Une friture de poisson envahi la cage d’escalier de mon immeuble. La Portugaise de l’étage en dessous en est responsable. Pour moi, les jours de grandes fritures de ma voisine, est un calvaire olfactif. Beurk, beurk et voilà que revient des souvenirs de l’enfance de plus de 60 années.
Suite à une maladie enfantine, on décida de m’envoyer dans une colonie d’été à la montagne. Pour moi, aucun souvenir de la maladie ni des modalités qui m’ont été imposées comme cela se faisait alors. Parlions-nous aux petits enfants dans les années 50 ? La lumière des souvenirs s’allume au moment du départ du train en voyant maman sur le quai me signifiant un au revoir avec des gestes bien reconnus, à mes côtés une femme semble regarder la scène et attendre que le train démarre. Me voilà parti avec une inconnue qui au moment de changer de train me tenait la main fermement. Après le train, un chemin caillouteux qui serpente au milieu de grands sapins qui sentaient très bon.
Arrivé devant une grande maison de plusieurs étages aux murs blancs, au pied d’un escalier un homme parle avec la dame inconnue. Le temps de lever les yeux sur la maison et sur l’environnement et cherchant d’où venait cette désagréable odeur de poisson frit qui flottait dans l’air, que l’homme me conduisait déjà dans le réfectoire où l’on mangeait très bruyamment. Des enfants autour des tables, tout me paraissait très haut, très grand, le bruit très fort. L’homme m’éleva et me posa sur une chaise très grande et au niveau de ma bouche une assiette que l’on remplit de nourriture qui déjà me donnait la nausée. Avant même de rentrer dans cette bâtisse, l’odeur désagréable pénétrait mes narines. Alors, sous mes yeux la chose qui sentait si mauvais pour moi était là dans l’assiette avec des pommes de terre cuites à l’eau et persillées et une salade verte accompagnant le tout. Du poisson ! En avais-je déjà mangé à la maison, je n’en savais rien et dans tous les cas, il ne sentait pas aussi mauvais. On voulait que je mange la totalité de l’assiette, je résistais. Le silence d’un réfectoire vide est impressionnant pour le petit garçon de cinq ans que j’étais. La personne qui voulait m’obliger à manger a fini par abandonner l’affaire.
Par la suite la colonie se révélait être un lieu agréable et j’en garde un bon souvenir, malgré le fait d’avoir pris le train en marche et d’être arrivé au milieu du repas, tous les gamins se connaissaient déjà et j’étais un peu l’oublié du moment puis cela s’équilibrait avec facilité.
Revenons à l’odeur de friture de poisson désagréable à mon nez. ELLE devint la plus détestée, la plus rapidement décelée, la plus révulsée à mon nez. L’odeur de friture de poisson n’a pas de concurrence pour moi, donc je décèle très facilement cette mauvaise odeur. Plus tarde après cette expérience « traumatisante » arrive parfois que cette odeur chatouille mes narines et mes réactions correspondaient à mon dégout. Les poissons pêchés et ramenés à la maison n’étaient pas frit, mais poêlé, donc sans cette mauvaise odeur habituelle. Le temps passe vite et me voilà cuisinier et recrue aide de cuisine sous l’uniforme. L’armée, même en Suisse forme le caractère et à l’époque en plein dans la Guerre froide, il fallait être du bon côté et fermer sa bouche pour rester poli.
On mangeait de la vache enragée, des rations datées encore comestibles, le « piano » de la caserne fonctionnait au bois et l’on cuisinait dans des grandes marmites que l’on nomme « romaine ». Le palan était nécessaire pour sortir les romaines et les nettoyer. La tambouille était le quotidien pour nous tous. Pas raffinée, ni ordinaire ou gastronomique, cette cuisine n’était pas au beurre. L’huile était pas bonne, la graisse était proche de la graisse à canon et aucune des deux n’étaient bonne pour faire de la bonne cuisine. Pire que tout, quand elles étaient chauffées, catastrophe, elles sentaient le poisson. Voilà qu’elle était là à la cuisson d’un quelconque morceau de viande ou des pommes de terre. Les autres ne ressentaient pas la même chose que moi et il a été difficile d’obtenir huile et beurre ou bonne graisse à notre fourrier. Je n’ai jamais connu la composition de l’huile ou de la graisse, mais l’origine de cette odeur de poisson m’est connue avec l’expérience que je pouvais avoir en cuisine. L’huile de colza ne devait pas être chauffée mais être consommée à température ambiante.
Mes allégations aux collègues cuisiniers partout où je travaillais, ne croyaient pas forcément mes affirmations sur une mauvaise odeur que l’huile de colza dégageait en chauffant, puisque j’étais le seul à le dire. Avec le temps, je trouvais quelques personnes ayant le même dégout à propos de cette huile. La promotion de cette huile dans nos journaux coïncidait avec l’augmentation des champs de colza qui longeaient les autoroutes nationales. Je retrouvais cette désagréable odeur dans des plats préparés industriellement, c’est bien chez nous que nous avons Nestlé. Nous avons deux très gros distributeurs avec de nombreuses enseignes partout en Suisse et même de l’autre côté de nos frontières. Les plats préparés ne sont pas fait avec les meilleurs aliments et les meilleurs produits d’assaisonnement et des meilleurs liants, non on cache la façon d’on le plat préparé est fabriqué ou du moins on fait une liste de produits ajouté avec les additifs abrégés pour ne rien comprendre.
Cette odeur de friture de poisson était de plus en plus présente. À lire la composition de ces plats, on trouve très souvent l’huile de colza qui pendant très longtemps a été une préoccupation pour certain gouvernants et pour la sécurité alimentaire. En Suisse on ne demande pas trop l’avis du public pour ces choses-là. Par contre dans certains pays, comme la France, c’est une préoccupation de savoir par avance si le produit peut être consommé par le Peuple. La Suisse a discrètement introduit l’huile de colza depuis longtemps en douce et partout. Quand l’argent commende on fait feu de tout bois.
J’ai cherché sur Internet des articles ou des études sur le sujet, rien ! C’est compliqué de trouver en Suisse et demander pourquoi on trouve de l’huile de colza dans une barre chocolatée. Ceux qui sont censés nous renseigner, les associations consuméristes, ne sont pas intéressés ou alors il y a une autre raison qui ne m’a jamais été donnée. Soudain la préoccupation mondiale était l’huile de palme non pas pour ses propriétés organoleptiques mais pour la déforestation que nécessite la culture des palmiers.
J’ai quand même trouvé un article ou les commentaires d’une étude française sur l’huile de colza qui date de 2006 au moment où en France le regard sur l’huile de colza change. C’est très intéressant de voir ce document qui dit en toutes lettres que certaines personnes sentent l’odeur de poisson quand cette huile chauffe et d’autres ne sentent rien. [A lire, lien en bas de page.]
J’avais donc vu juste ! On est tous différent face à certaines choses, les goûts et les couleurs sont tous divergents et l’on est d’un groupe ou d’un autre, et l’huile de colza n’est pas pour moi. Dès ce constat fait, suis-je en droit d’en parler ? Face à cette déclinaison que l’huile de colza n’est pas bonne, si je ne précise que cette affirmation n’est valable que pour moi, pour mon nez, je choque beaucoup de monde. Je ne peux faire d’un cas une généralité. Mais d’autre part, les fournisseurs de cette huile devraient d’eux-mêmes expliquer que pour certaines personnes cette huile ne convient pas. Si seulement cela était possible, les producteurs qui préparent des produits divers en cherchant absolument à cacher la composition du dit produit ne peuvent accepter de reconnaitre que cette huile n’est pas indiquée pour une partie de la population. Il faut juste apprendre à décoder ce qui est écrit tout petit derrière un emballage menteur.
Toute ma vie de cuisinier ou d’individu ordinaire, j’ai trop évité le poisson, d’en manger ou de le préparer pour d’autre. Alors que je sais bien qu’il y a des poissons sans odeurs particulières et qui se mange accompagnés d’une sauce qui change le goût du poisson, etc.
Voilà la fin de mon propos sur la désagréable odeur de poisson que je sens quand l’huile de colza est à proximité de mon nez.