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18 avril 2008 5 18 /04 /avril /2008 14:46

Et après cela, il adressa à la foule silencieuse, et plus recueillie que dans un temple, des exhortations qui, venant d’un homme près de mourir, durent toucher les cœurs les plus durs. Il supplia ses auditeurs de fuir les procès qui sont contraires à l’esprit chrétien et sont une cause de grandes misères. Et avec quelle éloquence il nous reprocha à tous notre peu de religion, notre manque d’attention au service divin o`, trop souvent, on ne va que par habitude et non par réelle dévotion.  Et comme il dit avec indignation leur fait aux ministres indignes qui ne travaillent pas à l’instruction du peuple et sont trop souvent ignorants et de mauvaise conduite ! Il nous engagea à respecter l’ordre dans le service divin et à donner une attention toute particulière au chant par lequel la créature peut exprimer ses sentiments d’adoration. Les étudiants en théologie entendirent à leur tour un appel pressant à prendre au sérieux leur future vocation et à s’y préparer au lieu de dissiper leurs années d’études en amusements coupables. Puis, d’une façon particulièrement émouvante, il supplia ceux qui l’écoutaient de s’acquitter mieux de leur devoir, de mériter par une vie chrétienne l’approbation de leur Créateur « afin que, dit-il, lorsque vous serez à l’article de la mort, comme j’y suis maintenant, vous n’en soyez pas réduits à la craindre. »

Il affirma enfin qu’il ne se plaignait de personne. Ceux qui l’ont arrêté, ceux qui l’ont condamné, ont suivi leurs lumières, comme lui a répondu à l’appel de Dieu. Il termina enfin par ces mots qui, j’en suis sûr, arrachèrent des larmes aux plus endurcis : « Je donne peu de chose pour arriver à un grand bonheur. Quelques années que j’avais encore à vivre ne sont point à comparer avec la félicité dont je vais jouir. Je sens, au-dedans de moi, l’amour de Dieu et son secours qui me soutient dans ces derniers moments après m’avoir conduit et protégé toute ma vie. »

Un silence solennel suivit ce discours qu’aucun de ceux qui l’entendit ne dut jamais oublier. On se sentait véritablement en face d’un serviteur de Dieu, convaincu de la présence et de la toute-puissance de son Seigneur.

A son tour le pasteur de Saussure fit un magnifique et courageux sermon. Certes il blâma l’entreprise de Davel comme contraire à l’obéissance due au souverain. Mais, par contre, comme il loua l’esprit vraiment chrétien de Davel, sa vie irréprochable, sa charité qui se manifestait par des actes et non par des paroles. Il rendit un hommage émouvant et sincère à sa piété. À sa probité, à ses hauts mérites reconnus de tous. Il affirma sa certitude que Dieu accueillerait avec bienveillance cet homme que des juges humains avaient condamné, mais qui avait été un de ses meilleurs serviteurs.

Alors Davel fit ses adieux aux pasteurs qui l’avaient accompagné, il leur serra la main et les remercia. Puis il ôta son habit aussi tranquillement que s’il eût été dans sa chambre et alla s’asseoir sur la chaise fatale. Il écarta lui-même sa chemise sur sa poitrine afin que rien ne vint gêner le bourreau. Une minute plus tard tout était fini !

Il n’y eut pas un cri, pas une acclamation dans la foule qui s’écoula silencieuse et recueillie.

Pour moi, je ne sais comment je regagnai Cully, le même soir, tellement j’étais émotionné et accablé par la douleur. Je fus longtemps malade ; j’avais passé par des heures terribles. Et voici que maintenant que je trace ces lignes, je ressens de nouveau tout mon chagrin me remonter au cœur.

Oui, Davel, cher et noble ami, un jour ce pays qui t’a méconnu et sacrifié, saluera en toi le meilleur et le plus noble de ses enfants ! Quand, devenu digne de cette liberté que tu rêvais de lui donner, le peuple vaudois la conquerra, il se souviendra de toi, l’homme sans peur et sans reproche, qui est mort pour lui.

 

FIN


 

 

 

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15 avril 2008 2 15 /04 /avril /2008 11:59

Voilà les quelques éléments illustrant l’article sur la cathédrale de Coire ; ceci complète un peu le texte bien qu’il a été très difficile de trouver une photo couleur et actuelle de la cathédrale. Et encore moins des éléments remarquables de la bâtisse elle-même. Si vous trouvez par hasard une photo ou un site sur le sujet, adressez-les dans les commentaires. Merci.


 

 




la cathédrale  de Coire

Coire et ses vignes...
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15 avril 2008 2 15 /04 /avril /2008 10:41

Coire épiscopal et bourgeois

Il est une catégorie de monuments qui ne peuvent rester inconnus du grand public, parce qu’ils sont trop gros ou parce que leur présence a quelque chose d’évident, et qui n’en sont pas moins négligés. Dans cette page où il sera question d’une ville dont le nom est familier à chacun, nous passons de la SUISSE INCONNUE à la SUISSE MECONNUE : Coire méconnu, Coire, l’antique capitale de la Rhétie, l’escale des innombrables voyageurs en route vers les hautes vallées. Avez-vous remarqué qu’il y a deux Coire, héritières d’une double tradition ? Le Coire d’en bas, tout d’abord, petite cité dont la vie, concentrée sur un espace exigu, endiguée par les remparts, pressée en quelques artères courtes et étroites, prend une apparence d’intensité ; où les maisons bien nées avancent au-dessus de la rue leur « Erker », véritable poste de vigie, et possèdent leur grille de fer forgé ou leur portail sculpté ; où l’on déguste dans quelque taverne voûtée et peinte à la chaux un vieux vin de la Valteline (la perte de leur conquête transalpine n’ayant modifié nu leurs goûts ni leurs habitudes séculaires, les Grisons sont restés fidèles à leur prestigieux « Veltliner »), tandis qu’une serveuse infailliblement brune vous coupe votre « Salsiz » en lamelles d’une rigoureuse égalité ; puis, le Coire d’en haut, le château de l’évêque (édifié au moyen âge, vraisemblablement sur des fondations romaines, agrandi et aménagé aux XVIIe et XVIIIe siècle, alors princes d’Empire), l’église de l’évêque, les vignes de l’évêque.

 

La cathédrale, monument bizarre

Dans l’ensemble des splendeurs épiscopales, la cathédrale, sobre extérieurement, grise parmi les bâtiments clairs de la place, collée à un groupe de maisons, fait figure de personnage timide ; on reste stupéfait en voyant cette haute masse de pierre accoucher d’un clocher de village (il faut dire que le couronnement actuel de la tour a remplacé, après un incendie survenu au début du siècle passé, (XIXe) une flèche octogonale).

 

Voilà comment se camoufle une merveille d’art, une création isolée dont on chercherait vainement un pendant en Italie, en France ou en Allemagne.

 

S’il manque à la cathédrale de Coire l’élégance des grands sanctuaires gothiques, il y a d’autre part dans son style, fidèle au roman dans ses formules essentielles, un dynamisme qui trahit un esprit nouveau. Elle se distingue de toutes les autres églises médiévales de Suisse par la vigueur de ses formes, sa conception originale et une foule de détails bizarres (les arcs de ses bas côtés, par exemple, sont en fer à cheval, forme empruntée à l’art musulman). Notons enfin qu’elle exprime bien le caractère si particulier de l’Helvétie d’alors, placée au carrefour de plusieurs courants artistiques. Comme St-Nicolas à Fribourg, où l’on reconnaîtra l’influence simultanée de la Souabe et de la Bourgogne, la cathédrale de St-Lucius à Coire est le point de rencontre de deux courants, l’un venu du Haut-Rhin, l’autre de France ; de plus, elle est marquée d’un cachet piémontais : des artisans venus du versant méridional des Alpes ont exécuté une bonne partie de la construction ; on reconnaît à chaque pas les effets de leur sereine insouciance.

Les fouilles entreprises lors de la restauration jettent quelque lumière sur les origines de la cathédrale. On sait maintenant qu’une église s’élevait là dès le Ve siècle. Il nous est permis de supposer que plus tard, au VIIIe siècle, un certain Tello, à la fois évêque et « praeses », administrateur de Rhétie, fit élever une église dont il nous reste quelques fragments. Quatre siècles plus tard fut édifié le chœur du sanctuaire actuel, une construction qui se différencie du groupe des églises contemporaines (XIIe) de Zurich, Constance, Schaffhouse, par une particularité lombarde : l’alternance de pierres claires et foncées, dans la petite crypte du fond.

Nous ignorons quel fut le maître d’œuvre hors ligne qui donna au monument sa forme définitive. Il est commode de supposer, jusqu’à preuve du contraire, que cet ensemble si homogène a été conçu et exécuté par un seul homme. N’a-t-on pas l’impression que l’architecture se plie à une pensée originale ? que les masses ont été clairement ordonnée en vue d’un effet de puissance ? Ce but justifie tous les moyens : le maître n’hésite pas à donner aux piliers une épaisseur extravagante, à gonfler chacune des travées, créant ainsi comme une série de coupoles ; il désaxe hardiment le sommet de la voûte des bas côtés, pour esquisser un élan vers la nef. Il subordonne strictement la décoration à l’architecture ; la sculpture des chapiteaux est probablement confiée à des artistes lombards, et en particulier à celui que l’on a appelé le « maître du chapiteau de Daniel », et dont on croit pouvoir suivre l’activité en Italie, et jusqu’à Toulouse ; parmi les remarquables sculptures de sa main qui ornent le chœur, les plus intéressantes sont peut-être celles de l’entrée du chœur, côté sud (à droite en regardant l’autel), c’est là que figure, outre l’illustre Daniel encadré de lions affectueux, l’évêque Reinherr qui dirigea les travaux de son église pendant les années décisives 1200–1208. Enfin, une deuxième crypte fut ajoutée à l’ancienne, et recouverte d’une voûte dont l’arc est si tendu qu’il fallut des murs cyclopéens pour en neutraliser la pression latérale.

 

Coire à l’école de la Provence

Or, il faut aller jusque dans le Midi de la France pour trouver des exemples de cette disposition de crypte. D’autre part, les quatre statues actuellement dressées devant la crypte – on n’a pas su où les placer, parce qu’on ne sait pas d’où elles viennent ; peut-être d’un portique disparu – ressemblent singulièrement aux apôtres du portail de St-Trophime à Arles ; leurs facture est plus rude que celle des apôtres d’Arles, mais la parenté est flagrante. De plus, la façade ultra-simple de l’église de Coire (un portail unique surmonté d’une haute fenêtre), ainsi que certains chapiteaux font penser à des modèles français. Un spécialiste, M. Schmucki, va jusqu’à dire que l’influence provençale l’emporte sur celle de l’Italie. Voilà une idée qui déconcerte au premier abord ; pour se convaincre qu’elle est moins hardie qu’elle n’en a l’air, ne suffit-il pas de songer que l’Italie elle-même subit alors le rayonnement de la Provence ? N’est-ce pas l’époque où l’art du Midi de la France et sa poésie brillent d’un éclat incomparable ? Les chansons des troubadours ont envahi la France, elles l’ont débordée, franchissant la Manche, le Rhin, les Alpes. On ne doit pas s’étonner outre mesure de voir le maître d’œuvre de Coire chercher dans la radieuse Provence des modèles pour sa cathédrale, et y trouver ses idées les plus fécondes. Mais ne donnons pas au nom de Provence un sens étroitement géographique, entendons une partie de ce vaste domaine de la langue d’Oc, où régnaient des Guillaume de Poitiers, des comtes de Toulouse et des ducs d’Aquitaine.

 

Le XIIIe siècle

C’est en 1265 seulement que la cathédrale de Coire fut achevée et consacrée à la Vierge et au mystérieux saint Lucius, roi de Bretagne. À cette date, la pensée religieuse et l’art ont atteint tous deux un sommet. Saint Thomas d’Aquin venait de réunir en une majestueuse synthèse la révélation chrétienne et la philosophie des anciens, mettant ainsi fin au désarroi causé par la découverte d’œuvres d’Aristote qu’on avait perdus (mais que les Arabes avaient conservées). Un art nouveau s’épanouissait en Ile-de-France qui parviendra très vite à sa perfection : l’art qu’on a appelé « gothique ». A la sérénité de la pensée répond l’équilibre suprême de l’art religieux.

 

Rappelons brièvement le principe de mécanique qui est à la base du style gothique. L’art roman dans ses dernières époques (la cathédrale de Coire en est un exemple) a connu non seulement l’arc brisé, mais encore l’ogive – « arc de renfort qu’on bande diagonalement entre deux piles extrêmes afin de soulager la voûte ; deux arcs qui se coupent constituent une croisée d’ogives ». C’est ainsi que fut résolu à Coire le problème de la voûte. Mais voici une solution nouvelle : faites de la croisée non un support, mais une armature préexistant à la voûte ; la dangereuse poussée latérale, au lieu de se répartir tout le long des murs de l’église, se concentrera aux quatre points de la retombée des arcs ; vous pouvez ajouter impunément les murs, car vous neutralisez la poussée au moyen d’arcs-boutants. Tel est le principe de la construction gothique, principe révolutionnaire qui se répand bientôt en Europe, mais sans toucher Coire. Sur le Plateau suisse, les grands édifices religieux commencés dans le style roman sont encore en pleine construction à l’époque où triomphe le gothique ; aussi voyons-nous leur style évoluer sans heurts ; leurs architectes ne tardent pas à se convertir aux principes nouveaux. Cette transition de style eût frappé un voyageur de l’an 1265 ; il l’eût constatée à Bâle, dont la cathédrale de grès rouge avait déjà l’aspect qu’elle devait garder jusqu’au tremblement de terre de 1356 ; à Genève, où le chœur et le transept de St-Pierre devaient être terminés ; à Neuchâtel, où l’on achevait sans hâte la Collégiale ; à Lausanne, dont la cathédrale Notre-Dame allait être consacrée dix ans plus tard par le pape Grégoire X en présence de Rodolphe de Habsbourg. Les grandes églises purement gothiques de Fribourg et de Berne étaient loin d’être commencées en cette année 1265. Année lointaine, si l’on veut, mais que bien des fils rattachent déjà aux temps modernes. En 1265, le Florentin Giovanni Cimabue, le précurseur et le maître de Giotto, est âgé de 25 ans. C’est l’année de naissance de Dante, cet autre Florentin ; c’est la troisième année du voyage de Marco Polo vers la Chine… L’ère de la Renaissance italienne et des grandes découvertes géographiques n’est pas loin ; tandis qu’à Coire, on inaugure une cathédrale romane !

 

Symphonie sur un air montagnard

Allons-nous, après ce tour d’horizon, nous apitoyer sur cette église arriérée ?  Bien au contraire ! Quel autre style que le roman eût mieux exprimé le caractère du rude pays sur lequel s’étend le diocèse de Coire ? On peut à la rigueur trouver quelques traits communs entre les pays du Midi et la Rhétie : l’aridité, la belle couleur chaude de la pierre, le goût des habitants pour une architecture sobre ; de quoi faciliter l’acclimatation d’un art méridional à Coire. Mais on ne saurait comparer l’Ile-de-France, la Beauce, la Somme, la Champagne, où sont nés les plus prodigieux monuments gothiques, à la vallée supérieure du Rhin.

La cathédrale de St-Lucius n’est pas indigne du grand siècle religieux ; elle est simplement une « symphonie sur un air montagnard ». Par ses irrégularités, ses inexactitudes, elle participe du charme des œuvres d’art rustique. Ses bizarreries sont visibles même sur un plan : pour une raison probablement d’ordre mystique (et non à cause du terrain), l’axe de construction change deux fois de direction, de sorte qu’on a l’impression d’une église qui « tourne ».

Et pourtant, dans cette symphonie, pas une fausse note n’apparaît. La nef a gardé, en somme, son aspect du XIIIe siècle. Les œuvres d’art des six siècles suivants ont été choisies et placées avec un goût si sûr, les transformations ont été si discrètes, et la restauration exécutée de façon si magistrale, que l’on est tenté de croire que la cathédrale de 1940 est plus belle que ne l’était celle de 1265.

 



Suisse inconnue, propositions de voyage, édité par le TCS, 1941

 

Pas d’image de la cathédrale de Coire, du moins pour le moment ! Combien il est difficile de trouver sur Internet des images de cet édifice ou simplement de quelques pierres du passé de Coire. C’est à n’y rien comprendre. Bref, vous aurez droit du moins à un petit plan et une coupe de la cathédrale quand je les aurais scannées.

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12 avril 2008 6 12 /04 /avril /2008 14:47

Les derniers jours de Davel furent tous empreints de la même fermeté d’âme. Il savait que sa fin approchait et il n’eut aucune défaillance. Il mangeait, il dormait comme d’habitude et pourtant la mort qui l’attendait était faite pour troubler un cœur moins courageux que le sien. Il avait demandé que le moment fixé pour son exécution lui fut annoncé vingt-quatre heures à l’avance afin qu’il pût se préparer particulièrement à la mort. Ce fut le pasteur de Saussure qui vint l’avertir que l’exécution avait été fixée au lendemain après-midi, le 23 avril. Davel, comme on pouvait s’y attendre, reçut cette nouvelle sans témoigner aucune émotion, bien au contraire, ce fut d’un ton presque joyeux qu’il dit au vénérable pasteur : « C’est une bonne et heureuse nouvelle et je me soumets avec plaisir à la volonté du Seigneur. » Vers le soir, il demanda à avoir encore la visite de MM. Les pasteurs Bergier et Crinsoz qui l’avaient déjà souvent visité pendant sa captivité et qui s’étaient pris pour lui d’une sincère et profonde affection. Ces messieurs le trouvèrent joyeux de voir approcher la mort, plein de foi, d’humilité et de confiance en Dieu. La nuit venue, il s’endormit aussi paisiblement que s’il avait ignoré que ce fût la dernière.

Le lendemain matin, deux des pasteurs de la ville vinrent le voir et comme l’un d’eux lui parlait, en le plaignant, de l’ignominie du supplice qu’il allait subir, il l’interrompit : « Pourquoi me ferais-je peine d’être vu à Lausanne en posture de criminel, puisque notre seigneur a bien traversé Jérusalem pour être crucifié entre deux brigands. »

A midi, il dîna comme de coutume, puis il fut conduit devant ses juges pour entendre lecture de la sentence qui le condamnait. Il s’avança d’un pas ferme et, après avoir salué l’assemblée, s’assit sur la sellette. La sentence fut lue. Elle avait été adoucie par Leurs Excellences qui se montrèrent moins sévères que les juges de la rue de Bourg. Ils avaient fait grâce à Davel du poing coupé qui aurait été une cruauté bien inutile. Lorsque Davel eut entendu cette sentence, il prononça, au milieu d’un silence impressionnant, ces simples mots : « Je reçois avec respect cette sentence, je m’y soumets comme à un arrêt de Dieu même et je suis prêt à la subir pour la gloire de mon Créateur. »

Je suis sûr qu’à ce moment plus d’un des juges dut se sentir plein de remords à la pensée qu’il avait contribué à la condamnation de cet homme.

 

Exécution de Davel.

 

Malgré la douleur que j’en ressentais, je tins à suivre le funèbre cortège qui, l’après-midi de ce jour, accompagna Davel depuis le château jusqu’à Vidy, le lieu de son supplice. Jamais on n’avait vu et je crois que jamais on verra condamné à mort aller au supplice avec une pareille sérénité. La tête haute, le regard assuré, Davel marchait entre les ministres Bergier et Crinsoz, causant avec eux, saluant de la main au passage les personnes de sa connaissance qu’il voyait aux fenêtres ou dans la foule qui garnissait les deux côtés de la rue.

Lorsque le cortège arriva à Montbenon, Davel demanda que l’on marchât sur le gazon, plutôt que sur la route qui était fort poussiéreuse. Voyant que les soldats qui escortaient le cortège, repoussaient assez brutalement la foule, il leur reprocha cette violence, ajoutant que l’on n’était pas pressé et que l’on avait tout le temps nécessaire. On lui demanda s’il ne voulait pas faire à cheval le reste du chemin qui était encore long. Il répondit qu’il ne se sentait pas fatigué, mais que, lorsqu’il le serait, il accepterait volontiers une monture.

Lorsque le cortège arriva à Vidy, il y avait une foule énorme qui était venue assister à l’exécution, mais, chose remarquable, cette foule n’était point tumultueuse comme elle a coutume de l’être en pareilles circonstances. Tout le monde avait entendu parler de Davel, de son attitude dans la prison, de son courage et de sa piété et tous sentaient bien que ce n’était ni un vulgaire malfaiteur ni un criminel qui allait mourir.

En arrivant sur le lieu de l’exécution, le lieutenant baillival demanda encore à Davel si, en présence de la mort, il pouvait encore affirmer qu’il n’avait en aucun complice. Davel affirma une fois de plus qu’il avait agi seul. A son tour, il demanda au lieutenant qu’il lui fût permis de parler au peuple. Cela lui fut accordé à condition qu’il ne dirait rien qui pût offenser le gouvernement. Davel en donna l’assurance. D’un pas ferme il gravit les marches de l’échafaud, puis, face à la foule, il parla d’une voix étonnamment forte. Il commença ainsi : « C’est ici le plus beau jour de ma vie. Je peux vous parler à cœur ouvert, étant prêt à remettre mon âme entre les mains de mon Créateur. »

A suivre...

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8 avril 2008 2 08 /04 /avril /2008 10:37

A chaque manifestation folklorique et cortège dans l’une ou l’autre ville ou village de notre pays, on distingue de beaux costumes portés par des femmes et des hommes. Chaque canton a son costume local et pour certains, plusieurs types de costumes provenant des diverses vallées, comme pour le canton du Valais.

Les costumes que nous voyons sont généralement de deux périodes bien définies, c’est-à-dire le XVIIIe et le XIXe siècle.


 



Valais: Savièse, Evolène, Brigue

 

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7 avril 2008 1 07 /04 /avril /2008 11:24

Des amis qui revenaient de Berne nous racontèrent ce qui s’y était passé lorsque y arriva la nouvelle de la rébellion de Davel. La première émotion avait été terrible, bien que M. de Sévery eût affirmé que le Conseil de Lausanne se faisait fort d’étouffer l’affaire. Ces Messieurs de Berne croyaient déjà perdu pour eux ce beau pays de Vaud où tant de baillis étaient venus s’engraisser à nos dépens et d’où l’on tirait de si bons vins et tant de blé. Aussi la joie fut-elle grande lorsqu’arrivèrent les lettres dans lesquelles le major de Crousaz racontait comment il avait réussi à conjurer l’orage par des mesures aussi prudentes que rapides. C’est alors que les Conseils de Berne avaient envoyé M. de Wattenwyl à Lausanne avec leurs pleins pouvoirs. Beaucoup de nobles Bernois voyant qu’il n’y avait plus aucun danger, demandèrent à l’accompagner. C’était une trop belle occasion d’aller bombance aux frais de ces bons Vaudois. Et ils ne furent point déçus.

Lorsque l’instruction fut terminée, les bourgeois de la rue de Bourg réclamèrent leur privilège de juger le coupable. Les Bernois accueillirent cette demande d’autant plus volontiers qu’ils étaient sûrs que, par crainte et servilité, des juges vaudois condamneraient avec sévérité. Ils étaient soulagés aussi de pouvoir se décharger de cette vilaine besogne car une condamnation prononcée par des juges bernois risquait de donner à Davel une apparence de martyr.

 

Jugement et exécution de Davel.

 

Le jugement eut lieu dans la cour du château. Davel fut amené devant ses juges, au nombre de trente, tous bourgeois de la rue de Bourg. Il les salua courtoisement et plein de dignité et de sang-froid, alla s’asseoir sur la sellette. Le réquisitoire fut prononcé par le lieutenant baillival de Loys, un Vaudois. Pour faire sa cour au gouvernement, il se plus à flétrir la conduite de Davel. Il le montra tombé dans le noir péché d’ingratitude envers des bienfaiteurs qui l’avaient comblé de leurs grâces et honoré de leur confiance. Cet attentat, véritable crime de lèse-majesté, était digne d’un châtiment exemplaire, aussi demandait-il que le coupable fût pendu et étranglé, que son corps fût mis en quatre morceaux qui seraient exposés dans les lieux que leurs Excellences trouveraient à propos, et enfin, que ses biens seraient confisqués.

Aucun avocat ne prit la défense de l’accusé. Lui-même, après avoir écouté attentivement ce réquisitoire, qui le flétrissait, ne demanda pas non plus la parole pour expliquer sa conduite ou pour solliciter l’indulgence du tribunal. Il se leva, salua de nouveau ses juges et rentra dans sa prison, pendant que la cour délibérait.

Comme il fallait s’y attendre, la condamnation à mort fut prononcée. La sentence fut pourtant moins cruelle que celle que réclamait le réquisitoire de Loys. Le tribunal refusa de faire étrangler et écarteler le coupable et demanda qu’il fût décapité et qu’il eut le poing coupé. Je sus plus tard que le jugement avait été prononcé à l’unanimité moins une voix. On n’a jamais connu le nom du juge qui avait osé montrer une telle indépendance.

Sitôt la condamnation prononcée, on se relâcha de la sévérité que l’on avait montrée jusqu’alors. Le secret fut levé et Davel put recevoir des visites. Je fus un des premiers à solliciter l’autorisation de le voir. Cela me fut accordé sans difficulté. Une émotion indicible s’empara de moi lorsque je pénétrai dans le cachot de Davel. J’avais les yeux si brouillés de larmes et mes jambes tremblaient tellement que j’avais peine à me diriger. Quel fut mon ébahissement en entendant la voix de mon ami, aussi ferme et sonore que d’habitude, m’accueillir comme si je l’avais quitté la veille et qu’il ne se fût rien passé depuis. Jamais on ne se serait douté que cet homme venait de passer des semaines en prison, qu’il avait été cruellement tourmenté, que par trois fois il avait été mis à la torture et qu’il était sous le coup d’une condamnation à mort. On lui avait ôté ses fers, et vraiment il me reçut comme s’il avait été dans sa chambre de Cully. Il me demanda des nouvelles des gens de sa connaissance, il s’informa de l’état des vignes, si la gelé n’avait pas fait de dégâts. Et comme, timidement, je lui demandais comment il avait pu, lui toujours si loyal, trahir la confiance que les Bernois avaient mise en lui, il me répondit que ceux qu’Il a choisis, Dieu peut les affranchir des règles ordinaires qui régissent les hommes. Puis il ajouta : « J’ai obéi à l’ordre de Dieu, j’ai suivi le plan qu’Il m’avait inspiré. Si je me suis trompé, ce que je ne crois pas, Dieu qui connaît la droiture de mon cœur, ne m’imputera pas à crime ce que j’ai fait pour le glorifier et pour procurer de grands avantages à ma patrie. » Voyant combien j’étais ému et affligé, il entreprit de me consoler et de m’encourager, me disant que son sort était digne d’envie, que bien qu’il fût regardé comme un criminel d’Etat, on avait pour lui toutes sortes d’égards. En riant il ajouta : « On me fait faire trop bonne chère ». Puis il me parla de sa mort prochaine avec la plus grande sérénité, sans paraître éprouver la moindre angoisse. « Quand on me verra demeurer ferme dans ce moment où le monde entier s’écartera de moi et où Dieu lui-même sera prêt à me juger, on reconnaîtra qu’il n’y avait en moi ni fraude ni hypocrisie. »

A ce moment arrivèrent d’autres visiteurs. Je dus prendre congé. J’embrassai mon ami. J’étais mille fois plus troublé que lui, toujours calme et serein et je m’en allai rempli d’admiration pour son courage, mais le cœur brisé à la pensée que je ne le reverrais plus. Tous ceux qui le visitèrent dans sa prison, et ils furent nombreux, en ressortirent émerveillés, émus et même édifiés par cette piété si ferme, si convaincue. Le ministre Crinsoz, qui vit souvent Davel, ne put s’empêcher de lui dire un jour : « Vous êtes un héros ! » - Moi, un héros ? répondit Davel avec une extrême vivacité, mais je ne suis pas un païen, pour qu’on me parle d’héroïsme. » Donnant à entendre que le vrai chrétien qui se confie en Dieu doit envisager la mort avec sérénité et qu’il a nul héroïsme dans cette attitude.
A suivre...

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4 avril 2008 5 04 /04 /avril /2008 11:41

Mise en garde : les informations sont celles que l’on pouvait obtenir en 1945 ! En effet, le sujet principal du BLOG est l’histoire et donc je renseigne sur des moments précis des connaissances à un moment donné. En conséquence, le canton du Jura n’existait pas encore et n’est donc pas nommé ni décrit. Et pourquoi pas un instantané d’aujourd’hui ? Parce que les différences aujourd’hui sont moins marquées que par le passé, quand chaque canton revendiquait ses particularités avec fierté.

Canton de Schaffhouse (Schaffhausen, Sciaffusa) – 12e rang – Entrée dans la Confédération 10 août 1501

 

Nom : la ville de Schaffhouse fut fondée en même temps que le couvent de Tous-les-Saints (la première chapelle fut érigée en 1047 par le comte Eberhard III de Nellenbourg). On n’est pas d’accord sur l’origine du nom. On le fait dériver de « scâf » « Schaf » mouton, ou de scapha : « Schiff » : bateau. On trouve : Scâphusum (1045), Scephûsa (1046), Schafhusa (1111), Schaffhausen pour la première fois officiellement (en 1823).

Armoiries : d’or à un bélier de sable sautant, couronné, accorné et onglé d’or, langué de gueules.

Origine : le champ d’or et le tenant de sable dérivent des couleurs impériales (comme pour Uri) qui étaient d’or à une aigle de sable. Depuis le milieu du XIIIe siècle les armes du sceau de Schaffhouse sont des armes parlantes en effet, elles représentent un bélier sortant d’une maison. La plus ancienne bannière schaffousoise nous vient de la bataille de Sempach (1386), elle se trouve à la collection historique de Lucerne. La couronne et les cornes viennent d’un diplôme du pape Jules II (1512) pour services militaires.

Couleurs cantonales : noir, vert.

Superficie : 298,9 km2 dont 15,55 km2 de terrains improductifs.

Chef-lieu : Schaffhouse. Langue : allemand.

Constitution : du 24 mars 1876 avec 7 modifications (jusqu’en 1942).

Pouvoir législatif : le « Grand Conseil » (Grosser Rat) composé de 77 députés, élus par le peuple pour 4 ans. Age minimum : 20 ans. Il peut être dissous sur demande du peuple.

Pouvoir exécutif : le « Conseil d’Etat » composé de 5 membres élus par le peuple. Le président et le vice-président sont élus par le Grand Conseil pour 1 année.

Division administrative: 35 communes, 6 districts: Oberklettgau (Neunkirch), Unterklettgau (Unterhallau), Reiath (Thayngen), Schaffhouse, Schleitheim, Stein am Rhein.

 

 

 

 

 

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3 avril 2008 4 03 /04 /avril /2008 11:49

A chaque manifestation folklorique et cortège dans l’une ou l’autre ville ou village de notre pays, on distingue de beaux costumes portés par des femmes et des hommes. Chaque canton a son costume local et pour certains, plusieurs types de costumes provenant des diverses vallées, comme pour le canton du Valais.

Les costumes que nous voyons sont généralement de deux périodes bien définies, c’est-à-dire le XVIIIe et le XIXe siècle.

Jura bernois, Neuchâtel

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3 avril 2008 4 03 /04 /avril /2008 11:37

Zwingli justifie le mariage des prêtres (1522)

 

En juillet 1522, des ecclésiastiques soutenus par Zwingli adressent des requêtes à l’évêque diocésain et à la diète pour autoriser le mariage des prêtres. Son interdiction ne leur paraît plus tolérable puisqu’elle n’est pas prescrite par la Bible. L’intervention de Zwingli est traduite dans J.-J. Hottinger, Ulrich Zwingli et son époque, traduction Aimé Humbert, Lausanne, 1844. L’extrait suivant est tiré des pp. 106-107.

 

Enfin, cette innovation que nous soumettons à votre sagesse n’est pas un caprice de notre cœur, mais elle nous est suggérée par un pieux amour de la pureté conjugale. C’est au nom de la véritable chasteté que nous vous parlons. Car qui ne sait que nous satisferions beaucoup mieux la licence de la chair en ne nous soumettant point aux lois d’une union légitime ? Nous n’ignorons pas non plus les peines, les soucis, les travaux qu’entraîne le mariage ; tandis que nous savons fort bien aussi comme il nous serait facile d’abandonner au premier jour les femmes auxquelles nous nous sommes attachés. Notre démarche n’est donc point le fruit du caprice, mais la conséquence du respect et de l’amour que nous avons pour les âmes qui nous sont confiées et que nous ne voulons pas perdre pour l’éternité. La plupart d’entre nous, au reste, sont sortis des langes de l’enfance, et nous

 

sommes plus près de quarante ans que de trente. Nous vous prions encore de ne pas prêter l’oreille aux diverses objections que l’on élèvera contre notre demande. « Comment osent-ils prendre femme ? » dira-t-on. « N’ont-ils pas fait vœu de chasteté ? ». Écoutez ceci, nos Seigneurs ! Aucun de nous n’a fait vœu que dans les termes que je vais vous rapporter. A la cérémonie de l’ordination, l’évêque adresse différentes questions à celui qui porte la parole pour les jeunes prêtres que l’on va consacrer ; quand il demande : « Ceux que vous offrez au Seigneur, sont-ils chastes ? », la réponse est : « Oui, autant que le permet la fragilité humaine. » Voilà à quoi se réduit notre vœu. Nous en prendrions à témoin, s’il le fallait, les seigneurs évêques eux-mêmes. Mais personne, nous l’espérons, n’osera le nier. Ainsi, puisque ni serment, ni loi ne nous lient ; puisque, d’un autre côté, saint Paul s’exprime comme je l’ai rapporté ci-dessus, laissez-vous émouvoir par cette confession publique que nous faisons devant vous ; et certes, si nous n’avions pas tant l’honneur à cœur, nous n’aurions pas à ce point découvert notre honte.

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2 avril 2008 3 02 /04 /avril /2008 11:40

Je restai près d’un mois à Lausanne. Mes cousins voyant mon chagrin furent avec moi de la plus grande bonté et firent tout ce qu’ils purent pour m’encourager. Grâce aux nombreuses relations qu’ils avaient en ville, je pus savoir presque jour après jour tout ce qui advenait de mon pauvre ami. Mais ils ne jugeaient pas des choses comme moi. Tendis que je m’indignais de ce que le Conseil de Lausanne eût agi d’une façon qui, à mes yeux n’était que fourberie et déloyauté, eux, trouvaient que les conseillers avaient montré une sage prudence et évité bien des troubles. « Comment, leur disais-je, au lieu de cajoler Davel, de paraître d’accord avec lui, n’auraient-ils pas pu au moins lui présenter quelques objections, lui adresser quelques remontrances. Qu’ils ne fussent pas d’accord avec lui, c’était leur droit, mais alors pourquoi cette sinistre comédie ? – Oui, oui, mais alors Davel, aurait compris, et, appuyé par ses six cents soldats il se serait emparé de la ville et nous aurions eu la guerre, non pas seulement contre Berne, mais la guerre civile.

- Mais de Crousaz, le collègue de Davel, lui qui se disait son ami, ne pouvait-il essayer, au nom même de leur amitié, de le détourner de son aventure ? Il paraît l’approuver, l’encourager et derrière son dos, il travaille de toutes ses forces à le perdre ! « Oh bien ! celui-là on te l’abandonne », dirent mes cousins, pour me donner satisfaction.

Ce même soir, 2 avril, vers les cinq heures arriva de Berne M. de Wattenwyl, le haut commandant du Pays de Vaud, accompagné d’une brillante cavalcade. On l’accueillit au son du canon et à son arrivée au château, il fut salué par une garde d’honneur de 60 étudiants armés pour la circonstance. Le major de Crousaz, pour se faire bien voir et peut-être pour recueillir les compliments qu’il pensait avoir bien mérités, s’était porté à la rencontre des Bernois jusqu’à Montpreveyres, avec une escorte de dragons. M. de Wattenwyl dut être rassuré sur l’état des esprits dans le pays de Vaud, car c’était à qui s’aplatirait devant lui avec des protestations de dévouement et de fidélité qui suaient l’hypocrisie et la peur. On le vit bien mieux encore le lendemain, lorsqu’il reçut les hommages du Conseil de la Ville et ceux de l’Académie. Il en entendit des compliments sur la paternelle administration de nos maîtres. Pauvre Davel, quelle illusion tu t’étais faite, si tu avais cru que ton peuple était mûr pour la liberté !

Aussitôt après son arrestation, on avait procédé à un premier interrogatoire du prisonnier. Ce qu’on voulait avant tout, c’étaient les noms de ses complices. Davel déclara qu’il avait agi seul. Il fut si catégorique que l’on relâcha ses deux capitaines.

Lorsque Wattenwyl fut arrivé, il demanda et obtint que l’instruction fût menée avec la dernière rigueur. On eut recours à la torture pour obtenir des aveux. Ce fut terrible. Davel eut les doigts serrés avec une telle violence que les ongles sautèrent. Il devait souffrir atrocement, mais il garda tout son sang-froid et déclara qu’il n’avait rien à ajouter à ses premières affirmations. Il avait agi seul, par amour pour son pays, et par obéissance aux ordres qu’il avait reçu de Dieu. Il raconta alors à ses juges plusieurs particularités concernant la Belle Inconnue et les prédictions qu’elle lui avait faites jadis. La plan qu’il avait suivi lui avait été donné par Dieu et il n’y avait rien changé ; « car, disait-il, si j’avais suivi un plan humain, j’aurais agi selon les lois de la guerre ; je me serais emparé en arrivant, de toutes les positions importantes de la ville, ainsi que du château où j’aurais mis une garnison. Je me serais présenté devant le conseil, entouré d’une escorte de soldats. Or, ma troupe n’avait pas même de munitions, tellement j’étais convaincu que tout se passerait sans effusion de sang ». Et il ajouta : « Quand même vous me tortureriez à me rendre plat comme une feuille de papier, vous ne me ferez pas dire autre chose.

Deux fois encore on le remit à la torture. On voulait absolument avoir des aveux plus explicites. Les mains liées derrière le dos, on le suspendit par les poignets et on le leva à deux pieds de terre. On n’en put rien tirer. Deux jours plus tard on recommença, mais cette fois on lui avait attaché un poids de 25 livres aux pieds. Il fut soulevé à deux reprises. Un des examinateurs frappé par le calme extraordinaire qu’il conservait lui demanda s’il souffrait : « Oui, Monsieur et de grandes douleurs, mais je suis sûr que vous souffrez autant que moi ». Puis, il s’écria avec ardeur : « Jour fortuné, jour heureux, je suis dans les fers pour la gloire de Dieu et pour le bien de ma patrie ! ».

Quand on me racontait toutes ces choses, je sentais mon cœur se gonfler dans ma poitrine et mes yeux se remplir de larmes. Je ne me faisais aucune illusion, mon pauvre ami était perdu !

A suivre...

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