux. Premier bateau de son espèce sur le lac des Quatre-Cantons, il navigue sous le nom de Rotzberg, suivi bientôt d’un frère jumeau, le Pilatus.

C’est Blaettler, en 1856, qui fera bâtir sur le Mont-Pilate, troisième grand sommet à panorama de la région, l’Hôtel Klimsenhorn, grand rival du Righi et, dix ans plus tard, du Bürgenstock de Bucher. Il mourra avant de voir ces trois sommets gravis puis conquis par chemins de fer et funiculaires, que se partagent des milliers d’amateurs de levers et couchers de soleil.

 l’Hôtel Klimsenhorn

l’Hôtel Klimsenhorn

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18 juillet 2017 2 18 /07 /juillet /2017 15:51

Donc les premiers palaces ont fait leur apparition, bien groupés dans l’Oberland bernois. Nous sommes en 1850, des régions entières restent encore sous l’empire des diligences et des bonnes vieilles auberges. Zermatt est un village à peine indiqué sur la carte. Seuls quelques excentriques Anglais s’y rendent. Voici Saint-Moritz, décrit par Rodolphe Toepffer : « Une petite bourgade composée d’étables et de cafés-billards, où des baigneurs barbus tuent le temps, un de ces endroits qui doivent au séjour momentané des malingres un peu de fausse vie, beaucoup d’odeur de cigare et ce grotesque mélange de pâtres occupés et de messieurs fainéants, de liquoristes et de faiseurs de fromages, de laitage et de carambole. »

 

En résumé, un tout petit trou de campagne.

Pour terminer, voici Montreux, la « perle de la Riviera vaudoise » telle qu’elle apparaît dans un guide des étrangers en 1845 : « Entre Vevey et le Château de Chillon, on traverse la paroisse de Montreux (prononcez Montru), consistant en une vingtaine de fermes dispersées, parmi des collines couvertes de vignobles. On y fait d’excellents fromages et la vendange y commence plus tôt que dans les autres parties du canton de Vaud. »

Survient des constructeurs bâtisseurs audacieux.

Chemins de fer, funiculaires, ascenseurs en plein air et autres merveilles firent leur apparition sitôt que l’imagination hôtelière se mit à rêver d’installer les gens, non pas au pied des monts, mais sur les lieux mêmes d’excursions fameuses : au sommet.

 

Ces sommets célèbres sont dans les environs de Lucerne : le Righi, le Pilate et le Bürgenstock. Le plus entreprenant de ces mécaniciens du tourisme est un natif de l’Obwald, qui ne fréquentera que l’école communale et deux classes du collège de Sarnen. Il ne parlera jamais d’autre langue que l’obwaldien. Ses seules lectures seront ses carnets de compte. Ce petit bagarreur paresseux désespère ses pauvres parents. Il ne fait rien de bon avant l’âge de 29 ans où il rencontre son compère Joseph Durrer (1841-1919) en tournée au Melchtal, et qui lui propose de s’associer pour quelques bonnes affaires. Durrer est un artisan, habile et bon calculateur, Bucher n’est rien mais va se révéler extrêmement malin.

Les deux compères commencent par bâtir et revendre des granges et des maisons pour se faire la main dans l’immobilier. En 1869, ils bâtissent et revendent tout neuf l’Hôtel Sonnenberg à Engelberg. Ils ont un capital. C’est le vrai départ.

Bucher est tenté depuis longtemps par la crête rocheuse du Burgenberg (qu’il rebaptisera plus tard : Bürgenstock). C’est un projet insensé. Personne n’y croit. Il achète à bon compte des terrains considérés comme inaccessibles et construit à ses frais une route privée conduisant au sommet. Là-haut, il mine le terrain, fait sauter les pierres pour en tirer sur place la chaux nécessaire à la construction de l’hôtel, qui s’élève bientôt sur des plans dressés par lui, pour économiser les frais d’architecte. Tout le monde se reconnaît à trouver l’hôtel sobre, hardi, harmonieux de proportion, plutôt mieux inséré dans le paysage que beaucoup d’autres, à son ouverture en 1873. C’est un coup de maître. Un amateur sans formation, sans expérience et sans culture, vient de s’imposer dans un lieu tout à fait original. Le succès est tel que les hôtes font la queue parfois plusieurs semaines à Lucerne avant de trouver une chambre au Bürgenstock.

Bürgenstock Grand-Hôtel

Bürgenstock Grand-Hôtel

L'ingénieux ingénieur-bâtisseur-hôtelier Bucher-Durrer (assis) en reconnaissance au Stanserhorn.

L'ingénieux ingénieur-bâtisseur-hôtelier Bucher-Durrer (assis) en reconnaissance au Stanserhorn.

Bucher continue sur sa lancée. Il aménage, loue ou dirige des hôtels un peu partout, à Bâle, à Lugano. A Lucerne, toujours innovateur technique, il construit au bord du lac, le Palace-Hôtel sur une forêt de pilotis.

 

En 1888, Bucher et Durrer font construire le premier chemin de fer électrique Kehrsiten-Bürgenstock, ridiculisant celui du Pilate qui s’époumone encore à la vapeur.

Le Palace-Hôtel à Lucerne

Le Palace-Hôtel à Lucerne

Passant outre aux injonctions comminatoires des ingénieurs officiels épouvantés par leur audace, les deux compères créent le funiculaire à voie unique, avec évitement à mi-parcours, ainsi qu’un nouveau système de freinage automatique en cas de dépassement de la vitesse normale. Bucher en fait lui-même la démonstration devant des officiels effarés et tremblants. Le système Bucher-Durrer est bientôt imité par le monde entier. Ils ont négligé de prendre un brevet, bien trop occupés à prendre d’assaut tous les sommets disponibles : San Salvatore, en 1890, Stansstad-Stans par tramway, et le Stanserhorn par funiculaire, en 1893, Mont-Pèlerin en 1897, chutes du Reichenbach en 1899, par funiculaire encore mus par des usines autonomes d’électricité. Enfin, au début du siècle, Bucher s’offre une petite fantaisie personnelle, genre Eiffel : le fameux ascenseur en plein air de la Hammetschwand, qui s’élance à 165 mètres de hauteur, à l’extrémité d’un chemin en corniche dans un panorama gigantesque.

Tout en posant ses crémaillères, il passe et repasse le Gothard, poursuivant une double carrière d’hôtelier en Italie. Il ne sait pas l’italien et ne l’apprendra jamais. On l’appelle le « Segnor Subito ». Il fait valser ses armées d’employés dans un grand hôtel qu’il tient près de Gênes, sur la Riviera. Dans cette même ville, toujours passionné de grands travaux, c’est lui qui fait percer le tunnel de la gare au centre de Gênes, construit la première ligne de tramways et un funiculaire menant au port. Puis revend l’exploitation de ses inventions urbaines à la ville de Gênes pour un million or, qu’il fourre dans une sacoche, et rentre au pays, le gourdin à la main. Arrivé à son village, l’étonnant vieux galopin d’Obwald, maintenant nanti d’une superbe barbe, vide sa sacoche sur la table, et devant l’amoncellement de billets et pièces d’or, invite ses amis et paie à boire au village.

Mais tout cet argent ne passe pas en schnaps et en Veltliner. Il achète un autre hôtel près de la gare de Milan, l’Hôtel Quirinal, à Rome, puis, toujours avec son compère Durrer, il se lance dans les matériaux de construction. Ils acquièrent au Gouvernement hongrois deux mille troncs de chêne en Transylvanie, puis des forêts entières en Bosnie, Moldavie et Valachie, ils fondent leur propre fabrique de meubles et parquets à Bucarest, où les bois sont travaillés, puis expédiés en Suisse, France, Allemagne, Egypte pour la construction d’hôtels nouveaux. Les deux aventuriers d’Obwald sont devenus les empereurs de l’industrie hôtelière. Il y a bien quelques petits malheurs ici et là. Un prince balkanique, nommé Dadra de Mingralia, leur vend pour 1 200 000 francs de superbes forêts qui ne lui appartiennent pas. La fabrique de Bucarest est détruite par le feu. Mais Bucher a les reins solides. Il tient une dizaine d’hôtels, des chemins de fer, des funiculaires et des usines électriques. Il trouve encore le moyen de construire le Grand Hôtel Braunwald dans les Alpes, jusqu’ici peu fréquentées, de Glaris, avec un funiculaire de plus. Un beau jour, Bucher débarque en Egypte, avec l’intention d’acquérir au Caire le Continental. Faute d’y parvenir, il acquiert un grand marécage au bord du Nil, et refait l’expérience de Lucerne en grand. Il y fait planter des pilotis et lance 1300 ouvriers sur le chantier. Il bâtit le Sémiramis, encore debout aujourd’hui, ouvrage énorme, pour lequel arrivent de Suisse par cargaisons entières, les machines, les ascenseurs, les meubles, le linge, les fourneaux, la vaisselle.

L'Hotel Quirinale à Rome

L'Hotel Quirinale à Rome

Grand Hôtel Braunwald

Grand Hôtel Braunwald

Le Semiramis, Caire

Le Semiramis, Caire

Le Semiramis en 1976

Le Semiramis en 1976

Bucher succombe d’une double congestion pulmonaire, après avoir passé en revue toutes les chambres et toutes les installations du Sémiramis battant neuf, qui s’ouvrira quelques jours après sa mort.

 

De mauvaises langues disent que c’était peut-être mieux ainsi, nous aurions très probablement aujourd’hui un funiculaire sur la Grande Pyramide et un téléphérique pour passer de Chéops à Khephren, et du Sphinx à Mykérinos.

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16 juillet 2017 7 16 /07 /juillet /2017 18:33

Après ce premier chapitre sur les grands hôtels qui parsèment les sommets de nos montagnes et de grands lieux touristiques, je m’aperçois qu’il aurait fallu vous dire que les grands hôtels existèrent bien avant ceux dont on parle. En effet, dans nos villes, déjà de très connus et célèbres Hôtels ont été bâtis. Pour exemple : Hôtel des Trois Couronnes à Vevey, l’Hôtel Euler à Bâle, Grand Hôtel Baur-en-Ville, Hôtel Baur-au-Lac à Zurich et l’Hôtel Gibbon à Lausanne. Déjà avant le boum des hôtels sommitaux, de très bons hôtels ont donc parsemés le territoire et rayonnés loin à la ronde.

Donc ceux qui, en plaine, souvent au bord de l’eau, bâtissent des hôtels…

 

Des pionniers de l’hôtellerie, il en apparaît partout. Leur densité suit les hasards de la mode : cela commence par l’Oberland bernois, où Interlaken et la Jungfrau restent le pôle du voyage en Suisse.

Les zones d’hôtellerie s’étendent ensuite aux environs du lac des Quatre-Cantons, au bord du Léman, puis aux trois cantons retirés du Valais, des Grisons et du Tessin. Parallèlement, l’hôtellerie citadine qui a toujours existé, s’étoffe et s’agrandit naturellement. En 1844, la première édition du fameux guide Baedeker résume la situation : « La Suisse possède incontestablement les meilleurs hôtels du monde. Des maisons comme Baur à Zurich, Les Bergues ou l’Ecu à Genève, Bellevue à Thoune, Gibbon à Lausanne, Trois Couronnes à Vevey, Trois Rois à Bâle ou le Faucon à Berne sont des établissements exemplaires dont les installations ne laissent rien à désirer. Mais on est reçu fort agréablement aussi dans des hôtels plus modestes, et l’on trouvera fort rarement des auberges tout à fait mauvaises. »

La première génération de pionniers naît entre 1800 et 1815. La plupart d’entre eux sont des paysans, originaire de l’Oberland bernois, où l’on assiste à un fourmillement d’initiatives individuelles. Beaucoup d’auberges traditionnelles, de relais de passage sont naturellement agrandis, c’est l’industrie familiale qui suit son cours. Mais ici et là apparaît l’original : Peter Ober est Alsacien d’origine, né en 1815, étudiant en médecine, précepteur à Paris. Il accompagne les enfants d’une famille anglaise à Interlaken. Il s’éprend du pays. Excellent éducateur, la famille anglaise qui l’emploie lui facilite l’achat d’une maison à Matten. Il a l’idée de la transformer en pension, puis en hôtel, l’Hôtel Ober. Le jeune médecin-précepteur-hôtelier a la passion de la botanique. Il se rend compte que la flore alpestre est très mal connue. Il organise pour ses hôtes des excursions botaniques (nous sommes en pleine époque des herbiers ; pas de jeune fille qui ne transporte avec son matériel d’aquarelliste, son herbier, cet étrange tonnelet oblong de fer blanc, généralement peint en vert), l’Hôtel Ober devient rapidement le rendez-vous des grands naturalistes européens. Plus tard, déjà conscient des dégâts que le tourisme pourra occasionner à la nature, Ober crée une société de protection, la Höhematte, destinée à préserver à perpétuité la prairie du même nom, qui est la plate-forme où tout le monde se rend pour contempler la Jungfrau. L’idée de précurseur car sans lui il y a belle lurette que cet alpage aurait été vaincu par la spéculation.

De plus en plus prospère, Ober fait construire le Kursaal d’Interlaken et, toujours grand défenseur des beautés naturelles, en fait écarter les « beautés professionnelles » qui hantaient, dit-on, les jardins et les parterres fleuris, véritables jardins botaniques. Sur ses vieux jours, Ober rédige un guide, qu’il fait éditer en trois langues, Interlaken et ses Environs, qui connaît un immense succès. Cet homme, qui n’était pas Suisse (au début), mais Alsacien, fut contemporain d’un autre pionnier, natif lui de Bönigen : Friedrich Seiler, né en 1808, qui débute dans la carrière militaire.

On sait de lui, qu’après s’être battu dans les corps-franc bernois contre Lucerne, il devint préfet d’Interlaken, industriel à Unterseen, où il dirige une parqueterie (détail non anodin, beaucoup d’hôteliers auront des intérêts dans l’industrie du bois, premier matériau de construction dans les montagnes à l’époque), puis grand responsable des chemins de fer du Bödeli et du Bunig, enfin conseiller national à Berne. C’est à la fin de sa carrière qu’il construira un des premiers palaces de Suisse : le Grand Hôtel de la Jungfrau, dépassé quelques années plus tard par le Grand Hôtel Victoria, sur le Höheweg, construit par son jeune disciple Edouard Ruchti, qui rachètera le Jungfrau.

Grand Hôtel Victoria

Grand Hôtel Victoria

Le luxe du Victoria

Le luxe du Victoria

A Thoune et à Interlaken, d’autres carrières assez semblables se dessinent. Les trois frères Knechtenhofer transforment leur campagne de famille en Hôtel Bellevue (eux aussi possèdent une parqueterie). Ils fondent la Compagnie de Navigation sur les lacs de Thoune et de Brienz et possèdent bientôt dix vapeurs.

L'Hôtel Bellevue à Interlaken

L'Hôtel Bellevue à Interlaken

Johann Strübin, à force d’économie, construit le Schweizerhof, entre l’Aar et le Höheweg, là où se dressaient un malheureux chalet et des étables. Son service d’omnibus entre débarcadère et hôtel, avec valets de pied en livrée, devient rapidement célèbre : il est le premier à imaginer de venir chercher le touriste en voiture avec du personnel aux couleurs de la maison.

Le Schweizerhof

Le Schweizerhof

Cet hôtel a célébré son centenaire en 1956. Le 3 février 1971, il a entièrement brûlé. Espérons que son livre d’or a été sauvé : on y trouve les signatures de Richard Wagner et du cardinal Pacelli, entre autres.

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